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Carré rouge

On commence de plus en plus à parler de la grève des étudiants ces jours-ci, autant dans les médias que dans le métro et dans les soupers de famille. Après avoir épluché quelques textes d’opinions et tendu l’oreille ici et là, je peux vous dire que ce qu’on entend le plus souvent qui soit en lien avec la grève jusqu’ici, c’est que les frais de scolarité des étudiants québécois sont parmi les plus bas au Canada et que les étudiants devraient être les premiers à investir dans leur avenir.

Bref, la même cassette qu’il y a deux ans.

C’est d’ailleurs ce que j’ai moi-même longtemps pensé. Ayant effectué un retour aux études à temps partiel il y a 8 ans, j’en ai vu passer des grèves. De mémoire, il y en a eu trois. Et pour la première fois, je comprends les étudiants de s’insurger. Rappelons-le, on parle d’une hausse de 325$ par année pour un étudiant à temps plein, et ce pendant 5 ans. Au final, c’est une augmentation de 1625$ qu’on impose aux étudiants. C’est beaucoup d’argent. Et ça s’ajoute aux autres augmentations.

Imaginez que le prix de votre loyer soit majoré ainsi – soit de 27$ par mois? Il faut que les taxes augmentent on ne peut plus significativement pour qu’une telle hausse soit justifiable auprès de la Régie du logement.

Oui, les frais de scolarité au Québec sont inférieurs à la moyenne canadienne, mais en quoi est-ce mal? On parle d’éducation ici! On parle d’investissement à long terme. On parle d’individus qui gagneront bien leur vie et qui paieront des taxes et des impôts. En Ontario, la taxe de vente provinciale est de 8% alors que, au Québec, elle est de 9.5%. En 2010, le revenu personnel moyen au Canada était de 37506$, alors que celui du Québec était de 34437$… et nous pourrions continuer longtemps ainsi. Les contextes économiques, sociaux et culturels ne sont pas les mêmes. Chaque province se distingue des autres. Pourquoi le Québec ne se différencierait pas en se positionnant comme étant une province qui considère l’éducation comme un enjeu des plus importants? J’adhère souvent à l’idéologie de l’utilisateur-payeur (vivement des postes de péage), mais sommes-nous prêts à voir le nombre de diplômés diminuer sous prétexte que les professionnels de demain doivent participer plus activement au financement de leurs études? Je le répète, on parle d’éducation ici!

Et parce qu’on aime se comparer avec nos voisins et que les chiffres disent que le taux de fréquentation des universités est sensiblement le même au Québec que dans le ROC, et ce malgré le fait que les frais au Québec soient inférieurs à la moyenne canadienne, plusieurs infèrent que les étudiants continueront de fréquenter l’école malgré tout. Mais encore une fois, considérons les contextes social et culturel. Et si, au Québec, on accordait tout simplement moins d’importance à l’éducation. Et si l’école était moins valorisée ici qu’ailleurs. Il y a quelques jours, Rima Elkouri rapportait que 40% des étudiants québécois sont la première génération de leur famille à fréquenter l’université. Et hier, on pouvait lire dans cet article que le taux de décrochage dans plusieurs régions du Québec augmentait.

Bref, même si je crains que la grève ne fera hélas pas reculer la ministre Beauchamp, à ceux qui portent le carré rouge je dis courage! Il faut vous faire entendre. Et à ceux qui ont peur que la grève affecte la qualité de leur formation, je dis que la qualité de votre formation a déjà été affectée. Et la grève n’y est pour rien.

Non, la qualité de votre éducation est affectée par les documents PowerPoint de 30 slides (avec bullet points) que vous devez remettre à la fin de la session plutôt qu’un document Word de 30 pages (en texte continu). La qualité de votre éducation est affectée par des critères d’évaluation loufoques (ie: votre allure générale lors de votre présentation de fin d’année). La qualité de votre éducation est affectée  par les conférences qui se font hélas de plus en plus rares, et par les trop nombreux travaux d’équipe qui vous sont imposés sous prétexte que, lorsque vous serez sur le marché de travail, vous travaillerez en équipe.

Non, la grève n’affectera pas la qualité de votre éducation – enfin, si peu -, car vos cours sont calqués sur le manuel que vous avez acheté en début de session alors, entre le lire et vous le faire lire par un chargé de cours, il n’y a qu’un pas.