L'Enfant des glaces : Parlez-vous pular?
Musique

L’Enfant des glaces : Parlez-vous pular?

PAULINE VAILLANCOURT présente la création d’un électr-opéra audacieux: L’Enfant des glaces. Un spectacle qui met à l’honneur les rapports entre l’art et les nouvelles technologies.

Le Musée d’art contemporain (MAC) de Montréal lui ayant donné carte blanche pour la création d’un opéra électroacoustique, Pauline Vaillancourt présente L’Enfant des glaces, jusqu’ au 23 septembre, à la salle Beverley Webster Rolph, lieu parfaitement adapté au multimédia. Conçu et mis en scène par la cantatrice, cet électr-opéra de Zack Settel intègre des interventions en temps réel, les voix parlées et chantées étant soumises à des manipulations.

Le livret se limite à deux brefs textes traduits en six langues, dont le pular. Vous connaissez? Jamais pendant le spectacle on n’entendra énoncé clairement le poème de l’écrivain espagnol du dix-septième siècle Quevedo ou la prose extraite d’Aurélia de Gérard de Nerval. Comme dans bien des opéras contemporains, les mots servent avant tout de matériau que le compositeur prend plaisir à modifier et à fragmenter. À la rigueur, on aurait pu leur substituer n’importe quel texte (coupure de journal de la rubrique de votre choix ou liste d’ingrédients de votre recette favorite) sans que cela soit manifeste!
(Sans vouloir lancer de débat sur la possibilité ou l’impossibilité de créer, à l’amorce du nouveau millénaire, de nouveaux opéras, voire de nouvelles mélodies, parfaitement intelligibles, c’est-à-dire accessibles au commun des mortels, où est l’intérêt de lancer des élucubrations qui n’ont pour conséquence que d’aliéner une bonne partie du public? Le soir où j’ai assisté au spectacle, à peine le quart des sièges étaient occupés…)

Sans le programme, il était impossible de se faire quelque idée que ce soit du livret. Et même après en avoir pris connaissance, il était difficile d’associer les textes à ce qui se déroulait sous nos yeux. Car, il faut bien l’avouer, le spectacle est avant tout visuel. Du début, où l’on nous présente le corps recroquevillé de l’enfant sacrifié dans son bloc de glace, à la fin, où passe un spectre holographique à l’arrière-scène, en n’oubliant pas le rideau d’eau traversé de projections vidéo (d’Yves Labelle), le regard est fasciné par ce décor, mis en valeur par de très beaux éclairages (de François Roupinian).

Baignés durant un peu plus d’une heure dans une ambiance sonore mêlant accords planants, syncopes acoustiques, bruits d’horloge, sonde de sous-marin, les spectateurs se transforment donc en voyeurs pour assister aux jeux érotico-sado-maso d’une espèce de geisha momifiée – qui s’est littéralement extirpée du corps de l’enfant – avec l’opérateur d’un siège – machine à roues dentées pivotant autour d’un axe. Les costumes couleur chair et en cuir noir nous renvoient aussi à des étreintes dont on ne sait pas si elles s’inspirent d’un désir amoureux ou guerrier… On ressent donc un certain malaise à s’immiscer dans la vie privée de ces deux êtres que rien ne semble réunir.

Quelques beaux flashs sont à retenir cependant; comme ce plan fixe où l’homme semble se tenir dans le vide, et cet autre où la femme-enfant nous fait un clin d’oeil avec une de ses couettes. Il y a tout de même aussi quelques échappées plus lyriques, presque tendres au moment où la femme couvre le corps de l’homme blessé, mais elles nous laissent plutôt froids.

"Et le chant dans tout ça?" me direz-vous. Eh bien, les passages purement vocaux sont finalement assez rares. On ne peut, bien sûr, une fois de plus qu’admirer la virtuosité de Pauline Vaillancourt (ceux qui l’ont vue et entendue lors de la Symphonie du millénaire savent de quoi il retourne) tout comme on ne peut que s’incliner devant le travail de Jean Maheux qui s’active sur son siège-machine pendant une bonne partie du spectacle.
Le MAC a atteint son objectif tel qu’il est formulé dans le programme: "participer activement à la vie culturelle en favorisant l’échange entre les créateurs de différentes disciplines". On peut toutefois s’interroger sur la valeur de l’oeuvre musicale sans son support visuel. Si la compagnie Chants Libres tient à endisquer L’Enfant des glaces, comme elle l’a fait pour la plupart de ses créations antérieures, il vaudrait mieux que ce soit sur DVD plutôt que sur un simple CD…

Festival Orgue et Couleurs
Dans Hochelaga-Maisonneuve, du 29 septembre au 7 octobre se tient la deuxième édition du Festival Orgue et couleurs. Parmi la quarantaine d’activités proposées, mentionnons, à l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, Mysteria Apocalypsis avec l’Ensemble Organum dans un programme partagé avec La Nef le 30 septembre; une soirée Liszt (transcription de poèmes symphoniques avec le pianiste Laurent Cabasso et l’organiste Olivier Vernet en duo, et de la sonate en si mineur avec l’organiste Rachel Laurin) le 1er octobre; le Requiem de Verdi avec l’Orchestre Métropolitain, son choeur et quatre solistes, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin le 2 octobre; les Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans une version transposée et jouée par l’organiste français Vincent Genvrin, et ce, avec la participation de jeunes "graffiteurs", le 5 octobre, avec le Quatuor Molinari en première partie dans Ginastera et Murray Schafer; au Château Dufresne, les Concerts Apéro à 17 h 30, notamment Telemann avec Les Boréades de Montréal le 29 septembre et Borodine, Bax et Bartók avec le Quatuor Claudel le 6 octobre; au Collège de Maisonneuve, des Midis à la carte, dont le Piano créateur avec Roman Zavada; et au Jardin botanique, des Après-midi en famille, avec entre autres Nathalie Picard pour des Musiques amérindiennes le 7 octobre à 14 h. Pour plus de détails, les branchés peuvent visiter le site www.tourismemaisonneuve.qc.ca

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