Musique

Live à Montréal : Me, Mom & Morgentaler

Le 4 juillet, au Métropolis
Après quatre ans d’absence (et même six, sous la forme qu’on a pu voir dimanche), le grand cirque pop-anarcho-socialiste de Me, Mom & Morgentaler était de retour à Montréal, à la grande joie de ses fans dévoués. Sous le regard bienveillant du démon moqueur suspendu au-dessus de leurs têtes, les huit musiciens se sont démenés comme des diables dans l’eau bénite, et on se demande comment la chanteuse, Kim Bingham, a réussi à se trémousser durant tout le concert dans ses pantalons de latex par une température ambiante de 40 degrés (environ 160 avec le facteur Humidex). «Pour un groupe qui n’a pas joué ensemble depuis six ans, je trouve qu’on est pas mal tight», s’est exclamé le chanteur Nasty Gus, dans l’une de ses (trop?) nombreuses interventions à l’intention de la foule. On pourrait ajouter que pour un groupe qui n’a pas joué ensemble depuis si longtemps, Me, Mom donnait l’impression de n’être jamais disparu du paysage. Du coup, cette réunion n’était peut-être pas si événementielle et affichait plutôt des airs de party de famille que de retour des enfants prodigues.

On a pu constater à nouveau que le grand foutoir bilingue (et même trilingue) de Me, Mom était, à l’instar d’un certain fromage, «juste pour nous autres». Peu importe qu’aucune de leurs chansons n’ait jamais atteint les palmarès internationaux (pas de Drinkin’ in L.A. ou de Safety Dance ici); pour les fans montréalais, Everybody’s Got AIDS, Pepita La Pistolera, Eloise, A.N.A.R.C.H.I.E., Oh Well, I Still Love You Eve sont autant de véritables classiques. Ni tout à fait punk, ni tout à fait ska (à l’exception d’une brève mais efficace reprise de A Message to You, Rudy des Specials, que personne n’aurait pu leur reprocher), Me Mom a fait honneur à ses racines montréalaises et le public en a redemandé. Lorsque Gus s’est adressé à la foule en lui disant «Vous êtes Me, Mom & Morgentaler», ça n’était pas de la frime. Ceux qui ont manqué le party pourront se reprendre le 8 juillet, au Café Campus. (Nicolas Tittley)

Cassandra Wilson
Le 1er juillet, au Théâtre Saint-Denis
Le concert d’ouverture de la vingtième édition du Festival International de Jazz de Montréal s’est déroulé exactement comme on l’avait prévu: la chanteuse a laissé ses six musiciens amorcer le spectacle, et est arrivée discrètement, sans paillettes, sans éclats, dans une évidente douceur. Si l’album Traveling Miles composait la majeure partie de la soirée (elle a reçu le prix Miles-Davis tout de suite après le concert, des mains d’un André Ménard particulièrement inspiré), Cassandra Wilson s’est offert une fête avec des amis en invitant, entre autres, le vibraphoniste Stefon Harris, fluide et rafraîchissant sur son instrument. Puis, un des bons moments de la soirée fut certainement le doublé Regina Carter-Dave Holland, qui, l’instant de quelques pièces (surtout sur Seven Steps et une pièce funk instrumentale), ont propulsé le concert là où on l’attendait.

Méthodiquement, et sans coup férir, Wilson enchaîne les Right Here Right Now, Traveling Miles, Run The Voodoo Down (à la toute fin) de son plus récent disque, et quelques-unes de ses deux albums précédents. Ce qui lui fit dire, en invitant son charismatique ami du Mississippi, Olu Dara, à interpréter avec elle le blues de Robert Johnson, Hellound on My Trail: «We come from the same mud.» Au demeurant, Wilson a livré merveilleusement l’essence de son concert, avec la capacité d’introspection qu’on lui connaît. Elle gagnait en voix à mesure que le concert avançait, et, de toute évidence, même si sa prestation n’avait rien d’une grande soirée à paillettes, sa discrétion aura comblé le public: de la tendresse à revendre, un baume que tout le monde a apprécié. Comment voulez-vous résister à cette femme, quand elle vous murmure: «I want the sweetness in you until this life is through.» (Claude Côté)

Patricia Barber
Le 4 juillet, au Spectrum
Patricia Barber est certainement la musicienne qui a le plus capté mon attention depuis le début du FIJM, se démarquant radicalement des multiples chanteuses de jazz. Séduite par sa personnalité, elle est, à mon avis, une artiste complète, sachant exprimer avec raffinement et sensibilité l’état d’urgence qui l’habite. Postmoderniste assumée (comme l’indique sa chanson Postmodern Blues), la k.d. lang du jazz est une femme de son époque. De par sa voix, d’une douceur et d’une chaleur euphorisantes, elle nous communique son ivresse de la folie. Son jeu pianistique, virtuose et très énergique, transmet son côté robuste et viril, enfonçant les touches de manière assuré. Tout comme un animal sauvage, elle s’est laissée très peu apprivoiser, faisant davantage place à la musique plutôt qu’à ses interventions auprès du public. Tapie sous sa chevelure, et ainsi isolée du regard du public, elle se délimite un terrain qui lui permet un total abandon. Son contact primaire des pieds avec son instrument ainsi que ses grognements nous rappellent l’excentrique Glenn Gould.

C’est à la manière d’un chat qu’elle fait le dos rond, allongeant droit les bras et caressant du bout des doigts les touches d’ivoire. Pinçant et grattant les cordes de la caisse de résonance de son piano, elle explore des sonorités qui s’harmonisent très bien à celles de la guitare électrique inspirée de l’unique John Scofield. Patricia Barber ne fait pas partie du revival be-bop. Elle veut, au contraire, casser le moule, témoigner du moment présent. Nous n’avons pas fini d’entendre parler de cette musicienne intègre et originale. (Sonia Pâquet)

Chanson de la semaine
QRN DD Cool (Indépendant/Fusion III)
Le talk of the town de la semaine, c’est le succès inespéré de QRN avec la reprise décapante du classique disco Daddy Cool sur les ondes de CKOI. Imaginez: DD Cool est en 26e position du palmarès anglais, et côtoie les Ricky Martin, Mariah Carey et Madonna au 6 à 6! Participez au succès interplanétaire de QRN en faisant une demande spéciale au 790-CKOI! (Eric Parazelli)