LIVE À MTL : Le parcours du combattantPartie de plaisirLa nuit du hip-hop
Musique

LIVE À MTL : Le parcours du combattantPartie de plaisirLa nuit du hip-hop

Le parcours du combattant

Lors de la deuxième moitié des Francos, on s’est vraiment fait aller les baskets, quittant les salles pour se précipiter dehors, puis refaisant inlassablement le chemin inverse, tant le dernier week-end fut chargé. L’étonnant Le Tone, aperçu à l’extérieur, puis au Spectrum et au Métropolis, n’a pas eu le public qu’il méritait. Dommage, parce que la version scénique de son excellent et amusant disque Le Petit Nabab était surprenante: un contrebassiste fou, un scratcheur aux interventions pertinentes et un guitariste allergique à l’esbroufe, tout était réuni pour passer un bon moment. On espère le revoir.

La soirée du rock latin au Métropolis a débuté avec Fermin Muguruza, qui a mis quelques minutes à s’imposer avec son dub à saveur latine. Plus efficace lorsqu’il se lançait dans le ska énergique, l’ex-leader des Negu Gorriak a fini par gagner un public qui ne le connaissait ni d’Ève ni d’Adam. On a déserté Overbass (désolé) pour retourner dehors, histoire de se gaver des rimes étourdissantes de Saïan Supa Crew, l’un des rares groupes de rap français du moment à comprendre la notion de spectacle. Pas de prêchi-prêcha, ni d’interminables litanies sur la vie dans le ghetto ou ce qui constitue le «vrai» hip-hop. Saïan est là pour faire danser et y parvient grâce à un irrésistible flow teinté de ragga et d’impressionnantes démonstrations de human beat-box. Jamais les six membres du Crew ne se sont marché sur les pieds: on a pu le confirmer le lendemain au Spectrum, ces gars-là sont tricotés plus serré que les mailles d’une veste pare-balles. Retour au Métropolis pour revoir Sergent Garcia, qui avait donné les meilleurs concerts de la grande scène la veille. Le bon Sergent a rempli à merveille le rôle que devait jouer (sans succès) P18 lors du FIJM: faire danser et sourire, et foutre le feu avec un groupe aussi virtuose qu’explosif. On se permettra de citer notre ami programmateur Laurent Saulnier, qu’on a entendu répéter inlassablement: «Ce soir, ‘est le meilleur groupe du monde.»

En toute fin de parcours, le zapping de scène en scène se fait de plus en plus intense. On quitte à regret les Vulgaires Machins, dont le pop-punk, à défaut d’être vraiment original, fait mouche à tout coup. Une mention spéciale pour l’intervention des cuivres, et pour avoir drainé un public jeune et nombreux, qui a dû rester au Parc des Festivals jusqu’à la fin des Marmottes Aplaties, qui suivirent un peu plus tard. Si on est partis, c’était pour attraper les derniers moments du triomphe de Nicola Ciccone dans un Spectrum bondé. Très loquace et visiblement ému, le chanteur montréalais a visiblement tissé des liens que l’on devine durables avec un public déjà fidèle, qui connaît toutes ses chansons par coeur. Idem pour Jorane, capable de transformer une salle entière en petits chanteurs du Mont-Royal. Si elle conserve certains de ses tics (comme cette tendance naturelle à régresser vers l’enfance dès qu’elle prend la parole), la chanteuse-violoncelliste a gagné une assurance indéniable sur scène et le Gesù semblait presque trop petit pour contenir toute son énergie.
On n’épiloguera pas sur la soirée techno (notre ami Étienne Côté-Paluck s’en charge), sinon pour dire qu’elle ne comptera pas parmi les moments forts des Francos. Mais rien n’arrive à la cheville de la déception causée par le show de Czerkinsky, qu’on a pourtant tellement aimé sur disque. Avec sa batterie sur bande et sa «chemise à trois francs cinquante» (dixit une amie française), le chanteur s’est royalement planté sur la grosse scène, qui lui allait aussi bien qu’un gant à un manchot. Peut-être aurait-il mieux performé au Gesù, mais on en doute. Terminons plutôt par un coup de coeur: Loco Locass, dont on apprenait cette semaine qu’il venait de signer avec Audiogram, nous a littéralement soufflés. Radicalement politisé, musicalement supérieur à tout ce qui se fait dans le hip-hop local, le groupe est enfin parvenu à maturité. Conscients des limites de temps qui leur étaient imposées, b>Biz, Batlam et Chafiik ont mitraillé la foule sans relâche et sans discours superflus. Lorsque ces gars-là auront une cinquantaine de shows de plus derrière la cravate, ils seront redoutables. Au final, bien peu de fausses notes sont venues gâcher ces Francos 2000 (pour s’en assurer, on a sciemment fui la Place-des-Arts); même pas la pluie. Si seulement l’événement pouvait revenir en juin, on serait aux anges… (Nicolas Tittley)

Partie de plaisir
Encore une fois cette année, les Francos nous auront offert beaucoup de plaisir. Quand on peut se taper au moins deux concerts intéressants par soir, c’est que l’événement vaut le coup. Vous comprendrez donc qu’on ait volontairement omis les Axelle Red et autres Lavilliers, ce qui ne nous a en rien empêchés de nous sustenter.

