Musique

Live à Montréal : Les RespectablesCabaret Cow-GirlsDaniel BoucherThe Smashing Pumpkins

Les Respectables
Le 7 mars au Cabaret

Quand un groupe entre en scène dans une relative indifférence, et qu’il ressort, quelque deux heures plus tard, sous une salve d’applaudissements, c’est qu’il a bien fait les choses. Nos hommages, donc, aux Respectables, qui auraient bien pu se dégonfler devant le peu de chaleur des spectateurs en début de parcours, mais qui, au contraire, sont allés chercher un à un chacun des cinq cents néophytes massés au Cabaret.
Chapeau, parce que la partie était loin d’être gagnée d’avance. Les Respectables ont beau s’inspirer des Stones, ou cracher quelques gros riffs sudistes dignes de ZZ Top, leur répertoire n’en possède quand même pas le même nombre de hits. L’Homme 7: Up, Amalgame, à la limite La Java; bref, rien pour constituer un bivouac. Mais le quatuor a roulé son pick-up aux quatre coins de l’Amérique, et ça s’entend. Archisynchro, bonne attitude, chansons «liftées» par des versions plus sauvages, grosse machine rythmique, du groove à profusion: tout pour nous faire passer une soirée vraiment très sympathique. Rien pour se prendre la tête à deux mains, mais excellent pour sortir boulevard Saint-Laurent avec le gros sourire au visage.
Bien sûr, on avait parfois l’impression d’être dans un bar rock de Chibougamau (au fait, est-ce qu’on vend de la Grosse au Cabaret?), mais c’est oublier que le groupe est également capable d’un petit bijou pop à la Crowded House (la magnifique Souviens-toi), qui m’avait pourtant échappé en version studio. Simples, professionnels, sincères et généreux, n’est-ce pas là tout ce qu’on demande à des disciples du rock’n’roll? (Patrick Marsolais)

Cabaret Cow-Girls
Le 8 mars au Lion d’or
Avec treize artistes qui ont défilé en trois heures, le Lion, plein à ras bord, valait son pesant d’or ce soir-là. Les superlatifs et les jeux de mots ont fusé de toutes part. Le country a encore «vaincu». Et qui s’en plaindra? Les organisatrices de ce premier cabaret ont admrablement pris les choses en main en décorant la scène de longs cactus illuminés, en arborant des fringues de cow-girls sexy et en s’investissant à fond dans ces rôles typés. Sympathique. Quelques bonnes rasades de bière ont inévitablement resserré les liens de l’amitié mais, malheureusement, haussé le volume de plusieurs crans. Résultat? La cacophonie des multiples conversations, telle une rumeur assassine émanant de partout, a enterré plusieurs prestations. On n’est pas à l’opéra, d’accord, mais pas dans un cinq à sept non plus. No respect.
Urbain Desbois fut expéditif et drôle, assez pour débuter en disant: «Comme dernière chanson…» Deux petites ritournelles, et il s’éclipsait. Lou Babin fut totalement en accord avec le thème de la soirée en balançant deux magnifiques complaintes, Mon cher compagnon et The Pain of Loving You. Elle a tout compris. Les Slot Machines n’avaient rien de bien original à proposer, sinon de poser. Mara Tremblay fut chaleureusement acclamée, nous livra un Teint de Linda inattendu, nous confia qu’elle était «perdue dans son coeur», puis capta toute l’attention avec Ah quelle tristesse. Les Ours furent à leur hauteur, c’est-à-dire excellents, Natalie Rainville en tête, fort pertinente sur Oh! Belle maman. Chloé Sainte-Marie est passée en coup de vent. La surprise de la soirée? Pascale Coulombe. À l’aise au max avec sa mouture country-hip-hop-funk. La plus cow-girl de toutes. «Notre» Shania. Pour un peu, on se serait cru dans un showcase à Nashville. (Claude Côté)

