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D’un Trudeau à l’autre…

 

 

Ce dimanche, dans une entrevue qu’il accordait à Franco Nuovo à l’émission Dessine-moi un dimanche, le député libéral fédéral Justin Trudeau y est allé de quelques observations qui, disons, risquent d’en étonner plus d’un.. Du moins, à première vue.

Il fut questionné sur ce que devient le Canada sous Stephen Harper. Son constat: le pays «s’en va trop vers la droite». Difficile, en effet, de dire le contraire.

Mais il ajouta alors que cet état de fait inquiétant ne s’explique pas parce que les Canadiens n’auraient pas les mêmes «valeurs» que les Québécois, mais plutôt, expliqua-t-il, parce qu’il y aurait «une façon de voir la responsabilité sociale, l’ouverture envers l’autre, une fierté culturelle, ici, au Québec, qui est nécessaire pour le Canada».

Ouf.

Voilà une distinction politique majeure entre lui et son père, l’ex-premier ministre Pierre Trudeau décédé en octobre 2000.

Difficile en effet d’imaginer une telle observation venir de celui qui, dans les faits, aura combattu durement le nationalisme québécois pendant des décennies. Et ce, jusqu’à rapatrier et modifier considérablement la constitution canadienne sans l’approbation de l’Assemblée nationale.

Puis, Justin Trudeau d’ajouter en entrevue: «et je dis toujours si, un moment donné, je croyais que le Canada, c’était vraiment le Canada de Stephen Harper, puis qu’on s’en allait contre l’avortement, puis qu’on s’en allait contre le mariage gai, puis qu’on retourne en arrière de dix milles différentes façons, peut-être que je songerais à vouloir faire du Québec, un pays. Oh oui. Absolument. Si je ne reconnais plus le Canada, moi, mes valeurs, je les connais très bien.»

Re-ouf.

Mais attention. Il ne s’apprête pas pour autant à prendre sa carte du PQ!…  Justin Trudeau a plutôt ensuite insisté pour dire sa confiance en l’avenir. Un avenir où, selon lui, le «Québec au Canada» pourrait contribuer à remettre tout ça sur le bon chemin.

Bref, si la formule frappe venant d’un Trudeau, son appui demeure, il va sans dire, au fédéralisme. Sur cette question, ses convictions sont d’une constance et d’une cohérence reconnues. Pour un député du PLC en qui certains voient même un éventuel futur chef, le contraire eût été proprement impensable.

Or, il reste qu’il est à peu près impossible de même tenter d’imaginer l’ancien premier ministre considérer ne serait-ce que la plus petite possibilité de «vouloir faire du Québec, un pays» un jour, pour quelque raison que ce soit, aussi théorique fut-elle. Et même en réitérant ses propres convictions fédéralistes…

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D’ailleurs, cette entrevue n’est pas sans rappeler une autre observation que d’aucuns verraient comme aussi étonnante venant de Justin Trudeau. Celle-là sur la question linguistique.

 

En janvier 2010, dans le cadre de la Francofête annuelle de la Commission des affaires francophones de l’Association étudiante de l’Université McGill, je donnais une conférence et participais à une table ronde fort enlevante sur le sujet avec le politologue Joseph-Yvon Thériault et Justin Trudeau.

Lors d’un échange où j’expliquais pourquoi la loi 101 contenait certaines mesures coercitives pour tenter de préserver le français dans une situation unique de concurrence ouverte avec l’anglais comme langue d’intégration, Justin Trudeau a finalement reconnu la nécessité, dans le contexte québécois, d’avoir en effet des mesures dites coercitives.

Encore une fois, une vision des choses que l’ancien premier ministre combattait, quant à lui, bec et ongles.

Comme quoi, d’un Trudeau à l’autre, il arrive que certains points de vue évoluent et se fassent nettement plus nuancés…