Musique

Catpower : La langue au chat

Chan Marshall, alias Catpower, ne ressemble pas à ses chansons. Si elles sont graves, voire éprouvantes, leur auteure fait preuve d’une gentillesse et d’une candeur étonnantes. Il faut dire que Chan a l’esprit léger en ce moment: plutôt que de livrer un autre chapitre de l’oeuvre introspective et aride qu’elle développe depuis quatre albums, elle s’est approprié les compositions des autres sur The Covers Record.

Avec Chan Marshall, on ne sait jamais à quoi s’attendre; et l’auteure-compositrice, mieux connue sous le nom de Catpower, peut désarçonner le journaliste le plus aguerri avec des réponses d’une franchise peu commune. Enfin, lorsqu’on réussit à lui mettre la main au collet, puisque quelques jours avant l’entrevue, le représentant de sa compagnie de disques n’avait aucune idée de l’endroit où son poulain pouvait bien se trouver. C’est donc avec beaucoup d’étonnement qu’on joint finalement la dame sur un téléphone cellulaire, en plein magasinage. «Avec ce truc, je suis disponible en tout temps; mais quand j’y pense, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée», lance-t-elle en soupesant quelques fruits.
En fait, Chan ne ressemble pas à ses chansons. Si elles sont graves, voire éprouvantes, leur auteure fait preuve d’une gentillesse et d’une candeur étonnantes. Il faut dire que Chan a l’esprit léger en ce moment: plutôt que de livrer un autre chapitre de l’oeuvre introspective qu’elle dévveloppe depuis quatre albums, elle s’est approprié les compositions des autres sur The Covers Record.
«J’avais de plus en plus de difficulté à jouer les chansons de Moon Pix (son dernier album) et je commençais à apprécier les covers plus que mes propres chansons. Les chansons, c’est comme les patates; si tu manges des patates tous les jours, tu vas finir par détester ça… J’adore interpréter les chansons des autres parce que je n’ai rien à perdre. Émotionnellement, c’est moins impliquant parce que n’importe qui peut faire ça.»
Si le premier musicien de bar venu est capable de livrer une version honnête de Satisfaction, personne au monde ne pourrait prétendre s’approcher de celle dont a accouché Chan pour son album. Dépouillé de son refrain, réarrangé en complainte folk, le classique des Stones se retrouve transmué en une interprétation tellement libre qu’on pourrait la ranger aux côtés de celles des Residents et de Devo. «Merci, c’est gentil de me dire ça, dit-ell avec un rire gêné. On peut en effet dire que ces chansons sont devenues les miennes, puisque j’ai souvent composé de nouvelles musiques. Ce n’était pas conscient: je m’asseyais au piano ou je prenais ma guitare, et je me mettais à chanter. Il n’y avait pas de démarche intellectuelle derrière ce projet; je n’essayais pas de me distancier des auteurs, mais plutôt de me concentrer sur l’essence des chansons.»
La dernière fois qu’on l’a vue à Montréal, au moment de la sortie de l’excellent Moon Pix, Chan avait déjà commencé à pencher vers l’interprétation. Sur scène, elle s’amusait avec quelques titres de Dylan ou de Moby Grape que l’on retrouve aujourd’hui sur The Covers Record. La dame a aussi profité de l’occasion pour s’attaquer à quelques classiques (Sea of Love, Wild is the Wind), et à des morceaux plus obscurs, piqués dans le répertoire de Michael Hurley ou de Smog. Malgré la diversité des sources d’inspiration, l’instrumentation minimale (Chan s’accompagne elle-même au piano et à la guitare) fait qu’on peut passer sans heurts d’I Found a Reason, du Velvet Underground, à Wild is the Wind, dépouillée et émouvante au possible, même si les susurrements de Chan sont loin de la voix caressante de Nina Simone. Le résultat est tellement convaincant qu’on croirait entendre un album de nouvelles pièces de Catpower. «Tu sais, je n’achète pratiquement jamais de disques. Satisfaction, Salty Dog et Sea of Love sont des chansons que je connais depuis l’enfance; et toutes les autres m’ont été offertes par des amis qui croyaient qu’elles me plairaient.» À en juger par ce disque, on peut dire qu’ils ne se sont pas trompés.

Le 3 avril
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