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La « prière du cowboy » de la ministre du Tourisme Julie Boulet

Alors que le gouvernement du Québec s’apprête à adopter dans les prochains jours le projet de loi 62 sur la « neutralité religieuse » de l’État, la ministre du Tourisme et responsable de la région de la Mauricie, Julie Boulet, se livre à des récitations de prière dans les activités touristiques et de loisirs.

Présente à l’ouverture du Festival western de Saint-Tite ainsi qu’à son rodéo les 11 et 13 septembre dernier, la ministre Boulet a en effet accepté de se livrer à une activité religieuse dans le cadre de ses fonctions ministérielles. Elle a procédé à la récitation de la traditionnelle « prière du cowboy » qui marque l’ouverture du festival et d’autres activités du même genre au Québec. Qu’on ne se méprenne pas : la « prière du cowboy » n’est pas une allégorie ni une simple ode à la culture western. Il s’agit d’une véritable prière d’inspiration nettement chrétienne qui se lit comme suit :

« Notre Père qui est aux cieux, permets-moi quelques instants de réflexion, afin d’apprécier ta bonté. J’implore ta présence tout au long de cette compétition et je te prie de guider mes pas dans l’aréna de la vie. Je ne te demande aucune faveur spéciale, mais aide-moi, Seigneur, lors de la grande finale de la vie où tu seras le dernier juge. Car, Seigneur, j’aimerais t’entendre dire que mon entrée est faite pour le paradis. Amen »

Aucun média n’a rapporté la chose mais ceux qui étaient présents peuvent en témoigner. Le Mouvement laïque québécois a d’ailleurs obtenu un enregistrement vidéo de la récitation de la prière par la ministre Boulet réalisé par des personnes présentes. L’activité figure même à l’agenda de la ministre du Tourisme où l’on peut lire qu’elle agissait au nom du gouvernement du Québec :

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La récitation d’une prière de ce genre par le maire de Saguenay, Jean Tremblay, a été interdite par la Cour suprême du Canada parce qu’elle contrevient à la neutralité religieuse de l’État et au droit à la liberté de conscience des citoyens. Ce jugement du plus haut tribunal du pays a été rendu sur la base des chartes actuelles des droits et libertés et malgré l’absence de loi précisant la portée de la neutralité religieuse ou la laïcité de l’État.

Même si la récitation de la prière du cowboy ne s’est pas tenue dans une institution publique, la ministre agissait en tant que représentante de l’État et son agissement va à l’encontre du jugement de Saguenay :

« [80] L’État peut porter atteinte à la liberté de conscience et de religion notamment par l’adoption d’une loi ou d’un règlement, ou lorsque ses représentants, dans l’exercice de leurs fonctions, se livrent à une pratique qui contrevient à son obligation de neutralité.

[84] En premier lieu, l’État ne peut, en raison de l’obligation de neutralité religieuse qui s’impose à lui, professer, adopter ou favoriser une croyance à l’exclusion des autres. Il est évident que l’État lui-même ne peut se livrer à une pratique religieuse; celle-ci doit donc être celle d’un ou plusieurs de ses représentants, dans la mesure où ils agissent dans le cadre de leurs fonctions. Quand, dans l’exercice de leurs fonctions, les représentants de l’État professent, adoptent ou favorisent une croyance à l’exclusion des autres, les deux premiers critères de la discrimination mentionnés plus haut, soit l’existence d’une exclusion, distinction ou préférence fondée sur la religion, sont établis. »

À l’heure où le gouvernement Couillard s’apprête à adopter une loi sur la neutralité religieuse, il est plutôt renversant de voir une ministre de ce même gouvernement agir en pleine contradiction du jugement de la Cour suprême et défier la Cour. Philippe Couillard ne peut pas plaider l’ignorance du geste de sa ministre puisqu’il était à ses côtés, du moins lors de la parade d’ouverture du festival de Saint-Tite.

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Que peut-on attendre d’un tel gouvernement quant au respect de la neutralité religieuse de l’État? Le projet de loi 62 n’est pas un projet sur la laïcité mais sur la neutralité religieuse, ce qui a une portée beaucoup plus limitée. Le projet ne dit rien sur les activités religieuses telles les prières récitées par les agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions. Mais malgré ses nombreuses limites et lacunes, le projet de loi impose aux membres d’un organisme public de « faire preuve de neutralité religieuse dans l’exercice de [leurs] fonctions » (art. 4). Cela devrait s’appliquer en premier lieu aux élu-e-s de l’Assemblée nationale.

Bien que ce projet de loi ne soit pas encore adopté, le geste de la ministre Julie Boulet constitue un véritable écart de conduite qui entre de plein fouet en contradiction avec ce qui est attendu de la future loi. Seule l’indifférence crasse, voire l’hostilité des membres du gouvernement Couillard à l’égard de la neutralité religieuse et de la laïcité peut expliquer cette chose.