Musique

Prise de son : Fan à tics

Vendredi soir, alors que tout le monde se pressait au Métropolis pour voir Jean Leloup, je suis retourné voir Les Colocs, qui donnaient un show-bénéfice pour les victimes du sida, au Spectrum. En fait, c’était une reprise attendue et fort prisée de leur spectacle Dehors novembre, que la formation de plus en plus multiethnique avait présenté au Corona, l’automne dernier.

Sauf que, après l’avoir un peu retravaillé, après l’avoir beaucoup joué, après en avoir fait le tour, le show des Colocs est désormais bien meilleur. Puisqu’il est plus court, il n’y a plus les temps morts sentis au Corona. Puisqu’il n’y a plus la pression de la première, le groupe est moins coincé, moins appliqué, et peut se permettre d’être plus lousse, tout en gardant une vraie rigueur musicale et en évitant les pièges de l’improvisation sans garde-fou.

La grande chance des Colocs, c’est aussi d’avoir de bonnes chansons sur lesquelles ils peuvent jammer. Des chansons assez fortes pour endurer quelques minutes de musique sans que le chanteur n’intervienne. Des chansons comme Tassez-vous de d’là (évidemment…), mais aussi Tellement longtemps, Belzébuth, ou même de plus vieilles à la Hé Ho!, devenue presque dub. Bref, des chansons qui peuvent être adaptées, triturées, arrangées et réarrangées. Des chansons qui n’appartiennent qu’aux Colocs, et qui se transforment au gré des mutations de ce groupe multiforme.

En fait, ce qui est le plus fascinant chez les Colocs, c’est que Dédé Fortin, principal auteur et compositeur, âme dirigeante de la formation, semble être le plus grand fan du groupe. Il faut le voir lorsque tout le monde (rappelons qu’ils sont dix sur scène…) se met à jammer: son sourire se fend tout grand, son corps relaxe et devient africain, sa tête se met à dodeliner au rythme de la musique. Pendant ces quelques minutes, Dédé Fortin est décidément le plus grand fan des Colocs. Comme si lui-même n’en revenait pas que sa musique, interprétée par un groupe de ce calibre, puisse être aussi bonne.

***

On pourrait presque dire la même chose d’Alanis Morissette, qui était de passage au Centre Molson, samedi soir, au grand plaisir d’une douzaine de milliers de fans. Lorsqu’elle se met à tourner sur elle-même, à danser comme une folle, à être possédée par sa musique, on jurerait qu’elle entend la meilleure musique au monde, et que rien ne peut surpasser l’énergie qu’elle lui procure.

Cependant, il faut avouer que nous avons assisté à un spectacle drôlement construit et confusément sonorisé. L’ingénieur du son de cette tournée ne mérite pas de bravos pour la bouillie (particulièrement au niveau des basses) qu’il a servie à nos oreilles.

Quant à la construction de ce concert, elle nous a à tous semblé étrange. Le spectacle s’amorce sur quelques chansons de son plus récent compact, Supposed Former Infatuation Junkie, puis courte pause quasi acoustique pour Hands in my Pocket, puis retour à Supposed Former Infatuation Junkie, puis plusieurs extraits de Jagged Little Pill, avant de revenir en rappel avec Thank U, puis deux chansons acoustiques dont Unsent. Merci, bonsoir.

S’il ne fallait retenir qu’une seule chanson de tout le concert, je garderais cette version de You Oughta Know, qui débute relativement mollo, bien pulsée par la batterie, et qui monte, qui monte, qui monte, qui devient de plus en plus lourde pour se terminer avec passablement de fracas, un peu comme sur la version originale. Une version qui n’a cependant pas fait l’unanimité, certains la trouvant trop éloignée, justement, de l’originale, perdant ainsi un peu de la ferveur qu’elle aurait pu soulever. Dommage pour eux.

Il faut préciser aussi que pendant cette chanson, les deux filles devant moi se sont – bien évidemment – levées. Et que j’ai écouté You Ougtha Know en regardant ma voisine (section 117, rangée EE, siège 1, je crois…). Et elle m’a fait d’autant plus apprécier la chanson (et tout le reste du concert par la suite). Simplement parce que cette fan finie (qui est, soulignons-le, une jeune fille plutôt ordinaire) a vécu ce concert comme une réelle catharsis. Parce que cette fille connaissait chacune des intonations de chacun des mots de chacune des chansons, vieilles ou récentes. Parce qu’elle chantait toutes les chansons avec le même sentiment d’identification, de bonheur, de délivrance, et de liberté retrouvée.

Simplement en regardant cette fan triper, j’ai compris pourquoi Alanis Morissette existait et connaissait un tel succès. Simplement en regardant cette fan triper, j’ai, moi aussi, beaucoup aimé le spectacle. Même si je persiste à préférer écouter sa musique à la maison plutôt que de la voir sur scène…

***

En première partie de la chanteuse canadienne, d’autres artistes canadiens: les difficilement supportables Crash Test Dummies, directement de Winnipeg. Je ne sais pas ce que Brad Roberts, le leader du groupe, avait fumé ce soir-là, mais il était déchaîné. Peut-être même un peu trop. Surtout lorsqu’il a terminé les courtes trente minutes auxquelles il a droit par une version de One More Time de Britney Spears.

Excusez-moi, les gars, vous ne l’aimez pas, votre nouveau disque?