Live à Montréal : Sergent GarciaBoss HogJoseph ArthurRichie Stevens / Beenie Man
Musique

Live à Montréal : Sergent GarciaBoss HogJoseph ArthurRichie Stevens / Beenie Man

Sergent Garcia
Le 12 mai au Club Soda

Difficile de dire si nous étions vraiment au Club Soda, vendredi soir dernier. On nous aurait déclaré que nous foulions plutôt le plancher du dernier gymnase en vogue que nous l’aurions cru. C’est que, voyez-vous, Sergent Garcia et ses onze collègues avaient décidé de transformer l’endroit en une immense classe d’aérobie latino, où personne, pas même les piètres danseurs de mon genre, n’allait être épargné.
Premier constat: la vague franco-latine (Manu Chao, P18…) ne semble pas avoir atteint la communauté latine montréalaise. Sans avoir enquêté exhaustivement, il est clair que la Salsathèque n’a pas perdu beaucoup de clients au profit du Club Soda, ce soir-là. C’est que même si Sergent Garcia est celui qui emprunte le plus à la tradition caribéenne et sud-américaine parmi ses copains, il régnait une ambiance de fête plus rock’n’roll que traditionnelle. Personne pour danser le paso doble, mais des centaines à sautiller, et même deux pour faire du crowd surfing. Le rock, du moins techniquement, n’avait pourtant pas droit de cité dans mouture cette salsa-muffin. C’était dans l’air, tout simplement.
Ne me demandez pas si les passages de boléro ou de son respectaient la tradition. Ne me demandez pas non plus si les solos de tambores possédaient la puissance bestiale et tribale de ceux proposés au Venezuela. Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Ce que je sais, c’est qu’avec un orchestre métissé où s’entrecroisent joyeusement Français, Latinos et Espagnols, Sergent Garcia ne peut qu’offrir le meilleur de ces trois univers. Les puristes y verront peut-être un produit dilué, mais le profane prendra son pied comme il l’a rarement fait. Allez, on remet ça aux FrancoFolies. (Patrick Marsolais)

Boss Hog
Le 12 mai au Cabaret
En parlant de Boss Hog, on a souvent fait état de l’incroyable sex-appeal de ses deux membres fondateurs, Cristina Martinez et Jon Spencer, mieux connus sous la dénomination pompeuse et assablement ridicule de «-couple-le-plus-sexy-du-rock-». Je reconnais d’emblée ma participation à cette enflure médiatique, mais tiens à affirmer que ce qui pourrait avoir l’air d’une lubie de journaliste a été prouvé, hors de tout doute, lors du récent concert montréalais du groupe.
Au-delà de sa musique (un rock garage diablement efficace, mais relativement banal, lorsqu’on y réfléchit), ce qui distingue Boss Hog de la masse, c’est son énergie sexuelle. Boss Hog, c’est l’essence même du rock’n’roll, dégoulinant de sueur et de stupre. Pas de shoegazing ici: Cristina fixe son public droit dans les yeux, avec l’assurance d’une conquérante. Difficile d’expliquer en mots la nature de cette force surnaturelle. Bien sûr, lorsqu’il s’agite avec son Blues Explosion, Spencer est beaucoup plus convaincant que lorsqu’il gratte la guitare dans le groupe de sa femme. Par respect pour celle-ci, il s’abstient de prendre le plancher comme il le fait lorsqu’il dirige son propre groupe, ce qui est tout en son honneur. Mais au sein de Boss Hog, il nous montre une autre facette de sa personnalité, et le courant qui passe entre lui et la chanteuse possède une intensité qui touche les spectateurs jusqu’au fond de la salle. Toute la soirée, Cristina, vêtue d’un pantalon de vinyle noir orné de flammes, a joué les allumeuses sous le regard approbateur de son compagnon. Tout le monde est tombé sous le charme – hommes, femmes, hétéros, gais, toutes passions confondues – mais personne autant que ce spectateur du balcon, qui a eu droit à une sérénade thrash en tête-à-tête avec la belle. (Nicolas Tittley)

Joseph Arthur
Le 13 mai au Jailhouse
Autant d’attentes que de curiosité animaient la clientèle du Jailhouse samedi dernier, alors que l’énigmatique Joseph Arthur se présentait, seul, après nous avoir fait faux bond deux semaines auparavant. Anticipation, puisque Come to Where I’m From, son plus récent disque, regorge d’une myriade de détails fascinants: poésie sombre sur riffs de guitare acoustique, frailité perceptible dans le double timbre de sa voix (tantôt nasillarde, à la Cobain, tantôt chaude, lors de ses confessions folk), expérimentations sonores déstructurées…
Chose certaine, Arthur est fort à l’aise pour livrer devant le public son mal à l’âme, et sait lui donner une émouvante beauté. Parce que le New-Yorkais a cette capacité de retenue, de timidité; et qu’on est à la merci de sa lenteur, de son rythme à lui, de son attitude décontractée. Lorsqu’il plaque un accord, il le laisse en suspens, lui donne l’importance d’un riff parfait. Tout cela est assumé avec beaucoup d’assurance, sans arrogance, et c’est ce qui a rendu sa courte prestation d’une heure si intrigante. Joseph Arthur a versé dans le trip-hop sombre; puis il a enchaîné avec In the Sun, première plage du dernier compact. Il s’est échantillonné lui-même (ses boucles étaient parfaitement dosées, allant de superpositions de guitare psychédéliques à des beats africains tout à fait «gabriéliens»). Il a même fait son Neil Young, soufflant à l’occasion dans son harmonica. «New-age-coffee-house-techno», s’est risqué mon voisin de gauche, tandis qu’à ma droite, on trouvait qu’il ressemblait drôlement à Richard Ashcroft, de The Verve. C’est juste. À Lennon aussi. Courte prestation, mais au bout du compte, juste assez longue pour apprécier le talent de l’homme, qui remettra ça le 29 mai, toujours à l’exigu Jailhouse. (Claude Côté)

Richie Stevens / Beenie Man
Le 14 mai au Rainbow
On nous promettait un spectacle qui finirait tôt et on l’a eu: dix minutes après l’arrivée de Beenie Man sur scène, le plancher du Medley s’est transformé en arène géante de la W.W.F… Trois bagarres ont éclaté comme autant de traînées de poudre, laissant la foule confuse et déçue, alors qu’on rallumait les lumières et qu’on demandait aux gens de quitter les lieux. On aura eu le temps d’apprécier une courte mais convaincante prestation de Richie Stevens, qui a rendu hommage à son idole Dennis Brown en interprétant Here I Come (Lov and Hate) et Should I, nous a balancé quelques gros tubes récents comme Jah By My Side/Ghetto People Song, et a terminé son segment avec une danse ska endiablée, accompagné du Blaze Band, formation compacte mais ultra-efficace de quatre musiciens. Avant lui, Silver Cat avait déployé un talent évident, mais sa prestation fut malheureusement teintée de propos homophobes… d’autant plus désolant que la clientèle jamaïcaine en redemandait. Puis, en lever de rideau du segment «international», Little Kirk, qui ne mérite plus ±±- mais alors vraiment plus – son surnom, a interprété des succès de Beres Hammond, Sanchez et autres Thriller U. La formation locale Choices, dont les membres sont originaires des îles Seychelles, a fait du travail correct en accompagnant D. Cousins et Singing P, puis a proposé un segment de versions de chansons populaires de son cru. Qu’adviendra-t-il de la présentation de concerts dancehall à Montréal? Parions que les salles de spectacle majeures prendront l’été pour y réfléchir… (Richard Lafrance)