Sylvain Bergeron : Dans ses cordes
Musique

Sylvain Bergeron : Dans ses cordes

La Nef présente Sylvain Bergeron en solo au luth et à la guitare baroque dans le cadre de sa «Série luth». Pour redécouvrir un instrument mystérieux, fascinant.

Quel a été, aux XVIe et XVIIe siècles, le «roi des instruments»? Ce roi déchu, c’est le luth, qui, petit à petit, a perdu sa place au profit des instruments à clavier. Même si l’instrument reste un symbole, une sorte d’icône, relativement peu de musiciens s’y consacrent, si l’on considère la place qu’il occupait il y a à peine quelques siècles… «À l’époque élisabéthaine, il y avait des luths et des cistres accrochés aux murs des salons de coiffure. Au lieu de lire le Reader’s Digest, on jouait de l’instrument…», rapporte un des directeurs artistiques de La Nef, Sylvain Bergeron, lui-même luthiste.

Voilà sans doute l’une des raisons qui ont motivé l’avènement d’une nouvelle série organisée par La Nef, la «Série luth», contraste intéressant avec les productions d’envergure auxquelles nous avait habitués la compagnie montréalaise. Le second concert de la série sera donné par Sylvain Bergeron, qui parle de son instrument avec une tendresse évidente. «Pendant deux siècles, le luth a vraiment tenu le haut du pavé. Il a été un acteur important du développement de la musique instrumentale et c’est un des premiers instruments à avoir eu un répertoire solo. Déjà au XVIe siècle, on imprimait des recueils de musique pour luth. De plus, il était pratique, on pouvait le transporter partout sur son dos! Au XVIIe, d’autres instruments se sont beaucoup développés, en particulier les claviers. Le luth s’est alors niché en un endroit précis de la hiérarchie sociale, et a été associé à la noblesse.» Avant, bien sûr, de tomber en désuétude…

Le prochain concert de la «Série luth» nous présentera non pas un, mais deux instruments, issus de familles apparentées: le luth et la guitare baroque. «L’idée était de les mettre en parallèle en insistant sur les différentes façons dont on a écrit pour l’un et pour l’autre, explique l’interprète. Le luth renaissance est un instrument assez fin, tant sur le plan du jeu que sur celui du répertoire. Il est associé à la cour et à la pratique domestique, mais exige assez de virtuosité tout de même. Avec la guitare baroque, c’est tout à fait l’opposé. C’est un instrument populaire, particulièrement du côté de l’Espagne. La guitare s’est beaucoup développée là-bas parce qu’ayant été longtemps sous le joug arabe, les Espagnols trouvaient que le luth leur rappelait trop l’occupation – ce dernier étant effectivement d’origine arabe. Les pièces que je vais jouer ont une couleur nationale, très flamenco, sensible dès le XVIe.» Des danses anglaises et espagnoles des XVIe et XVIIe siècles, interprétées respectivement au luth et à la guitare baroque, illustreront ce contraste entre les deux répertoires et les deux instruments.

Sylvain Bergeron, que je joignais par téléphone la semaine dernière, était à Toronto pour une série de concerts. Le luthiste est très occupé ces temps-ci, et sa carrière de concertiste prend temporairement le dessus sur celle de concepteur de spectacles pour La Nef. «En faisant les programmes de la nouvelle série, je retrouve le plaisir de travailler pour moi-même, souligne le musicien qui joue dans les trois concerts prévus cette saison. On veut instituer une saison à Montréal et des productions costaudes – comme Montségur ou Perceval, la quête du Graal, notamment -, on ne peut pas en faire tous les six mois.»

Cette volonté de créer une programmation plus intime a été motivée également, nous indique le directeur artistique, par une curiosité des mélomanes à l’égard des instruments de la famille du luth. «Je fais souvent la basse continue au théorbe avec différents ensembles, et je sens qu’il existe un intérêt. On vient souvent me voir après les concerts pour entendre l’instrument seul.» À ce désir correspond un aspect de la série qui sera plus manifeste la saison prochaine. Tout en restant axée sur le luth et les cordes pincées, la «Série luth» ne portera peut-être plus le même nom… À venir: viole d’amour et autres découvertes en perspective. D’ici là, on pourra entendre Sylvain Bergeron en solo le 23 mars à la salle Redpath de l’Université McGill; et le 14 avril en compagnie de l’alto Daniel Taylor, dans un concert de Lute songs, folk songs et airs du baroque naissant.
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Un nouveau chef à l’Orchestre Métropolitain
La nouvelle de l’arrivée de Yannick Nézet-Séguin à la tête de l’Orchestre Métropolitain a fait l’effet d’une petite bombe dans le milieu musical. En effet, on annonçait la semaine dernière le départ prématuré du maestro Joseph Rescigno, qui laissait vacant le poste de directeur artistique de l’Orchestre qu’il occupait depuis près de cinq ans. Point de suspense, cependant. En même temps que cette annonce, on divulguait déjà le nom de son successeur, un jeune chef plus que prometteur, dont la carrière démarre en flèche. Nézet-Séguin, à 25 ans, est à la fois directeur artistique de l’OM, adjoint chef d’orchestre, et chef des choeurs de l’Opéra de Montréal, directeur musical du Choeur de Laval et du Choeur Polyphonique de Montréal ainsi que cofondateur et directeur artistique de La Chapelle de Montréal. De plus, il fait cette saison ses débuts à l’Orchestre symphonique de Montréal… Aux derniers Opus, il remportait deux prix: celui de Découverte de l’année et celui de Prix du public, témoignages de sa présence dans le coeur des mélomanes montréalais. C’est au moment de fêter le 20e anniversaire de l’Orchestre, en 2000-2001, que Nézet-Séguin prend la relève, avec un enthousiasme évident: peu de jeunes chefs québécois peuvent se vanter d’avoir autant de tribunes dans leur propre pays! «J’ai l’impression de m’être fait donner un billet d’avion en partance pour une aventure que, déjà, j’entrevois comme passionnante et stimulante», déclarait le nouveau chef de l’OM à l’occasion de sa nomination, effective dès ce mois-ci. Alors, bon voyage!

Documentaires de James Dormeyer à la Cinémathèque québécoise
Réalisateur à la télévision de Radio-Canada durant de nombreuses années, James Dormeyer a consacré plusieurs documentaires à la musique contemporaine de chez nous. On connaît la difficulté de rendre en images télévisuelles la spécificité du phénomène musical. Dormeyer s’y est pourtant attaqué avec un désir évident de nous faire voir la musique… Sur les douze documents que propose au total la Cinémathèque québécoise depuis le 2 mars, il en reste encore plus de la moitié, dont Gilles Tremblay… Un univers sonore, le 25 mars, Forum 93 – du Nouvel Ensemble moderne – et Un prix pour Yegor, le 31 mars.