Musique

Alliance Ethnik : Verbo-moteur

«L’Alliance Ethnik ne se prend pas au sérieux», peut-on lire dans leur biographie. Vraiment? Ils ont pourtant laissé l’impression contraire lors de leur visite promotionnelle, en mars dernier. Expliquant la position stylistique de l’Alliance au sein du mouvement hip-hop, les gars sont méfiants face aux questions du journaliste, surtout lorsque appelés à commenter les collaborations américaines de leur plus récent disque, Fat Comeback. Sur la défensive parce que les médias en général ne s’emballent pas trop pour ce «retour» dont se targue l’Alliance, qui devait inévitablement un jour donner suite au groove contagieux de Simple et funky, le méga-hit qui les a propulsés au sommet. En écoutant K-Mel et ses deux potes Gustie, le cerveau de la programmation, et Médard, l’autre verbo-moteur de souche africaine, et en réalisant à quel point tout change si rapidement dans cette confrérie fragile et éphémère qu’est le hip-hop, on ne peut qu’invoquer la maturité. Quand on a connu les hautes cimes…

Les trois gars d’Alliance Ethnik ont voulu renouer avec cette old school à l’américaine, et ils en sont très fiers. Pour Fat Comeback, ils avaient tout leur temps (cinq ans) et l’argent. Et une complicité ne datant pas d’hier avec Biz Markie (Rakim, Big Daddy Kane) qu’ils considèrent comme la bible du rap, Common Sense de Chicago, Rahzel des Roots, De La Soul et même Youssou N’Dour sur un morceau.

Un audacieux florilège de chansons qu’ils qualifient de percutantes, agressives et variées, toujours (bien sûr) sous le sceau du positivisme. Mais est-ce que le courant passe? En disant aux fans: NOUS avons compris nos origines et NOUS sommes le hip-hop, les boys se placent la tête sur le billot. L’architecture sonore riche et moelleuse de Simple et funky a fait place à une «attitude» rap – à mon avis surproduite -, reléguant le côté joyeux et fédérateur sur la touche. Attendons tout de même le concert avant de trancher.

«Quand tu fais un deuxième album, tu repars à zéro, d’avouer Gustie. Il y a obligatoirement plein de jeunes qui n’ont pas connu Alliance Ethnik avant. Et puis, maintenant, c’est de plus en plus difficile de vendre un album; la promotion est désormais nécessaire. Faut pas se dire: c’est acquis. Pour nous, c’est un nouveau départ. On a expérimenté un peu plus dans d’autres voies, il y a des trucs africains, salsa, etc. L’album est plus large parce qu’on a mis toutes nos influences. Aux oreilles des gens, ça sonne peut-être plus hip-hop, je ne sais pas. Pour nous, le rap, que ce soit français ou américain, c’est la même musique», d’expliquer Gustie.

«Tout le monde court après un os, mais faut pas se transformer en chien», de rectifier Médard. Gustie: «On cultive plus l’image que l’individu, c’est clair, mais, bon, c’est pas la musique qui est comme ça, c’est le monde. Bien sûr qu’on aurait pu faire un album sans featuring (sans invités), mais on avait envie de le faire, on sentait la vague comme ça.»
Reste qu’en concert, Alliance Ethnik est à son meilleur. K-Mel, avec son flot de mots, la magie de son élocution et son puzzle multisyllabique, n’est pas dupe du monde dans lequel est trempée une majorité. Qu’on se le dise, l’Alliance négocie un virage majeur, et c’est encore sur scène que tout prend forme: «En concert, de dire Gustie, ça va rester une formation hip-hop, vraiment basée sur les platines, les M.C., etc. Ça va déménager, on rigole pas sur scène.»

Le 6 août à 21 h
Au Métropolis
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