Live à Montréal : Urbain Desbois
Musique

Live à Montréal : Urbain Desbois

Urbain Desbois
Le 31 mars au Cabaret
Urbain Desbois

avait apporté la campagne avec lui lors de son premier concert au Cabaret. Durant sa performance (je ne l’ai remarqué qu’à mi-chemin), un petit bruit de criquets lui servait de toile de fond, et, ainsi accompagné, il a pu présenter ses petites chansons comme si nous étions assis au coin du feu. «Des chansons de camping; elles ne prennent pas beaucoup de place», dira-t-il. Ce spectacle aura confirmé un fait indéniable: les chansons d’Urbain tiennent en effet à peu de choses. Un bon mot, un bout de phrase, une image suffisent à leur donner vie. «J’aime mieux mourir de jour que mourir d’ennui», laisse tomber l’homme sur quelques accords de guitare. Voilà, tout est dit. Le reste, ce serait du glaçage, et Urbain est le Montignac de la chanson. L’absence de calories vides ne signifie pas que le show manque de contenu, au contraire. Puisque les chansons sont courtes, Urbain prend le temps de les présenter, de dialoguer avec l’auditoire où se trouvent des amis, réels ou imaginés. «Toutes ces chansons sont vraies», s’est-il plu à nous rappeler. Elles sont en effet vraies, parce qu’il a tout observé autour de lui, glanant les moindres gestes et expressions de son entourage à la recherche d’un bon filon. Tout semble venir spontanément à cet homme: les anecdotes, les gags, les calembours, rien ne donne l’impression d’avoir été répété.
Drôle, Urbain Desbois le fut souvent. Juste, également: car s’il n’a rien d’une grande voix, il n’en possède pas moins un grand sens musical, que partagent ses trois musiciens, qui font beaucoup avec peu (ne jamais sous-estimer le pouvoir d’une scie musicale). Mais Urbain peut aussi être émouvant, comme sur Si tu dors, écrite pour sa fille, ou sur La Pologne, réclamée à grands cris par plusieurs membres de l’audtitoire. Je persiste à croire qu’il s’agit là d’une des rares chansons tristes de son répertoire («C’est la Pologne dans ma tête, c’est l’Érythrée dans mon lit…»). Pour ce qui est des Pépins,que j’avais hâtivement rangée dans la catégorie «sérieuse», elle est en fait adressée à une amie ayant raté son cours de conduite (mais, bon, la route peut servir de métaphore à n’importe quoi…). Malgré une certaine gêne, bien compréhensible en ce soir de première, Urbain a triomphé. On est sorti du Cabaret le sourire aux lèvres, et avec l’impression d’avoir passé la soirée en compagnie d’un vieil ami. (Nicolas Tittley)

Punk-O-Rama
Le 1er avril au Métropolis
Il était absolument impossible de dénicher un seul billet pour le spectacle de Millencolin, samedi soir dernier. Dire que la venue du groupe était attendue constitue un euphémisme. Après une (trop) longue absence, c’est aux alentours de 22 h 30 que la formation suédoise s’est emparée des planches du Métropolis, déclenchant du même coup une véritable frénésie dans la foule. On a alors été en mesure d’apprécier le vrai sens de l’expression «chaleur humaine-». L’atmosphère suffocante n’a pas semblé ébranler l’ardeur des fans présents, dont l’enthousiasme m’est apparu tout à fait justifié. Millencolin a démontré son grand savoir-faire en matière de spectacle, y allant d’une prestation solide et très impressionnante, une nette progression depuis sa dernière visite au Spectrum. On se doit de souligner ici la justesse et la précision des harmonies vocales, nettement supérieures à la moyenne. Le groupe a enfilé ses chansons avec énergie et dynamisme, et le seul reproche qu’on puisse lui faire est d’avoir joué de prudence en optant pour un trop grand nombre de vieux succès, au détriment du nouveau matériel de Pennybridge Pioneers.
On peut adresser les mêmes compliments à Ten Foot Pole, l’autre groupe-vedette de la soirée, qui a lui aussi excellé. Le chanteur-guitariste Dennis Jaggard assume maintenant pleinement son rôle de -frontman- et a littéralement volé la vedette à ses collègues en multipliant sauts et poses spectaculaires. À ce sujet, les deux nouveaux membres de la formation ont livré la marchandise, sans toutefois s’appocher du niveau d’intensité de leurs prédécesseurs. Quant aux deux groupes en première partie, Vision et Osker, ce fut correct, mais rien de bien transcendant… (Charles Comeau)

Cat Power/Molasses
Le 3 avril au Cabaret
Lundi soir, au Cabaret, l’ambiance n’était pas à la fête. Il faut dire qu’avec un doublé pareil, fallait s’attendre à une soirée de spleen musical extrême. C’est un Molasses légèrement amputé qui est d’abord monté sur scène (deux de ses membres étant en Europe avec Godspeed You Black Emperor!), et le chanteur Scott Chernoff a joué à fond la carte du lonesome cowboy urbain. Avec des projections de diapos comme seul éclairage, il a égrené ses complaintes traînantes sur un lit de guitares. C’était tellement lent qu’à un moment donné, un spectateur leur a crié d’accélérer le tempo. J’aime bien Molasses et leur country-folk sur les valiums, mais leurs pièces sont souvent trop longues et, sur la durée, elles manquent parfois de souffle dramatique. Mais bon, il était agréable de les voir dans une salle à la sono décente. Chan Marshall, madame Cat Power, s’est pointée seule, quelque temps après. Une fille derrière ses cheveux (on n’a jamais vu son visage), une guitare, un piano. C’est tout. À côté de ce dépouillement absolu, la performance minimaliste de Molasses était digne de Vegas. Et pourtant, ce petit bout de femme à la drôle de voix a réussi à tenir en haleine son public, attentif à l’extrême. Je ne vous dirai pas que je me suis amusé: en fait, on en était au degré zéro de l’excitation. Comment cette jeune femme frêle a pu garder le public captif dans son univers glauque demeurera un mystère… (Nicolas Tittley) ____