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Être un bon gars

Je l’entends souvent, celle-là. En particulier dans les vagues #AgressionsNonDénoncées, #MoiAussi, mais aussi avec #DéciderEntreHommes. «Je suis un bon gars, moi.»

Comme si c’était un argument. Le truc, c’est que c’est hors propos, bien souvent.

C’est une vieille blague, surement devenue un mème. On décrit d’un côté un alcoolique, fumeur d’opium et qui a des maîtresses, et, d’un autre côté, on décrit un végétarien, qui aime les arts, etc. Pis boum, le premier, c’est Churchill (ou Roosevelt) et l’autre, c’est Hitler.

Je repense aussi à un portrait de Nathalie Petrowski, sur Éric Duhaime et Nathalie Normandeau, qui s’étonnait presque que le polémiste soit, dans la vie, un homme courtois qui mange de la salade. Et le public aussi s’en étonnait tout autant. Comme si c’était incompatible.

Encore ce matin, je lisais Martineau dire aimer être dur et acerbe dans ses chroniques, mais qu’il peut pleurer pendant Titanic. Comme si l’un empêchait l’autre.

C’est une étrange manie de toujours tout mettre dans un seul bloc. Ou penser qu’un bon comportement garantit de bons principes ailleurs.

Tu peux être un bon gars, prendre soin de tes enfants, être réellement présent pour eux, attentionné, et quand même être raciste.

Tu peux être un bon gars, toujours au service de l’autre, galant, généreux, et quand même alimenter la culture du viol.

Tu peux être un bon gars, romantique, d’une douceur et d’une grande serviabilité avec ta femme, et quand même penser que les femmes n’ont pas leur place à la direction d’entreprise ou d’un ministère.

Tu peux être un bon gars, présent pour aider les collègues au bureau ou les camarades de classe, et quand même cracher sur les BS.

Tu peux être un bon gars, être présent dans des manifestations contre la pauvreté, et quand même être un pollueur n’ayant aucune conscience environnementale.

Tu peux être un bon gars, environnementaliste convaincu, protecteur de la nature, et quand même être violent dans tes relations de couples.

Je pourrais continuer longtemps comme ça.

C’est si simple. On peut être un bon gars et quand même faire des erreurs. Ou être maladroit. Ou être mal informé. Ou ne pas avoir le bon argument. Ou être cave. On peut même être un bon gars et ne pas recevoir d’amour quand même. On peut être un imbécile et être adulé quand même.

Être une bonne personne, c’est un principe, une direction que l’on se donne dans nos comportements, dans nos valeurs, mais ça ne garantit rien.

Et c’est très subjectif, «être un bon gars»…

Plus encore, tu peux être une bonne personne et ne rien comprendre de la société. Et tu peux tout comprendre et être une ou un trou du cul quand même.

Imaginons après une énième défaite du Canadien que l’entraîneur, Claude Julien, réponde à critique : «Ouin, mais je suis un bon gars, me semble?» On verrait l’impertinence de sa question. L’effet devrait être le même dans les enjeux de racisme, de sexisme, de pauvreté et autres. Et on l’oublie trop souvent.

Je ne dis pas que ça ne donne rien d’être une bonne personne. Au contraire. Ça devrait être un cap à prendre. Mais ça ne vient avec aucune garantie, aucune médaille. Encore plus lorsqu’on parle de problèmes systémiques.