À part, peut-être, la soirée du Grand spectacle Ford de Pagliaro. Si vous considérez qu’un show vu au moins cinq fois, et dont la plus récente chanson affiche douze ans de rides, est un «Grand» spectacle, tant mieux pour vous. Le problème de Pag, c’est qu’il a le défaut de ses qualités. Et à trop vouloir en faire à sa tête (il s’en est tenu au pacing, et a refusé le moindre rappel, alors qu’il lui restait au minimum quinze minutes), il a raté une belle occasion de faire une fête aux spectateurs, et non juste aux critiques… Un show correct, mais pas un Grand spectacle.

Pour un grand show, il fallait plutôt être au Spectrum, le lendemain, avec Faudel. Je ne connais pas grand-chose à la musique nord-africaine, mais parfois – pas tout le temps – l’humidité, le vino, la foule exaltée, et cette répétition rythmique propre à créer la transe intense, suffisent. Bonne bouille, bonne voix, charismatique à l’os, ce n’est pas la dernière fois que l’on voyait l’artiste de vingt-deux ans ici. En sortant du Spectrum, on a pu capter vingt minutes de Kohann. Assez pour s’apercevoir que la scène les a rendus plus méchants que ce que leur trip-hop de studio laissait présager. Beauoup plus de guitares, sur lesquelles se pose la voix toujours aussi aérienne de Michelle Gaurin. Le paradoxe n’en est que plus saisissant. Belle découverte.

Le lendemain, M a proposé le triomphe de l’inventivité; ou comment faire un bon spectacle avec peu de moyens. Mettant à profit ses talents de comédien et celui de ses collègues, Mathieu Chédid a proposé quelque chose de différent, où la musique ne trônait pas seule, mais plutôt épaulée par la comédie, le kitsch, et une interaction assez rare avec le public. À ceux qui l’avaient peut-être oublié, et qui ne voyaient en lui qu’un ourson maladroit, M est venu rappeler qu’il fut jadis guitariste de Sinclair. De la grande dextérité.
Un mot, en terminant, sur les jeunes loups québécois pour qui c’était bien souvent un premier gros concert. Je n’ai vu Richard Petit – et son All Star Band – qu’une petite demi-heure. Les chansons sont là, la volonté aussi, il ne lui reste plus qu’à acquérir un peu plus de confiance pour chasser la nervosité qui lui fait commettre quelques maladresses, notamment vocales. Aucune inquiétude là-dessus. Par contre, je suis plus inquiet pour Projet Orange. Pour une deuxième année, leur show extérieur est tombé à plat. Même Mystère Aérosol n’a pas soulevé grand enthousiasme. Jean-Christophe Boies a une belle gueule, il chante bien; mais il devra apprendre à transcender la musique. Pour l’instant sa présence scénique est moche, ce qui, considérant ses atouts, est impardonnable. Jeudi dernier, il s’est fait bouffer tout rond par Vicky Martel, venue le seconder pour le refrain de La Pomme, ce qui, on le souhaite au groupe, devrait donner une bonne leçon. Allez, au boulot! Une bonne note, en terminant, à Coléoptère dont c’était le deuxième spectacle seulement. Les deux singles ont été livrés avec un bel aplomb, mais voilà encore là un groupe dont le leader devra afficher plus de personnalité. Dans le contexte artistique d’aujourd’hui, c’est malheureusement essentiel… (Patrick Marsolais)

La nuit du hip-hop
Au Métropolis, le 3 août
Que ce soit au parterre ou au balcon, on avait peine à bouger, ce soir-là! Plusieurs centaines de militants se sont rassemblés au Métropolis dans le cadre de la Nuit du hip-hop, soirée thématique mettant en scène plusieurs formations-vedettes. Le spectacle a bien débuté avec la Française Bams, et s’est poursuivi avec Yvon Krevé, représentant québécois qui, pour la première fois à Montréal, nous servit son spectacle en entier, accompagné de Fang et de 01 Étranjj. La foule ne semblait toutefois avoir d’yeux que pour Busta Flex. Avec lui, la soirée prit un autre tournant. Pour un type qui a failli se soustraire au programme pour cause de malaise, Busta Flex a très bien su défendre son titre… enfin, beaucoup mieux que lors de sa prestation du 2 août, sur la scène extérieure au Parc des Festivals. Puis arriva 113, formation pour laquelle tous décidèrent de «faire un maximum de bruit», en particulier les membres de la communauté algérienne, qui récitaient en choeur les moindres paroles du groupe en brandissant fièrement leur drapeau national. N’empêche que, pour un groupe aussi populaire dans le milieu rap, 113 aurait quand même pu faire l’effort d’ajouter, visuellement parlant, un peu de couleur à sa présentation. Avec une petite mise en scène, et surtout, en interprétant leur rap de façon moins monocorde, question de garder alertes ceux qui s’y connaissent un peu moins. (Rose-Laure Météllus)