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Ridiculiser pour la santé publique?

Quelle étrange étude réalisée en Angleterre, à l’Université d’East Anglia. Comme le résume ce texte sur Pieuvre, on s’inquiète de la normalisation de l’obésité.

« En évaluant le grand potentiel d’un marché de la mode destiné aux gens de forte taille, les détaillants pourraient avoir contribué à la normalisation du surpoids et de l’obésité », a déclaré la chercheuse et docteure Raya Muttarak.

J’essaie de comprendre le sous-entendu. Permettre à des gros et des grosses de s’habiller nuit à la santé publique, c’est bien ça? Permettre à des gens d’avoir un minimum de dignité similaire aux autres, et donc de les aider dans leur santé mentale, c’est un risque pour la santé publique?

D’un côté, elle souligne que c’est bien que les gens soient moins ostracisés et discriminés, mais que de ne plus pointer du doigt les grosses personnes risquent d’envoyer le message que c’est sans danger pour la santé.

Ça m’a un peu rappelé certaines personnes qui soulignent que c’est beau vouloir sauver des caribous, mais ça ne stimule pas l’économie. C’est beau la vertu, mais peut-on créer des emplois? C’est beau l’inclusion, mais peut-on quand même pointer du doigt?

Le pire, c’est que tout le monde qui lutte contre la grossophobie ne soutient pas que c’est sain d’être gros. On peut en fait observer deux courants majeurs.

L’un tente de faire tomber les préjugés, les discriminations et les injustices envers les gros.se.s tout en disant que l’obésité est une maladie et que justement, il ne faut pas en ajouter sur les épaules de ces personnes. Un peu comme on ne va pas ostraciser une personne handicapée ou qu’on n’aide pas un alcoolique en lui disant «Honte à toi misérable personne!» Ici, on a parfois tendance, en santé, et dans la population, à transposer les mêmes risques à tous les types de surpoids, ce que je trouve dommage.

L’autre courant tente de faire tomber les discriminations et les préjugés tout en essayant, aussi, de faire comprendre qu’être gros n’est pas automatiquement un problème. En plus de s’attaquer à l’inclusion, elle s’attaque à l’idée qu’une personne mince serait de facto en santé et qu’une personne avec du surpoids serait illico en mauvaise santé. Pour faire simple, être gros n’est ni sain ni malsain, et être mince n’est pas sain ou malsain non plus, mais ce qui est sain, c’est d’être bien sans sa peau et avec son corps.

Néanmoins, les deux ne disent pas qu’être gros n’a jamais aucun risque. D’un côté, c’est d’éviter de résumer une personne qu’à son poids et de l’autre, c’est d’éviter d’utiliser les risques comme raisons de discrimination et de shamer les gros et les grosses.

Qu’importe notre vision sur le sujet, les propos de la chercheuse sont troublants.

Croit-elle qu’empêcher les gros et les grosses de pouvoir s’habiller comme tout le monde, de les empêcher d’avoir accès à des lieux ou des activités, de les faire sentir comme de la merde peut vraiment aider à la santé publique?

Reste que ça ressemble à la manière dont François Blais conçoit sa manière de lutter contre la pauvreté.

Mais cette normalisation qu’elle craint, vient-elle vraiment de la lutte à la grossophobie? S’il y a une augmentation de surpoids dans nos sociétés, il faudrait sûrement plus regarder la société d’une manière plus large (l’industrie alimentaire, le transport, les systèmes de santé, les milieux de travail, etc.) que la lutte à la discrimination.

Diminuer la pression sur les gens, cesser de parler du poids comme étant qu’une responsabilité personnelle (certaines personnes diraient d’une lâcheté personnelle) et en finir avec l’industrie de la diète aideraient à la santé mentale de plusieurs personnes… et donc une meilleure santé en général. Ça c’est dangereux pour la santé publique, pas l’inclusion!

C’est désolant à quel point la santé mentale est souvent mise de côté dans ces débats de santé publique. Comme si ça ne jouait pas sur la santé. Comme si ce n’était pas plus important que le poids d’une personne.