Ensemble Arion/Claire Guimond : Beauté baroque
Musique

Ensemble Arion/Claire Guimond : Beauté baroque

L’Ensemble Arion est en tournée avec les Concertos brandebourgeois de Bach. CLAIRE GUIMOND, directrice artistique du groupe mais également flûtiste, nous présente aussi un nouveau disque sous étiquette Atma. Programme  double.

La flûtiste Claire Guimond ne nous avait pas donné de disque solo depuis 1996. Après Boismortier et Telemann, c’est à Michel Blavet qu’elle consacre son tout nouvel enregistrement, réalisé sous étiquette Atma, en compagnie des artistes britanniques John Toll et Jonathan Manson, respectivement claveciniste et gambiste. De plus en plus présente de l’autre côté de l’Atlantique, Claire Guimond peut maintenant dire qu’elle mène deux carrières de front: d’un côté la direction artistique de l’Ensemble Arion, qu’elle assume depuis 18 ans et de l’autre, des concerts solos de plus en plus fréquents, notamment en Angleterre. «J’ai fait une émission pour la BBC avec John Toll, raconte la flûtiste, et nous y avons donné entre autres une sonate de Blavet. Quand nous nous sommes décidés à faire un disque ensemble, nous avons tout de suite pensé à ce compositeur. D’abord, parce que c’est de la très belle musique; mais aussi parce qu’à ma connaissance, il n’existe pas de disques consacrés entièrement à sa musique.»

Michel Blavet, né à Besançon en 1700, était lui-même flûtiste. Son écriture est par conséquent admirablement adaptée à l’instrument pleine de délicatesse et de raffinement. Le compositeur français maîtrisait si bien son instrument, qu’on le décrit comme «peut-être le plus habile flûtiste français de son siècle». La sonorité de Claire Guimond dans ces sonates pour flûte et basse continue de Blavet est plus veloutée que jamais, et l’articulation, toujours aussi intelligente et subtile. Quant à la connivence entre les trois instrumentistes, elle est palpable, ne serait-ce que par l’harmonie des phrasés. Après cette très belle réussite, Claire Guimond augmentera bientôt sa discographie de nouveaux enregistrements solos: «Je ne dévoilerai pas tous mes autres projets, mais ça ne prendra pas encore des années!»

Tout va donc pour le mieux dans la carrière de Claire Guimond, qui vient d’autre part d’obtenir le poste de directrice artistique d’un important festival de musique ancienne, celui de Lamèque au Nouveau-Brunswick. En attendant la prochaine édition du Festival, à l’été 2000, l’Ensemble Arion occupe beaucoup la musicienne. En tournée sur l’île de Montréal et en région du 13 au 28 février, on peut l’entendre interpréter les Concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach. «Nous donnons en tout 11 concerts, mais nous ne faisons qu’une seule fois l’intégrale», précise Claire Guimond. En une sorte d’apothéose, Arion jouera tous les Brandebourgeois le 28 février à la salle Pierre-Mercure, dans le cadre des Radio-Concerts du Centre Pierre-Péladeau, qui combinent une participation au Festival Bach, organisé par la Chaîne culturelle de Radio-Canada, et au Festival Montréal en lumière. «On se fait un cadeau d’avoir un mois de février rempli de Brandebourgeois, confie la directrice artistique d’Arion. Même si nous avons de grandes affinités avec la musique française, nous avons toujours joué du Bach. Pour n’importe quel musicien, Bach, ça reste le Grand. Il est comme une sorte de prisme. Plus on le travaille, plus on découvre de nouveaux angles.» Arion jouera avec des effectifs élargis, comme c’est presque toujours le cas depuis quelques saisons. Mais l’esprit demeure le même: «Les Brandebourgeois, c’est quand même de la musique de chambre, explique la flûtiste. On conserve une sorte de collégialité, qui est l’essence même de la culture d’Arion. Les répétitions sont dirigées par Hank Knox – le claveciniste du groupe -, mais tout le monde peut se permettre des commentaires.»
Dans le cadre de Jouer dans l’île: les 17, 20, 22, 24, 27 février
En région: les 19, 25, 26 février
À la salle Pierre-Mercure et en direct sur les ondes de la Chaîne culturelle de Radio-Canada: le 28 février, 20 h

