Cabaret Cow-Girls : Les pétroleuses
Musique

Cabaret Cow-Girls : Les pétroleuses

Réunies autour d’une même table dans une taverne du Plateau, nous avons rencontré trois participantes du Cabaret Cow-Girls. Trois musiciennes farouchement romantiques, chacune à sa façon, mais aussi passionnées de musique country malgré leurs  différences.

Autour de la table, Mara Tremblay, personnalité-phare chez les desesperadas depuis la sortie de son irrésistible Chihuahua qu’elle promène sans laisse un peu partout, avec un amour indéfectible, est probablement la plus attachée à perpétuer l’idiome du country. Avec son vibrato intense et nerveux, la tête dans les étoiles, Mara et ses chansons émotives sont comme poétiquement portées vers le futur. Une incontournable. Son petit garçon de quatre ans est resté à la maison, et elle est assise là, à ma gauche.
Chloé Sainte-Marie, née dans le village de Saint-Eugène – en plein coeur du patelin de Willie Lamothe – est devant moi. Avec une double allégeance affirmée au country et à la chanson, elle nous donnait récemment Je pleure Tu pleures, un étonnant disque qu’elle fera vivre sur scène en avril. Dans un autre registre, légère comme un voile de satin, Chloé laisse couler les mots comme de longues tresses cristallines avec des phrases aux contours mélodiques imprévisibles. Sa présence à notre table semble aussi impérative.
Cocktail, la chanteuse des corrosifs Slot Machine et des ex-Secrétaires volantes, offre un joli contrepoint à la discussion. Ce petit brin de femme pleine d’urgence issue du milieu punk fut, contre toute attente, la première à engager la conversation. Par le biais du cinéma, de surcroît, ce qui a tout de suite plu aux deux autres.
«Il y a un film dans le genre qui m’a marqué: Les Pétroleuses. Il y avait Brigitte Bardot, Claudia Cardinale… et Jeanne Moreau», de compléter Chloé. Toutes les trois évoquent le film en rigolant. Courageusement, Cocktail ajoute: «Moi, Bobby Hachey et Renée Martel, je trouve ça assez boring, merci.» Réaction immédiate de Mara: «Au contraire! Moi, je trouve ça beau un homme qui confie ses sentiments comme Hachey le fait. Ou comme Hank Williams le faisait. Le country, c’est des chansons d’amour sincères, faites dans la simplicité. C’est pas compliqué: une phrase veut souvent tout dire. C’est ça, la magie.»
On a inévitableent parlé de la place qu’occupent les femmes dans la musique country et de la signification de cette date arbitraire du 8 mars. «La musique en général est un monde d’hommes, lance Chloé. Je dirais même que le country est la moins macho de toutes, puisqu’on y retrouve la plus grande proportion de femmes. La Journée internationale des femmes, ça n’existe que dans les médias, pas dans la vraie vie.» Et Cocktail de renchérir: «Tant qu’à faire, j’aime mieux la Saint-Valentin.» Puis Mara ajoute avec justesse: «Au fait, y a-t-il une Journée de l’homme?» «La Journée de l’homme, c’est à l’année», lance Cocktail avec ironie.
L’initiative de ce premier Cabaret Cow-Girls revient à Sonia Auger-Guimond, cousine de Cocktail (qui décorera elle-même la salle) et comédienne en théâtre de création: «On veut donner la place aux filles. Se faire une soirée familiale. Rassembler du monde, c’est important.» Si Chloé évoque la symbolique du train au cinéma et de ses cow-boys poussiéreux, Sonia, elle, perçoit dans cette image l’autonomie, l’indépendance et la solitude: «L’univers du western, ça m’appelle. Quand j’étais jeune et qu’on jouait aux cow-boys, j’étais toujours pognée pour faire l’Indienne attachée au poteau. Avec cette soirée, je trouve le fun d’ouvrir cet univers-là aux femmes.»
Justement, il n’y aura pas que des filles au programme, puisque le contingent mâle sera dignement représenté par les intrépides et toujours fiables Ours, par le trio Lazyboys, qui inclut deux ex-Secrétaires, dont Lubrique, le chanteur, et Nicotine, maintenant bassiste de Caféïne. Paraît qu’ils nous feront entre autres une toune des Wampas… Et pour poursuivre dans l’inceste, Jean-Frédéric Messier, qu’on a connu surtout à cause de Cabaret Neiges noires, est aussi guitariste des Slot Machine, le seul gars du groupe d’ailleurs. Aux côtés de Cocktail, les gars interpréteront deux pièces: Dany, pigée dans le répertoire d’Extasium (l’ancien groupe de Messier), et une version de Ton cheval, des Lolitas. Voyez le puzle? «Ce soir-là, les garçons sont accessoires; on les utilise!» ont-elles clamé triomphalement à l’unisson.
Et ce n’est pas tout: Les Jean-Claude accompagneront Valérie Le Maire (qui chantait dans la pièce L’Homme des tavernes de Louis Champagne), Nicolas Maranda (ex-Coma) épaulera Pascale Coulombe, et les frères Sénéchal seront aussi en selle. Molière ne disait-il pas qu’il faut savoir plaire aussi bien au parterre qu’au poulailler? La solution: Urbain Desbois, le facétieux et réjouissant chanteur qui travaille moins que sa maison. «On aurait aussi bien pu inviter WD-40 ou Fred Fortin, de dire l’organisatrice Sonia, mais eux y sont beaucoup trop «gars» pour cet événement!»
C’est sans compter sur les autres muses, dont Les Secrétaires percutantes, Lou Babin (de la Fanfare Pour Pour et des Cabarets de La Pleine Lune), cette même Lou qui chantait Liberté dans le film Le Party de Pierre Falardeau. Question de bien ficeler tout ça, on pourra compter sur deux maîtresses de cérémonie et femmes de théâtre, Anne «Calamity» Casabonne et Marika «The Kid» Lhoumeau. De la variété vous dites?
En prenant connaissance de tous ces invité(e)s, quelles que soient leurs allégeances musicales, une question s’imposait: le country demeure-t-il avant tout une musique rurale? \«Je me demande s’il n’est pas plutôt citadin», explique Chloé, bien que Mara y mette un bémol: «C’est pas quelque chose qu’il faut investiguer ou dans quoi il faut embarquer comme dans une mode. Moi, je me fais dire que je suis une cow-girl urbaine, mais je suis une fille de campagne. Je tripe sur la campagne au boutte. C’est pas dangereux de chanter du country, mais en ville, on cherche trop un style, une allure!»
Question de vous mettre en appétit pour cette soirée, puis-je vous implorer de vous procurer le dernier album de Bobby Hachey qui rend hommage à ses amis, dont le grand Willie? Chloé est sûrement d’accord: «Ce qui a tant plu à Willie (Lamothe) quand Gilles (Carle) est venu le chercher pour fire du cinéma, c’est qu’il pouvait passer de la classe populaire à la classe savante.» Voilà qui résume bien l’esprit de ce spectacle: accessible à tous, sans classes ni préjugés. «C’est tellement pas payant d’être authentique, faut au moins que ce soit super le fun», conclut Chloé._

Le 8 mars
Au Lion d’or
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