The Cranberries : La misère des riches
Musique

The Cranberries : La misère des riches

Après un début de carrière fulgurant, le groupe irlandais a fait une pause obligatoire, histoire de se ressourcer. Ou comment une chanteuse célèbre, qui pourrait être la personne la plus heureuse sur la planète, en vient à s’oublier elle-même…

On commence tous à connaître l’histoire. C’est arrivé à Dolores O’Riordan Burton, la chanteuse et guitariste des Cranberries, comme à plusieurs autres chanteurs et chanteuses avant elle. Il n’est pas question de pitié ici. Il ne faut quand même pas exagérer. C’est peut-être plus simplement une question de placer les choses dans une juste perspective.

Voilà: la petite Dolores est dans un groupe depuis l’âge de dix-sept ans. Elle vit entourée de ses trois complices (Noel Hogan à la guitare, Mike Hogan à la basse, Feargal Lawler à la batterie) depuis une dizaine d’années. Au fil des ans et de la carrière du groupe, elle devient de plus en plus populaire, véritable figure de proue du rock au féminin.

Inévitablement, ce groupe, cette vie, ce boulot se transforme en une véritable obsession. Au point où la petite Dolores oublie qu’il y a peut-être une vraie vie à côté de celle-ci, et une vraie personne qui sait faire autre chose dans la vie que chanter.

C’est pourquoi, après la tournée qui a suivi la parution de son troisième album, le glorieux To the Faithful Departed, le groupe a pris quelques années de repos. Pendant que Feargal allait faire de la randonnée, sac au dos, en Thaïlande; que Mike restait tranquille à la maison; et que Noel ouvrait un resto dans sa ville natale de Limerick, en Irlande; Dolores tentait de se faire une vie, une vraie. Elle s’est mariée. Elle est devenue la mère de Taylor Baxter Burton, en novembre 97.

En décembre 98, lors de la remise du prix Nobel de la paix à Oslo, en Norvège, The Cranberries faisait sa première apparition publique depuis plus de deux ans au moment où il interprétait Promises, ce qui allait devenir le premier extrait de son quatrième album Bury the Hatchet, et le succès que l’on connaît aujourd’hui, alors que The Cranberries débarque dans un Centre Molson, vendu à pleine capacité depuis des semaines et des semaines. Si l’on excepte U2, il ne fait plus aucun doute que nous avons en The Cranberries le groupe irlandais le plus populaire au monde.

Mais cela ne satisfait pas Dolores. «J’ai été très malade, dit-elle, jointe au téléphone, à Toronto, plus tôt cette semaine. J’ai même pensé arrêter de chanter complètement, et me trouver une autre carrière. J’avais vraiment besoin d’arrêter de chanter et de me découvrir une vie en dehors de ma carrière, parce que c’était tout ce que j’avais: une carrière.»

Si Dolores a toujours chanté et fait partie d’un groupe, il était difficile pour elle d’imaginer que la carrière des Cranberries prendrait un essor aussi rapide. «Je vais te donner un exemple. Si tu chantes dans un groupe célèbre, ayant vendu plus de vingt-huit millions d’albums, au cours des sept dernières années, il est très difficile de sortir dans un bar ou un resto et sans se faire aborder par un inconnu qui te dit: "Salut Dolores, comment va le groupe?" Alors que la dernière chose dont tu veux parler, c’est justement du groupe…»

La vie de rock-star est tellement folle que les valeurs sont complètement renversées. Tandis que le commun des mortels aimerait voyager à travers le monde, Dolores cherchait exactement le contraire: «Ce qui me manquait le plus? Facile: une vie saine, la famille, les amis, la simplicité, se réveiller le matin et faire une bouffe pour les copains, être une fille, sortir avec mes amies de filles. J’ai perdu contact avec toutes ces amies au cours des ans, autant que j’ai perdu de vue ce que c’était d’être une fille, passant les sept dernières années de ma vie dans un autobus avec uniquement des garçons. Déjà que lorsque j’étais jeune, j’étais un peu un garçon manqué… Je n’ai jamais été portée vers les talons hauts. Le fait d’être devenue mère m’a révélé ce côté féminin que j’avais éloigné de moi…»

La meilleure illustration de ce qui s’est passé dans la vie de Dolores O’Riordan est certainement la photo de la pochette de Bury the Hatchet. À l’avant, on voit ce type nu replié sur lui-même avec un oeil immense qui le surveille. «Je n’interagissais plus avec les autres, poursuit une Dolores très en verve. J’étais complètement dans mon monde à moi, isolée, paranoïaque; je perdais petit à petit ma personnalité. J’avais même de plus en plus de difficulté à parler. C’était vraiment horrible. Ma vie devenait complètement folle. J’avais beau donner tout ce que j’avais à tout le monde, on m’en demandait toujours plus.»
À l’endos de la pochette, le même homme, toujours aussi nu, mais, cette fois, il est debout, prêt à se battre et à s’engueuler avec ce même oeil. Comme si, au cours de ces deux ans de repos, Dolores s’était elle-même retrouvée, avait enterré la hache de guerre, et était de nouveau prête à affronter le monde. «Je n’ai effectivement plus la tête dans le sable. Je me suis redressée, je ne suis plus intimidée, et je peux désormais sourire au monde en disant: "Salut, mon nom est Dolores.>»

Le 28 août
Au Centre Molson
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