Musique

Motion : Un gros joueur

Un nouveau joueur fait son entrée dans le merveilleux monde de la production de spectacles cet automne: un indépendant avec des moyens de multinationale.

Vous ne le saviez peut-être pas mais Coscient, un des plus gros producteurs privés de télévision, a changé de nom. Depuis quelques mois, Coscient est devenu Motion. Et, depuis peu, Motion s’est lancé dans le merveilleux monde de la production musicale. À cause, surtout, de Paul Dupont-Hébert, qui, avant de passer à la production télé, a travaillé avec plusieurs artistes importants, dont Harmonium et Francis Cabrel (qu’il continue de représenter au Québec), en plus d’avoir été l’un des programmateurs du réputé Festival de Lanaudière.

Cette incursion dans le monde de la musique a débuté de brillante façon l’an dernier, alors que Motion devenait le producteur québécois du spectacle musical à grand déploiement Notre-Dame de Paris, avec le succès au guichet que l’on connaît. Mais ce n’est pas tout. La venue du groupe français Louise Attaque, au Medley, les 11, 12 et 17 septembre, c’est aussi grâce à Motion: «Si on fait Louise Attaque, c’est qu’on aime le groupe, bien sûr, affirme Dupont-Hébert. Mais c’est aussi parce que le producteur français de Louise Attaque est un de nos partenaires dans Notre-Dame de Paris. Et on lui rend service.»
Dans ce cas précis, Motion est inattaquable. Malgré l’énorme succès de Louise Attaque aux FrancoFolies de Montréal en juin 98, pas un seul producteur de spectacles montréalais n’avait osé réinviter le groupe au Québec. Jusqu’à ce que Motion arrive dans le paysage. «Si on ne l’avait pas fait, c’est bien simple, Louise Attaque n’aurait jamais remis les pieds au Québec aussi rapidement», assure Dupont-Hébert.

Selon le producteur, des coups à la Louise Attaque, il n’y en aura pas beaucoup: «Si l’on décide de travailler avec un artiste ou un groupe, c’est sur un long terme. On veut développer des carrières. S’occuper de peu d’artistes, mais le faire très bien. Faire Charles Aznavour un soir au Centre Molson, ça ne nous intéresse pas.» Ce n’est donc pas demain la veille que nous verrons une pleine page de pub dans Voir avec les douze concerts produits par Motion dans le mois qui suit: «Comme Guy Latraverse faisait dans le temps? Non, je crois sincèrement que ça n’arrivera jamais.»

En fait, Motion, que l’on pourrait qualifier d’indépendant, mais qui a des moyens mégagigantesques, voit plus grand. Beaucoup plus grand. «La semaine dernière, j’étais à Londres pour finaliser une entente avec les producteurs d’une comédie musicale, afin d’en obtenir les droits mondiaux pour la version française. Je travaille aussi sur un autre projet de comédie musicale, mais pour l’Amérique du Nord, tant en anglais qu’en français.»

Côté québécois, outre Notre-Dame de Paris, Motion représente deux artistes: Garou (qui doit entrer en studio très bientôt pour enregistrer son premier album qui sortira l’an prochain) et l’humoriste Stéphane Rousseau. «Tu vois, l’avantage de travailler avec Motion, pour un gars comme Rousseau, c’est qu’il sait très bien que nous avons une réelle synergie entre la scène et la télé. On peut très bien imaginer un spécial Stéphane Rousseau à la télé pour promouvoir le nouveau show, et une captation, aussi pour la télé ou la vente en vidéocassette, en clôture de tournée. Nous avons les moyens, la structure et l’équipe pour faire tout ça. De plus, nous avons développé des liens avec des partenaires français. Ce qui fait que Stéphane Rousseau va également se faire connaître en France, un peu comme Anthony Kavannagh.»

Après les spectacles, est-ce que Motion pourrait devenir un nouveau joueur dans l’industrie du disque? Sur quelle étiquette paraître l’album de Garou? «Honnêtement, on ne le sait pas encore, dit Dupont-Hébert. On se dit qu’avec un potentiel en français autant qu’en anglais, Garou serait certainement intéressant pour une multinationale. Nous n’avons pas, pour l’instant, de projets concrets pour créer un label. Cependant, je peux te dire que nous voulons depuis longtemps faire un disque avec Marc Labrèche et la gang de La fin du monde (qui est une production Motion). Si Marc avait eu le temps, nous serions même en studio en ce moment…»

En fait, Motion place ses pions sur le grand échiquier du show-business montréalais. DKD/Universal vient d’être acheté par la puissante compagnie américaine House of Blues. L’Équipe Spectra en a beaucoup sur les bras avec le Festival de Jazz, les FrancoFolies, et la production d’artistes québécois (Leloup, Piché, Rivard, etc.). «L’important n’est pas le nombre de producteurs, soutient Alain Simard, président de Spectra, mais bien le nombre de spectateurs! D’autre part, comme nous gérons trois salles de spectacle, ça nous fait un locataire de plus…»

Fogel-Sabourin attend avec impatience la réouverture du nouveau Club Soda (normalement prévue pour la fin novembre dans les anciens locaux du New Orleans, sur Saint-Laurent, au sud de Sainte-Catherine). Greenland travaille régulièrement avec le Cabaret et n’a jamais vraiment tenté sa chance sur le marché francophone. Champagne, Larivée, Cabot (la compagnie qui ouvre au Cabaret), malgré un travail impressionnant à petite échelle et en peu de temps, n’a pas encore les moyens de rivaliser avec ceux de Motion, et ce dernier ne marche vraiment pas sur ses plates-bandes.

Il y a donc deux façons de voir la chose. La première, c’est de dire que Motion comble un espace laissé vacant depuis très longtemps et n’empiétera pas sur le terrain de quiconque. La deuxième, dépendant de la façon dont sera gérée cette division de Motion, c’est d’envisager qu’il y aura un réel bras de fer entre Motion et les différentes maisons de production, et que si Motion trouve sa place au soleil, ce sera au détriment d’un autre producteur. Car, qu’on le veuille ou non, Motion a vraiment les moyens…