¡Cubanismo! : Moitié mambo, moitié gumbo
Musique

¡Cubanismo! : Moitié mambo, moitié gumbo

Avec l’album Mardi Gras Mambo, le groupe ¡Cubanismo! a accouché d’un projet musical aussi ambitieux qu’inédit: moitié cubain, moitié louisianais. "C’est un mélange tout à fait délibéré, explique le trompettiste et arrangeur Jesus Alémany. Même que la plupart des chansons sont chantées en anglais, ce qui nous permet de toucher encore de plus près le monde anglo-saxon."

"Dans chaque pièce de l’album, on entend distinctement le mélange des racines musicales des deux pays", m’affirme Jesus Alémany depuis New York, où son band, ¡Cubanismo!, se tape une petite journée de repos entre deux concerts. Je reconnais la voix légèrement éraillée; mais aussi la fougue du puissant trompettiste qui vient de réaliser, avec l’album Mardi Gras Mambo, un projet musical aussi ambitieux qu’inédit: moitié cubain, moitié louisianais. "C’est un mélange tout à fait délibéré, poursuit-il. Même que la plupart des chansons sont chantées en anglais, ce qui nous permet de toucher encore de plus près le monde anglo-saxon."

Tout ça à cause d’un concert au Jazz & Heritage Fair à La Nouvelle Orléans en 97. À cette époque ¡Cubanismo! achevait sa première grande tournée mondiale et rassemblait quelque cent vingt mille spectateurs pour quelque chose qui s’apparente à ce que le Festival de Jazz de Montréal appelle "le grand événement". À la suite de l’escale mémorable en Louisiane, l’étiquette Hannibal propose au groupe un projet de métissage. "C’était une idée formidable de Joe Boyd, le réalisateur, explique Alémany avec un enthousiasme éloquent. Le groupe Yockamo All Stars venait d’enregistrer un premier album sous la même étiquette. Trois des musiciens américains sont venus à La Havane en décembre 98; on s’est assis et on a discuté de ce qu’on allait faire. On a choisi les chansons et partagé le travail entre quatre arrangeurs. C’est comme ça que tout a commencé."

Résultat: une superbe photo de famille regroupant une vingtaine de musiciens, prise aux abords du studio The Boiler Room à la Thanksgiving, l’année dernière. Et un disque rutilant de cuivres qui mélange allègrement les percussions, les épices et les accents et antillais et cajuns. "Nous avons essayé de créer un son, commente Jesus. Ils voulaient autant apprendre de notre musique que nous de la leur. Moi, je connaissais de vieilles chansons louisianaises comme Mother in Law ou Mardi Gras Mambo, et même si j’en ai signé les arrangements, toutes les idées ne sont pas de moi. Tout s’est fait sur une base d’échanges continuels."

Et pour nouvelle qu’elle puisse paraître, cette rencontre n’a pourtant rien d’accidentel. Fuyant l’insurrection des esclaves en Haïti, des musiciens créoles et leurs maîtres français avaient alors trouvé refuge en Louisiane en transitant forcément par Cuba. Ce sont eux les ancêtres de Ferdinand de la Menthe, alias Jelly Roll Morton, le premier pianiste de jazz avec son Creole Love Call. Au début du vingtième siècle, le brassage était si important que des bateaux faisaient l’aller-retour entre La Havane et La Nouvelle-Orléans presque quotidiennement. Berceaux du blues et du jazz, de la contredanse danzon et de la rumba, la Louisiane et Cuba ont donc mélangé l’héritage purement africain aux cultures françaises, espagnoles et anglo-saxonnes bien avant l’enregistrement de ce disque. "Ça reste de la musique populaire avant tout, tonne le maestro avec une fierté non déguisée. Ce que vous allez entendre vendredi, c’est une musique qui bouge beaucoup et je vous garantis que vous allez danser!"

¡Cubanismo! brasse tout ça sur scène avec une chanteuse américaine rompue au répertoire blues et jazz et un formidable duel entre deux voix mâles: John Boutté, natif du Bayou, et Rolo Martinez, autre légende cubaine de cinquante-cinq ans, qu’Alémany, qui vit aujourd’hui à Londres, a revu par hasard sur son chemin, un soir, à La Havane.

Le 29 septembre
Au Métropolis
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