Musique

Prise de son : Le crime paie

Lorsque viendra le temps de réfléchir sur la musique de la dernière décennie (dans fort peu de temps tout de même…), quelle place réservera-t-on aux Fun Lovin’ Criminals, qui étaient au Cabaret, vendredi dernier, après une première tentative, au début du mois de mai, avortée? Honnêtement, ça dépend de quel Fun Lovin’ Criminals on parle. Parce qu’on a découvert, vendredi, qu’un FLC pouvait en cacher un autre…

Il y a celui de Scoobi Snack’s. Ce FLC-là est un one-hit wonder de la pire espèce. On le rangera assez rapidement aux côtés des Presidents of United States of America, par exemple, avec qui il partage ce même goût pour les chansons parfois humoristiques, sans prétention aucune, sinon celle de, aussi bêtement que joyeusement, divertir. Ce FLC-là n’entrera certainement pas dans la grande histoire de la musique pop contemporaine. C’est à peine si on lui trouvera une petite place sur une compilation un peu K-Tel, sûrement quétaine, dans quelques années, qui s’intitulera fort probablement: Remember the 90’s.

Il y a aussi le FLC alternatif. Qui fait semblant de jouer du punk pour satisfaire le jock américain moyen, qui aime se retrouver suant dans le mosh-pit. Celui-là non plus, la postérité n’en gardera pas un très bon souvenir. Simplement parce que les trois membres des FLC sont de bien trop bons musiciens pour prétendre faire du punk. Lorsqu’ils s’y adonnent, on sent toujours qu’il y a un bon fond de dérision dans tout ça. Et c’est peut-être pour ça qu’on peut les apprécier, même lorsque le groupe sombre dans la punkitude…
Il y a cependant au moins un FLC qui me plaît vraiment beaucoup. Celui de Barry White Saves My Life, le premier extrait de leur deuxième album, paru un peu plus tôt cette année. J’aime ce côté décalé, vaguement cheesy, comme disent les Portugais.

Grandement influencés par la musique soul des années 70, les FLC ne ressemblent à aucun autre groupe lorsqu’ils s’installent dans ce lounge aux allures vaguement rétro, mais, en même temps, tellement contemporain.

Cependant, le meilleur des FLC, c’est probablement qu’ils sont tout ça à la fois. Lorsqu’ils se permettent une chanson avec une intro que n’aurait fort probablement pas reniée Black Sabbath, mais qui devient un funk torride dès que Huey, le chanteur du trio, se met à rapper.

C’est lorsque le groupe s’enracine profondément dans New York, sa ville-miroir, qu’il est à son meilleur. Lorsqu’on écoute le groupe et qu’on se croirait sur un coin de rue de la Grosse Pomme, et qu’on capte toutes sortes de musiques, toutes sortes de bouts de conversations qui finissent, aussi étrangement qu’irrémédiablement, par s’harmoniser, créer un tout, un rythme, une structure.

En fait, tiens, les Fun Lovin’ Criminals seront peut-être reconnus pour ça: avoir élevé l’aléatoire du patchwork au rang d’art, tout en conservant, de bout en bout, la ligne claire de la musique pop moderne. Exploit.

***

Il me faut souligner la bonne tenue de Trip The Off, groupe montréalais inconnu à mes oreilles, qui officiait en lever de rideau. Trip The Off donne dans une espèce de dub organique, qui ne fait pas affaire avec les machines ou les tables tournantes, mais bien une instrumentation de base: guitare, basse, batterie, percussions.

Mention plus qu’honorable au bassiste du groupe qui semble avoir compris l’importance de son instrument dans ce genre de musique. Sa basse est bien ronde, bien à l’avant. Il joue peu de notes, mais chaque fois, c’est exactement la bonne.

Le groupe aurait enregistré un compact de quatre chansons. Vous devriez y jeter une oreille. Et moi aussi…

***

Le 21 juin, à Paris, on clôturera le Printemps du Québec en France, avec un spectacle à La Villette, regroupant Ann-Victor, Lili Fatale et Ess’n Club. En même temps, dans le cadre de l’émission Tapis rouge, animée par l’insupportable Michel Drucker, en direct sur France 2 (et en différé sur TVA le même soir), on offrira aux téléspectateurs «un grand événement télévisuel… qui tracera un panorama de la chanson québécoise». Pour dresser ce portrait, plusieurs invités: Isabelle Boulay, Gilbert Bécaud, Robert Charlebois, Julien Clerc, Sylvain Cossette, France D’Amour, Claude Dubois, Luce Dufault, Liane Foly, Louise Forestier, Patricia Kaas, Laâm, Lynda Lemay, Zachary Richard, Diane Tell, Roch Voisine, Julie Zenatti, etc.

Cette émission, en partie financée par la SODEC (c’est-à-dire chacun de nous…), se veut aussi une solution de remplacement au grand spectacle prévu à l’origine sur le Champ-de-Mars. Mais, peut-on vraiment «tracer un panorama» de la chanson québécoise, en 1999, sans inviter Kevin Parent ou Éric Lapointe? Plume Latraverse ou Dubmatique? La Bottine souriante ou Jean Leloup? Encore une fois, les Français auront l’image des Québécois qu’ils veulent bien avoir: celle de Notre-Dame de Paris, d’une chanson aseptisée, et qui date d’une vingtaine d’années, le fameux «âge d’or» de la chanson québécoise.

Après eux, le déluge?