Daniel Boucher
Le 10 mars au Corona
Après tout le tapage médiatique qu’a provoqué la rentrée sur scène de Daniel Boucher (et auquel on a fièrement participé…), il valait mieux éviter la cohue du soir de première, pour aller voir de quel bois se chauffait l’homme (nécessairement moins nerveux) devant un «vrai» public. D’entrée de jeu, peut-être à cause du choix de la salle (ou des influences musicales que l’on retrouve sur son magnifque album Dix Mille Matins), il semble que l’auteur-compositeur-interprète de vingt-huit ans attire un public en majorité plus âgé que lui.
C’est confortablement assis dans un fauteuil, dos au public et face à un téléviseur enneigé, que Boucher accueille les spectateurs. Les premières notes de Deviens-tu c’que t’as voulu? sonneront le début d’une «pas pire épopée» qui permettra à la nouvelle coqueluche de la chanson québécoise de présenter son univers intimiste sur une scène affublée d’un impressionnant décor d’appartement et d’un éclairage plus spectaculaire que celui des Smashing Pumpkins au Spectrum!
Au programme: presque tout l’album, avec, en prime, quelques reprises, dont une, fort courageuse, du Chant du patriote de Félix, seul, guitare à la main, debout sur les accoudoirs du fauteuil. Un moment de frissons parmi tant d’autres, comme pendant cette version allongé de Boule à mites, au milieu de laquelle il insère un bout de Fu Man Chu de Charlebois, en clin d’oeil aux comparaisons dont il fut l’objet à plus d’une occasion. Boucher s’est même permis quelques nouveautés, prouvant qu’il a déjà d’autres munitions pour partir à la conquête d’un public qui semblait rassuré, ce soir-là, d’avoir trouvé quelqu’un digne d’être ovationné. Et le tonitruant «C’est incroyable!» que Boucher a laissé sortir devant des applaudissements insistants laissait supposer que s’il avait effectivement «scoré» durant toute la soirée, il savourait chaque seconde de sa victoire. Une victoire qui faisait du bien autant à son auteur qu’aux conquis que nous étions. Bref, le coup de foudre a bel et bien eu lieu. Malgré tout, on serait bien curieux de le voir à l’oeuvre dans un environnement plus simple où le contact se ferait plus directement, et où le focus se ferait sur l’essentiel… (Eric Parazelli)

The Smashing Pumpkins
Le 11 mars au Spectrum
Au risque de passer pour un pisse-vinaigre de la pire espèce, et de donner l’impression de cracher dans la soupe, le concert-«suprise» des Smashing Pumpkins (qui n’avait de surprise que le nom, le groupe ayant usé du même stratagème dans des dizaines de villes du monde) m’a grandement déçu. Que l’un des plus gros groupes rock de la planète nous fasse l’honneur de jouer dans une petite salle, ça le regarde. Mais qu’en retour de cette «faveur», il nous oblige à endurer ce qui ressemblait à un jam-session métal de plus d’une heure, c’est presque inacceptable.
Qu’on se le dise: tout mégalo qu’il soit, Billy Corgan n’a rien d’un messie, et il chante toujours aussi mal. Les Smashing Pumpkins forment certainement un excellent groupe de rock, mais ils ne sont rien de plus qu’un groupe de rock. Lorque maître Corgan a lancé, sans la moindre ironie, que le rock’n’roll (lire: son rock’n’roll) allait sauver notre société malade, on n’a pu réprimer un ricanement.
À mon avis, le vrai concert a débuté à la moitié de ce marathon de deux heures et quart: le doublé Everlasting Gaze et Heavy Metal Machine (deux des chansons les plus corrosives du nouvel album) ainsi que des hits comme Cherub Rock et Zero ont finalement réussi à me sortir de ma torpeur. Le premier rappel, acoustique, composé des très pop 1979 et Today, était aussi réjouissant, surtout en raison de l’exécution modeste et retenue.
La bassiste montréalaise Melissa auf der Maur, véritable reine de la soirée (elle avait d’ailleurs réquisitionné l’une des mezzanines pour y caser tous ses amis), a brillé, prouvant qu’elle avait l’étoffe d’un vraie rock star. À la regarder prendre le plancher avec assurance, on aurait pu croire qu’elle était née pour ce job. Visiblement émue, elle nous a livré un petit boniment en français, que Corgan, avec son humour de potache, a interprété comme un discours sur le fromage. Même lorsqu’il fait des blagues (si c’est ainsi qu’on peut qualifier l’interminable histoire de Jolene, «une fille du Canada», qui a conclu le spectacle), Corgan demeure convaincu que chacun de ses gestes revê une importance capitale. Si les Pumpkins, pour reprendre le titre de leur dernier album, se croient «l’instrument de Dieu», il serait bon de leur rappeler qu’ils sont avant tout un groupe rock. Rien de plus. (Nicolas Tittley)