QRN : Second degré
Musique

QRN : Second degré

Avec son attitude de rock stars dépravées, son style musical abrasif unique, et ses textes à prendre au deuxième et même au troisième degré, QRN ne devrait pas passer inaperçu. Et pourtant…

L’entrevue se passait dans un parc, jeudi dernier, au moment où sortait le journal dans lequel l’album 750 ml (25.4 fl oz) de QRN avait été choisi «disque de la semaine». Après avoir lu ma critique, les deux y vont de leurs commentaires: «Moi j’pense que le gars qui a écrit ça s’est emporté un peu… dit un Dan Foley faussement sérieux. C’est pas si bon que ça…» «Au contraire, moi, je suis ben déçu d’avoir eu seulement quatre étoiles…» ajoute le bassiste Philippe Richy en riant. Vous voyez, c’est exactement ça, QRN: un mélange d’autodérision et d’attitude baveuse et provocante. Quiconque a déjà assisté à un de leurs concerts sait de quoi il en retourne. QRN ne ressemble à aucun autre groupe québécois, et leur musique (alternative sludge metal Las Vegas industrial rock, comme ils s’étiquettent eux-mêmes) n’a pas d’équivalent. Ils possèdent cette qualité précieuse de détourner le sens de leurs pièces pour en faire de véritables bijoux de caricatures subversives et abrasives, tout en épiçant leurs enregistrements de trouvailles sonores originales (comme la pièce 6-0 6-0 6-1, qui nous fait entendre un interminable match de tennis en stéréo!). «Je pense qu’on peut nous prendre aux trois premiers degrés… explique Foley, chanteur du trio complété par leur nouveau batteur Pascal Gingras. On se promène de l’un à l’autre. Mais on est parfaitement conscients que nos intentions ne seront pas nécessairement saisies par tout le monde. De toute façon, on aime ça, être baveux, pis c’est juste de la caricature…» «Mais non, justement, c’est pas juste de la caricature! s’oppose Richy. Moi je pense que c’est essentiel d’être un peu subversif, de déranger. J’aime l’ambiguïté. Pis de toute façon, on fait pas ça pour plaire à tout le monde; même qu’il y a des gens à qui je ne veux pas plaire du tout! Autant je trouve qu’il y a un paquet de choses risibles dans la vie, autant je me trouve aussi risible: trente-cinq ans, les cheveux orange… Mais ça me dérange pas, je l’assume très bien. Camus a déjà dit que le surréalisme avait voulu trouver une règle de construction à travers la démence et la subversion. Moi ça me plaît beaucoup, ce genre d’image-là.» «Ça, c’est Philippe Richy! Y vient de me perdre, là…» réagit Foley, un peu découragé.

Des occasions d’être découragé, QRN en a eu plus souvent qu’à son tour depuis les débuts du groupe sur scène, en 1993: même si leur musique n’est pas plus agressive que tous les Marilyn Manson et Korn de la planète (mais beaucoup plus drôle…), et malgré leurs personnalités provocantes et colorées, aucune compagnie de disques n’a osé s’engager, et, donc, aucune diffusion substantielle ne leur a permis d’atteindre la reconnaissance qui leur aurait été accordée dans n’importe quel autre marché moins limité quant au bassin de population et plus ouvert aux nouvelles tendances. «Rendus au stade où on est, j’ai plus vraiment d’attentes par rapport au succès. Faut dire aussi qu’il y a plus de raisons de ne pas aimer QRN, ici au Québec, qu’ailleurs. À cause, entre autres, du protectionnisme au niveau de la langue française; je suis sûr que ça fait chier ben du monde qu’on soit des francophones qui chantent en anglais. Si on chantait en français, on aurait déjà joué aux FrancoFolies pis on aurait eu pas mal plus de subventions.»

Mais puisqu’il faut faire la pute pour arriver à attirer l’attention des grands diffuseurs et des médias de masse quand on est un groupe «dérangeant», QRN a concocté une reprise délirante et lugubre du succès disco Daddy Cool de Boney M. Une stratégie d’un opportunisme totalement assumé par le trio. Philippe explique avec un sourire en coin: «On était au Lovers Dan pis moi, pis on a entendu l’original; c’est là qu’on a allumé… Non mais t’as tout à fait raison, c’est vrai qu’on est des putes! Mais en même temps, on n’a jamais nié que nos influences musicales allaient de Cabaret Voltaire à Madonna! On a toujours tripé sur le disco. C’est sûr que c’est fait pour être catchy, pour accrocher, mais regarde des groupes comme Marilyn Manson ou Orgy: c’est avec des covers que ça a commencé à marcher. Mais c’est sûr qu’ils sont "backés" par Trent Reznor et Korn; nous, on est "backés" par nous autres… On n’a pas de mécènes; le vidéo nous a coûté la peau des fesses!»

Et pour ceux qui se poseraient des questions quant à la photo qui illustre cet article (et que l’on retrouve aussi dans le livret de l’album), Dan Foley explique: «On s’est retrouvés dans un studio où il y avait deux Félix qui traînaient; on s’est dit que ça serait une bonne idée de se faire poser avec.» Parce que vous ne pensez pas que vous en gagnerez un jour? «Veux-tu vraiment que je réponde à ça?»

Le 2 juin
Au Jailhouse
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Sur Scène Sonik (www.voir.ca), visionnez en RealVidéo le vidéoclip de la formation QRN pour la pièce DD Cool, et écoutez en RealAudio la chanson Nerdzof Deworld Unite.