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Pour en finir avec les exemptions fiscales des lieux de culte

En janvier dernier, l’émission La Facture nous apprenait l’existence, à Prévost dans les Laurentides, du sanctuaire Pont de vie, une religion dûment enregistrée qui ne compte que deux membres. L’édifice cossu qui abrite ces deux fidèles bénéficie donc de tous les avantages fiscaux dévolus aux religions, lieux de culte et autres organismes à vocation religieuse ou pseudo-religieuse. Pour la petite municipalité de Prévost, c’est un manque à gagner, en taxes foncières, de près de 4000$ par année.

Le reportage de La Facture nous montre qu’il s’agit d’une véritable fumisterie qui fait rager les autres résidents qui, eux, paient leurs taxes. Même le maire dénonce la situation, mais il ne peut rien contre cette loi provinciale qu’il juge inéquitable pour les autres payeurs de taxes.

Le reportage a conduit la MRC de la Rivière-du-Nord à réviser le dossier de Pont de vie et à lui révoquer son statut d’organisme non imposable. S’il fallait procéder de la sorte au cas par cas pour chacune des situations du genre, nous aurions fort à faire. Il y aurait 1636 organismes religieux au Québec et plus de 33 000 au Canada, dont les raéliens et l’Église de scientologie, bénéficiant de telles exemptions.

Une dîme de plusieurs millions de dollars

Le reportage de La Facture n’est que la plus récente couverture médiatique de ces situations qui constituent, ni plus ni moins, qu’une taxe religieuse imposée à l’ensemble des citoyens.

En 2010, le service de nouvelles de Radio-Canada faisait état d’une augmentation de 41% du nombre de bâtiments qui jouissent d’une exemption de taxes scolaires et municipales à Montréal, ce qui représentait alors des pertes de 69 millions de dollars pour la ville.

Quelques jours plus tard, le journal 24h chiffrait à près de 100 millions de dollars les pertes pour Montréal, Laval et Longueuil dues aux exemptions de taxes foncières des lieux de culte et même de clubs de golf et de marinas.

Les corporations religieuses ne sont pas seulement exemptées de taxes municipales et scolaires mais également de taxes provinciales et fédérales et leurs dirigeants ou ministres du culte bénéficient de certaines réductions d’impôt. En 2013, le journaliste de La Presse Francis Vailles examinait ces exemptions provinciales et concluait, uniquement pour ce qui concerne les lieux de culte, qu’elles coûtent entre 50 et 100 millions de dollars par année au gouvernement du Québec.

Finalement, en 2014, le journaliste Nicolas Lachance, du Journal de Montréal, expliquait comment on pouvait, en quelques minutes et pour 200$, créer sa propre religion et ne plus payer de taxes. Suite à cet article, le ministre des Finances, Carlos Leitão, s’était avoué « embarrassé » de constater à quel point il était facile d’échapper au fisc. Selon la députée de Montarville, Nathalie Roy, les exemptions de taxes provinciales entraînent un manque à gagner de 107 millions de dollars par année pour le gouvernement du Québec (chiffre de 2010).

Pour faire un geste

Un résident de Boucherville en a eu marre et a décidé de lancer une pétition pour l’ « Abolition des exemptions de taxes relatives aux lieux de culte ». La pétition, qui est appuyée par le Mouvement laïque québécois et l’Association humaniste du Québec, demande au gouvernement du Québec « d’abolir toute aide provinciale et toute forme d’exemption de taxe foncière, municipale ou scolaire relative aux lieux de culte » et que le gouvernement du Québec « s’assure, afin d’être juste et équitable pour tous, d’appliquer cette abolition à tout type de sectes et de mouvements religieux ».

La pétition, parrainée par la députée Nathalie Roy, se trouve sur le site des pétitions de l’Assemblée nationale et la date limite pour la signer est le 2 juin.