David Thomas : Sur la route
Musique

David Thomas : Sur la route

Depuis près d’un quart de siècle, David Lynn Thomas fait partie du club sélect des grands iconoclastes américains: un artiste toujours pertinent, déroutant et hors norme, à ranger aux côtés de Zappa et des Residents. D’abord avec les incroyables Pere Ubu, puis en solo, ou avec diverses formations (The Foreigners, The Pale Boys et autres), Thomas a su tisser au fil des ans une oeuvre inclassable, à mi-chemin entre le rock et l’avant-garde.

Depuis près d’un quart de siècle, David Lynn Thomas fait partie du club sélect des grands iconoclastes américains: un artiste toujours pertinent, déroutant et hors norme, à ranger aux côtés de Zappa et des Residents. D’abord avec les incroyables Pere Ubu, puis en solo, ou avec diverses formations (The Foreigners, The Pale Boys et autres), Thomas a su tisser au fil des ans une oeuvre inclassable, à mi-chemin entre le rock et l’avant-garde.
Cette semaine, le public de Victoriaville aura droit à une grande première: la présentation de son «théâtre musical» Mirror Man, qui n’a jamais été monté sur scène depuis sa création à Londres en 1999. Entouré d’un aréopage de musiciens improvisateurs et de récitants, Thomas s’adonne à une sorte de road-movie sonore, explorant le thème de la route et de l’errance, glissant même, çà et là, quelques chansons de Pere Ubu. «Mon oeuvre est, en quelque sorte, "sérielle" tout est interrelié et relève des mêmes questionnements, explique Thomas, joint à sa résidence de Londres. L’idée de Mirror Man était avec moi depuis longtemps.»
Cette oeuvre de commande a été réalisée à la demande du South Bank Center de Londres, qui avait cru bon d’organiser un festival entièrement consacré au travail de Thomas. «Comment peut-on refuser une telle proposition? demande l’artiste. Surtout qu’on m’offrait de jouer dans l’une des plus belles et des plus grandes salles de Londres (le Queen Elizabeth Hall). Bien sûr, c’est de l’art hautement subventionné; je n’aurais jamais pu entreprendre une oeuvre aussi coûteuse et ambitieuse que Mirror Man sans l’appui du South Bank.»
Le grand paradoxe, c’est que cette oeuvre, qui est en quelque sorte la réflexion d’un Américain déraciné sur l’américanité profonde, n’aurait jamais pu être créée aux USA, pays dont l’État, comme chacun le sait, ne compte pas parmi les plus grands subventionneurs de la culture d’avant-garde. Exilé en Angleterre depuis une dizaine d’années, Thomas regrette-t-il parfois son pays dorigine? «Non, pas du tout. D’autant que les États-Unis ont cessé d’exister dans les années soixante-dix. Phil Donahue et les météorologues de la télé ont tué l’Amérique; ils ont marqué l’avènement de l’ère du spectacle et tous les politiciens, depuis, utilisent leurs méthodes.» De plus, Thomas porte en lui le paysage américain. «Mirror Man est une oeuvre que je qualifierais de "géographique", lance Thomas. Le message est simple: tu es ce que tu vois, tu es ce qui t’entoure, tu es le paysage. Il n’est pas de culture qui ne soit façonnée par la géographie; c’est ce qui fait que je partage une expérience commune avec les gens de Cleveland. Par extension, l’automobile sert à diffuser cette expérience culturelle: c’est un écran de cinéma qui bouge.»
Avec ses histoires de highways, on comprendra que Mirror Man soit très imprégné de culture beat en général, et de l’oeuvre de Kerouac et de Harry Partch en particulier. Comme chez l’auteur d’On the Road, ce qui fait la beauté de la route qu’emprunte Thomas, c’est qu’on ne sait jamais où elle mènera, ni quels embranchements on sera amené à prendre. «En effet, l’objet n’est pas d’arriver à la fin d’une chanson, mais de permettre à l’histoire et aux personnages de réaliser leur plein potentiel; bien qu’elle soit écrite, il s’agit d’une oeuvre largement improvisée.» Avec toutes ces histoires de grands-routes et de traversées de l’Amérique en voiture, une seule question demeure: Thomas est-il un gars de chars? La réponse est univoque: «Of course, je suis américain. Ça te suffit, comme réponse?»

Le 21 mai
Au Colisée des Bois-Francs

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