Tortoise : Histoire sans paroles
Musique

Tortoise : Histoire sans paroles

Pour un groupe qui s’est toujours passé de paroles, Tortoise sait certainement faire parler de lui. Figure dominante d’un mouvement qualifié de post-rock (genre flou où l’on classe des formations comme Stereolab, Gastr del Sol et The Sea and Cake, trois groupes auxquels collaborent des membres de Tortoise), le sextette de Chicago a suscité plus d’un débat sur l’avenir de la musique. Il faut dire que la richesse et la complexité de ce groupe inclassable, qui doit autant à Steve Reich qu’à Carlos Jobim, au jazz qu’au rock progressif allemand, se prêtent à toutes les interprétations.

Tortoise fait partie de ces groupes à la fois adulés par le milieu du rock alternatif et respectés par le monde du jazz et de l’avant-garde. Mais le discours est l’affaire des journalistes, rétorquent les membres de Tortoise, qui ont choisi la musique instrumentale pour laisser parler leurs instruments. «Les gens nous prêtent un tas d’idées et de concepts auxquels on n’a jamais songé une seule secondeª, lance Dan Bitney, l’un des percussionnistes et claviéristes de la formation. On a tendance à voir Tortoise comme un groupe cérébral, alors que nous fonctionnons de manière très instinctive qui n’est pas très différente de l’esprit du punk rock. Si ça nous plaît, on le fait, c’est tout.»

Soit. Mais il y a bien fallu une idée de départ – un concept – pour unir un groupe de musiciens aussi disparates (certains sont issus de formations punk ou jazz, parfois les deux) autour d’un projet commun, non? «En fait, on est simplement une bande d’amis qui aiment jammer ensemble et partager leur amour de la musiqueª, précise Bitney. Lorsqu’on est ensemble, on s’entend très rapidement sur la direction à suivre, mais on ne cherche jamais à établir de cadre intellectuel rigide. C’est évident qu’il s’agit d’un groupe différent: dans un contexte plus rock, je ne pourrais pas me permettre de jouer des marimbas, par exemple.»

Pour la préparation de TNT, le plus récent album du groupe, Tortoise a passé dix mois dans le studio maison de John McEntire, leader et réalisateur en chef. Plus porté sur les guitares (l’ajout du guitariste jazz Jeff Parker est venu colorer une musique essentiellement rythmique), TNT semble offrir plus de cohésion que leur effort précédent, l’excellent Millions Now Living Will Never Die. Des éléments de drum’n’bass viennent pimenter cette aventure sonore parsemée de rencontres incongrues entre guitare lap steel et synthés analogues, entre easy listening et musique brésilienne, mais chaque morceau porte la marque incontournable de Tortoise. «On a enregistré sur disque dur pour essayer de sauver du temps, mais ç’a été trois fois plus longª, rigole Bitney. En fait, ça n’a pas beaucoup changé notre manière de travailler, qui s’est toujours appuyée sur le collage et la superposition, mais on a essayé de respecter une certaine liberté pour que les morceaux puissent respirer sur scène.»

Le 18 juin
Au Cabaret
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