Béatrice et Bénédict de Berlioz à l’Atelier d’opéra de l’Université de Montréal
Les productions étudiantes ont toujours beaucoup à nous apprendre. Par leur fraîcheur, leur énergie, elles nous font souvent vivre des moments de pur bonheur. La prochaine production de l’Atelier d’opéra de l’Université de Montréal présente une oeuvre montée pour la première fois au Québec: Béatrice et Bénédict de Berlioz. Cet opéra en deux actes, adaptation de la pièce de Shakespeare Much Ado about Nothing, est mis en scène par Alice Ronfard, bien connue du milieu théâtral. Et pour mieux préparer théâtralement les jeunes chanteurs du programme d’opéra de la Faculté de musique, on a demandé l’aide du comédien Benoît Brière… L’Orchestre de l’Université de Montréal sera dirigé par Jean-François Rivest. On retrouvera tour à tour Caroline Ménard et Anik-Eve St. Louis dans le rôle de Béatrice, Éric Thériault et Frédéric Antoun dans celui de Bénédict.
Les 24, 25, 26 (20 h) et 27 (14 h 30) février, salle Claude-Champagne
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Lulu, le chant souterrain
Cette Lulu tant attendue, que Chants libres propose en création mondiale du 10 au 19 février à l’Usine C, laisse un goût fade dans la bouche. Lulu, le chant souterrain, opéra techno du compositeur Alain Thibault sur un livret de Yan Muckle, mis en scène par Wajdi Mouawad, interprété par la soprano – et directrice de la compagnie – Pauline Vaillancourt et le comédien Paul Savoie, est une déception. La fusion tentée entre un langage populaire, celui du techno, et le chant de tradition classique n’est en fait ici qu’une superposition. Pour arriver à tirer substance d’une telle rencontre, le compositeur doit, un tant soit peu, transcender les genres. Dans le cas de Lulu, la ligne vocale se retrouve plaquée sur une musique synthétique qui ne sublime pas plus qu’elle n’exprime. La fameuse rencontre entre l’homme et la machine ne se produit pas. Le texte, intéressant, n’est guère servi par une mise en scène qui ne semble pas y croire. Et c’est peut-être là que le malaise se fait le plus présent: la principale intéressée, elle aussi, paraît totalement étrangère à son personnage. Pauline Vaillancourt, qui nous avait habitués à des incarnations fortes, à une présence scénique étonnante, est à l’étroit dans la peau de Lulu. Ni vocalement ni scéniquement elle ne s’épanouit. Paul Savoie, plus convaincant, arrive en de très courts moments à nous faire oublier le malaise. Dans l’ensemble, on en ressort avec l’impression d’avoir assisté à une expérience, qui valait sans doute la peine d’être faite pour pouvoir passer à autre chose. Toute compagnie de création a certes droit à l’erreur, mais il est dommage que ce soit pour célébrer ses dix ans que Chants libres ait choisi une avenue si peu représentative de ses réussites passées, à commencer par son Ne blâmez jamais les Bédouins, sur une musique de… Alain Thibault. Saluons également, au passage, La Princesse blanche de Bruce Mather, Les Chants du capricorne de Giacinto Scelsi, Le Vampire et la Nymphomane de Serge Provost,réussites admirables de la compagnie. Malgré tout, bon 10e anniversaire à Chants libres.

Tuyo: Rouge de Vinci
Le dernier spectacle de Tuyo, présenté à la salle Pierre-Mercure les 9 et 10 février, se veut librement inspiré des inventions «musicales» et du génie créatif de Léonard de Vinci. Bien huilé, Rouge de Vinci nous montre un groupe en forme, primesautier, plus que jamais à l’aise dans ses évolutions parmi les instruments inventés aux aspects les plus surprenants. Musicalement plus légère que leur création précédente – Ancienne Modernité -, celle-ci se veut divertissante, sans temps morts, et exploite avec brio la présence scénique et la gestuelle des instrumentistes. Léonard, présent en filigrane dans le tissu du spectacle, n’altère en rien l’esprit ni le style original de Tuyo, donnant plutôt un point d’appui à son identité. Les aspects visuels, sobrement mais judicieusement exploités, comme toujours avec le groupe, constituent une part du spectacle chère à Carol Bergeron, le directeur artistique. Carl Béchard signe la mise en scène. Les compositeurs au programme étaient Carol Bergeron, Clermont Bouliane, Benoît Brodeur, Jean Derome, Bill Frisell, Michel Gonneville, René Lussier, Thelonious Monk, Charles Papasoff, Anthony Rozankovic et Louis Sclavis. Qu’on se rassure: Tuyo tourne maintenant plus que jamais, et Rouge de Vinci n’a pas connu son ultime représentation.