Musique

Prise de son : Le pouvoir de l’imagination

Vendredi soir, au RockFest, on avait l’impression que le groupe américain Everclear donnait le show de sa vie. Jamais je n’avais vu Art Alexakis, le leader du groupe, aussi en forme, aussi entertainer, aussi vif, aussi grouillant. Il devait y avoir au moins vingt mille, peut-être trente mille personnes; dont un gigantesque mosh pit qui devait en contenir mille ou deux mille. De quoi faire triper son homme…

Il faut dire qu’à part Éric Lapointe qui ouvrait les festivités deux jours auparavant, Everclear était la seule vraie tête d’affiche de ce mini-festival. Ce n’était certainement pas le vieux Chuck Berry ou The Blues Brothers Band qui allaient attirer les jeunes excités… On s’en est donc donné à cour joie, surtout qu’Everclear n’a pas lésiné sur les hits: You Make me Feel Like a Whore, Santa Monica, Heroin Girl, New Life, etc. Nommez un des succès d’Everclear, le groupe l’a joué vendredi dernier.

En fait, si Everclear avait eu la chance d’avoir une aussi bonne sonorisation qu’Éric Lapointe quelques jours auparavant, ç’aurait vraiment été le show de leur vie. Sauf qu’un ingénieur de son peut, parfois, carrément voler le show. C’est ce qui est arrivé vendredi. On voyait le groupe se défoncer, et ce qu’on entendait avait l’air de sortir des haut-parleurs d’une vieille télévision. Un petit son tout mince, sans basse, sans fondation, flottant au gré du vent.

Si on a tripé au show d’Everclear, ce n’est pas sur ce que nous avons réellement entendu, mais bien sur ce qu’on imaginait entendre…

Qu’Everclear (avec Marcy Playground et Fastball en ouverture) réussisse à attirer autant de monde est quand même étonnant. La dernière fois qu’on l’a vu à Montréal, le trio remplissait le Club Soda. Suite à la parution de leur troisième album, So Much for the Afterglow, on aurait pu croire le groupe capable de faire un Spectrum ou un Medley. Même pas un Métropolis. En lieu et place, c’est au moins vingt mille personnes qui auront vu le groupe de Portland, en Oregon.

Mais est-ce que le public de base, les fans, les vrais, d’Everclear ont passé une belle soirée? Permettez-moi d’en douter. Comme c’est souvent le cas lors de ces festivals, le fan est frustré. Personnellement, j’aime évidemment mieux voir Everclear dans un club que dans un gigantesque show en plein air. Le son est meilleur, la visibilité également, le contact avec le groupe se fait beaucoup mieux, l’interaction est réelle.

Dans une situation comme celle de vendredi dernier, tout le monde est content (les commanditaires, les organisateurs, les télés qui font de belles images de foule, l’amateur moyen qui peut jeter un oil sur de nouveaux groupes, la matante et le moncle qui viennent voir sur quoi leur kid tripe, etc.); tout le monde, donc, sauf les fans.

Une autre qui n’a pas été bien servie par l’expérience du RockFest, c’est Nancy Dumais, qui y chantait le 4 juin, avant Steppenwolf et Lapointe. La pauvre Nancy avait un petit trente minutes à faire, dont au moins vingt ont servi de balance de son. Rien pour apprécier ses chansons ou même pour s’en faire une idée. Pendant une chanson, c’était la voix qui était beaucoup trop à l’avant; pour la suivante, on n’entendait que les guitares; l’autre après, ce n’était que de la batterie. Il va vraiment falloir qu’on remette ça…
Quant à Éric Lapointe, il est le king dans ce genre de situation. Son gros rock plein de grosses guitares, avec une section rythmique plombée, passe comme une tonne de briques sur des scènes de cette envergure. Dans son style, il est bien installé au top. Et on ne voit personne à l’horizon pour le déloger…

Dick Annegarn, qui était au Cabaret, jeudi dernier, est un homme très sympathique. Charmant, même. Étonnant, aussi. Parce que malgré ses trente ans de carrière, il a encore sa dégaine de jeune homme, et agit comme s’il débutait, ou presque, dans ce métier. Il a, dans sa façon de bouger sur scène, dans sa façon d’interpréter ses chansons, dans sa façon de s’adresser au public, une véritable fraîcheur qui fait toujours plaisir à voir et à entendre.

Seul en scène, la plupart du temps à la guitare et parfois au piano, il nous chante ses petites chansons comme si de rien n’était, souvent avec l’air de ne pas y toucher. Un léger décalage qui fait que l’on porte vraiment une attention particulière aux textes du chanteur natif des Pays-Bas. C’est d’ailleurs probablement là que réside le mystère Dick Annegarn. Ceux pour qui le français est une deuxième langue recherchent continuellement le mot juste et détestent l’approximation. Ce qui donne des textes plus exacts, avec un vocabulaire inédit.

Pour ceux qui l’auraient manqué le week-end dernier (ou pour ceux qui, comme moi, voudraient le revoir), je vous signale que Dick Annegarn sera au Festival d’été de Québec en juillet. Et que, cette fois, il sera accompagné par un quatuor à cordes. Wow!