Live : Sain esprit
Musique

Live : Sain esprit

À la fois mystique et bien ancré dans la réalité, le chanteur de Live, Ed Kowalczyk, est une espèce rare dans le monde bourru du rock américain: un être sensible et spirituel qui sait traduire en musique ses questionnements les plus  intimes.

L’univers du rock américain est peuplé de cons. De petits rigolos au cerveau minuscule, dont les poches garnies de dollars autorisent la suffisance, l’égoïsme et le narcissisme. Ça n’a rien à voir avec leur musique qui, plus souvent qu’autrement, est bien foutue; mais plutôt avec leur personnalité, que la gloire a engraissée. L’univers du rock américain est peuplé d’anciens cancres, de nerds et d’ex-ados boutonneux projetés en moins de deux au rang d’idoles. Heureusement, par contre, pour tous les Fred Durst (Limp Bizkit) de ce monde, on rencontre de temps à autre un Ed Kowalczyk, dont le groupe, Live, sera au Centre Molson cette semaine. Fin de la récréation.

Issu du mouvement post-grunge sursaturé du milieu des années quatre-vingt dix, Live a pourtant su se démarquer dès le départ par le biais d’un univers littéraire singulier, axé sur la spiritualité et les thèmes existentiels. De la matière dense, exagérément parfois, mais qui a au moins eu le mérite de nous changer de certaines facéties californiennes. Allez d’ailleurs savoir si le simple fait d’avoir grandi en Pennsylvanie n’a pas eu un sérieux impact sur les préoccupations des quatre jeunes hommes de York: «Je crois que d’avoir été isolés nous a permis d’avoir un son un peu plus personnel, confirme Kowalczyk. Le pire, c’est que ce n’était pas intentionnel de notre part, mais plutôt inévitable. J’ai parfois l’impression que toute création qui sort de Pennsylvanie est le résultat d’un intense isolement face au reste de la planète. Nous ne sommes que des freaks de la nature… Cela dit, si nos deux premiers disques symbolisent la musique d’un groupe de la Pennsylvanie, le dernier, The Distance to Here, représente Live en tant que phénomène mondial. Beaucoup plus tourné vers l’extérieur.»

En juillet dernier, pourtant, le quatuor nous a émus en employant une recette tout à fait américaine. Alors que John Kennedy Jr venait de se taper le plongeon fatal, Live finissait son set à Woodstock. Dans un geste tout aussi remuant que peu subtil, il faut bien le dire, le groupe dédiait à John John sa méga-ballade Lightning Crashes. Frissons garantis: «Il est certain que la culture américaine me fascine tout autant qu’elle me rebute, explique le chanteur. Et c’est normal. Elle forme une entité organique immense, constituée de millions de corps humains qui tentent de trouver leur voie. Parfois, cette entité se perd; parfois, elle se trouve. Nous n’avons qu’à observer l’histoire. Mais j’avoue que le tournant du siècle m’a encouragé. Tout le monde avait tellement d’appréhensions; j’ai eu l’impression cependant que tous les citoyens du monde se tournaient les uns vers les autres dans un élan d’harmonie et de paix. Un message clair, du moins chez nous, où j’ai passé la soirée, qui clamait notre écoeurement face à la folie du siècle passé. Encore aujourd’hui, je trouve ça fascinant commbien la transition s’est faite en douceur, alors que nous craignions tous de la violence. Je trouve ça excitant.»

Si les citoyens du monde se sont tournés les uns vers les autres pour l’an 2000, Ed Kowalczyk, lui, a eu besoin d’une intense période d’isolement pour créer les chansons du dernier compact. Fatigué du tourbillon médiatique, épuisé par une tournée trop longue, drainé mentalement par les thèmes sombres de Secret Samadhi, le disque précédent, notre homme est parti se ressourcer sous la tente dans le désert pendant quelques semaines: «Cette expérience était primordiale, ne serait-ce que pour déconnecter pendant un instant. Cesser d’être Ed Kowalczyk, de Live, et devenir moi, tout simplement. Je voulais retrouver cette espèce de sentiment d’innocence et de pureté.»

Paradoxe troublant, les paroles des nouvelles chansons, bien que créées dans un environnement désertique, sont truffées de références aquatiques: «J’étais assoiffé, dit en riant le leader. Non, plus sérieusement, les sentiments et les émotions que je voulais exprimer étaient très purs, voire primaires, et c’est pourquoi j’ai utilisé beaucoup de figures de style faisant appel aux forces naturelles. Comment mieux exprimer le bonheur qu’avec le soleil? Même chose avec l’amour, qui peut être vécu à des niveaux de puissance tellement variés; d’où les références aux différents paliers d’intensité d’un courant d’eau…»

Selon Kowalczyk, The Distance to Here est la contribution la plus importante de Live à la musique pop, jusqu’ici. On se rappelle que la tournée de Secret Samadhi apportait déjà beaucoup à la moyenne des spectacles rock de 1998, alors ne me cherchez pas le 27 janvier prochain…

Le 27 janvier
Au Centre Molson
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