Musique

Prise de son : Dolores, ô toi ma douloureuse

Disons-le tout net: The Cranberries est sans doute un groupe populaire, mais ne sera jamais un grand groupe.

La formation irlandaise en a fait la preuve – encore une fois – samedi dernier au Centre Molson. The Cranberries ne sera jamais un grand groupe pour de multiples raisons. La première étant que Dolores O’Riordan, la chanteuse et leader, n’a pas de charisme. À la voir arpenter la scène du Centre Molson en marchant comme un cow-boy de cartoon, je ne pouvais la prendre au sérieux deux secondes. En fait, malgré toute ma bonne volonté, je ne lui vois qu’une seule vraie qualité: sa voix.

Si The Cranberries ne sera jamais un grand groupe, c’est aussi parce que les trois acolytes de la douloureuse Dolores sont invisibles. Transparents. Absents. Ça pourrait être n’importe qui et ça ferait exactement pareil. Un exemple: il y avait un deuxième guitariste invité, qui ne fait pas partie du groupe, pour soutenir les efforts de Noel Hogan. Eh bien, sans savoir son nom (personne ne l’a présenté), on l’a plus vu que Hogan. Ça ne va pas très fort…
Vous voulez une autre raison? The Cranberries a écrit une seule chanson dans son existence et la décline sous plusieurs formes depuis le début. Y a-t-il vraiment une différence entre Salvation, Zombie et Promises? Poser la question, c’est déjà y répondre.

Comme il ne fait qu’interpréter sans arrêt la même chanson, est-il utile d’ajouter que The Cranberries n’innove en rien et ne pourra donc ainsi jamais laisser de traces dans la petite histoire de la musique pop? Est-il besoin d’ajouter qu’on ne pourra jamais comparer vraiment The Cranberries – malgré sa grande popularité que je ne remets surtout pas en question – à U2, par exemple, juste pour citer un groupe qui est de la même origine que les Cranberries?

Après tout cela, est-il utile également de dire que le spectacle de samedi dernier était à peine supportable?

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Juste pour faire le lien, constatation étrange: The Cranberries, groupe irlandais, a repris You Can Go Your Own Way des Américains de Fleetwood Mac. En première partie des Canneberges, le groupe américain Collective Soul a repris I Will Follow des Irlandais de U2!

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Parlons-en donc de Collective Soul. Voilà un groupe qui continue à décevoir. Lorsque son premier album est paru, nous étions assez impressionnés par la bonne tenue générale du disque, mais particulièrement épatés par la chanson Shine, très fédératrice. Depuis, Collective Soul s’enlise dans un rock ultra-conventionnel, sans grandes idées ni découvertes. Des petits frères moches de Van Halen, sans aucune imagination.
Si Ed Roland, chanteur et leader, semble se prendre pour Michael Hutchence, il n’en a ni le charisme ni le sex-appeal. Il a beau se trémousser et gigoter, personne ne succombe à ce qu’il est convenu d’appeler son charme. Si on comparait Collective Soul à un joueur de hockey, il ne serait même pas plombier. Il croupirait dans les bas-fonds de la Ligue américaine, sans aucun espoir de faire la Nationale.

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Un an après tout le monde, vendredi soir, je suis allé au Café Campus à la découverte du groupe montréalais Modern Stories, gagnant du concours L’Esprit de CHOM-FM, l’an dernier. Voilà un groupe qui mérite toute notre attention.
De facture très honnêtement pop-rock (pop pour l’aspect mélodique fort développé; rock pour l’ambiance générale de la chose), si Modern Stories, sur démo, m’avait beaucoup fait penser à Garbage; sur scène, les Montréalais se démarquent passablement du groupe qui nous a donné quelques succès bien sympathiques à la Stupid Girl ou I’m Only Happy When It Rains.

D’abord parce que la voix de Sophie Young de Modern Stories n’a rien à voir avec celle de Shirley Manson, ni sa tenue sur scène, ni sa façon de mordre dans les mots. Il faut dire aussi que la présence de DJ Unaware ajoute une modernité que n’a pas toujours Garbage, parfois un peu figé dans les sonorités des années 80.

D’autre part, il me semble que la musique de Modern Stories est aussi plus nuancée, n’hésitant pas à y aller avec des rythmes moins soutenus, des chansons plus tranquilles, sans nécessairement sombrer dans les ballades sirupeuses qui font le bonheur de trop nombreuses stations radiophoniques. Moderne, le groupe montréalais l’est, sans l’ombre d’un doute, ne serait-ce aussi que par la diversité des origines des membres: rarement voit-on un groupe avec deux Blancs, deux Blacks et une chanteuse qui a toutes les apparences d’une Eurasienne.

Ça a l’air un peu fou comme ça, mais Modern Stories est certainement le meilleur groupe que j’aie vu cette semaine…