Zachary Richard : L'éveil
Musique

Zachary Richard : L’éveil

On connaît bien l’engagement politique et social de Zachary Richard, le Cajun le plus connu du public québécois. À l’occasion de son passage à Montréal, l’auteur-compositeur nous a parlé en détail de sa chanson la plus engagée, Réveille, pierre angulaire d’une oeuvre qui couvre plus d’un quart de siècle.

Son petit dernier s’intitule Coeur fidèle. De fait, quelques histoires d’amour cohabitent à travers ses douze plages, pas toujours très roses d’ailleurs. Dans le cas de Zachary Richard toutefois, la fidélité du coeur penche sans doute plus du côté du combat. Une bataille pour la dignité humaine; pour la mémoire de ceux qui l’ont précédé, pour le futur de ceux qui le suivront. Faut-il se surprendre qu’il reprenne, plus de vingt-cinq ans après sa création, Réveille, la chanson phare d’un corpus déjà très consistant merci.

Lors de leur dernière tournée, les gars d’Okoumé envoyaient toujours Réveille en rappel. Le moment était solennel. Une charge d’émotion et de réflexion, après un show autrement rock’n’roll. On ose à peine imaginer ce que ce fut, lorsque son auteur réussit finalement à la chanter, lors du Congrès mondial acadien, à Moncton, en 1994, lui qui ne l’avait pas interprétée depuis quinze ans. "Ce n’est pas que je ne voulais pas la chanter, c’est que je n’y parvenais pas, explique le Louisianais. Je la trouvais trop bouleversante, je n’arrivais jamais à la finir. Je savais toutefois que j’aurais à la faire pour le Congrès Mondial. J’ai donc réessayé, quelques temps avant, à Caraquet devant un millier de jeunes qui, à ma surprise, la connaissaient et l’ont chanté. C’est peut-être la chanson la plus importante que j’aie jamais composée. Chose certaine, c’est la seule chanson dans la tradition acadienne qui, depuis deux cent cinquante ans ou presque, parle directement de la déportation. Certains auteurs avaient utilisé des figures de style, mais jamais n’avait-on traité aussi clairement de la déportation."

À l’heure où l’engagement politique fait figure d’anachronisme chez les chanteurs québécois, Zachary Richard semble au contraire renforcer ses convictions un peu plus chaque jour. Mais bien que Réveille possède parfois quelques accents revanchards, on ne sent pas aujourd’hui chez son auteur quelconque sentiment de haine envers l’ennemi. La bataille de Zach ne vise pas les Anglos, elle appuie simplement les Francos, et ce, en toute cohérence avec la dualité qui habite l’artiste: "Je suis citoyen d’un pays dans lequel je paye des taxes, alors ça m’oblige à avoir des points de vue politique. Ça me satisfait beaucoup d’imaginer que les idées que je propose, peuvent éventuellement avoir une influence positive sur la façon dont pensent les gens. Surtout lorsqu’elles concernent certains sujets que j’estime important, y compris la survie de la langue française en Louisiane. Cela étant dit, je ne veux pas être ni droitier, ni gaucher, mais ambidextre. C’est ce qui fait la richesse de ma vie. Mais il se trouve que mon rapport avec la culture française a une dimension émotionnelle qui est irrésistible pour moi."

L’intérêt de Réveille réside également dans le style littéraire choisi. Le français y est naïf, maladroit et presque primaire. Le cri d’un jeune francophone beaucoup plus à l’aise à causer, écrire et vivre en anglais: "Cette chanson possède une histoire très curieuse, qui est directement reliée à la raison pour laquelle je parle aujourd’hui français. Je revenais de France, c’était en 1973, et j’avais en tête les mélodies bretonnes de Malicorne et d’Alan Stivell. Je conduisais ma voiture et j’ai carrément été possédé par cette chanson qui naissait en moi. J’ai dû sortir de la route pour l’écrire parce que je m’étais effondré en larmes. Normalement, une chanson me prend des mois ou des années à créer, mais cette fois-là, en arrivant à la maison, Réveille était terminée. Je ne suis pas du genre à affirmer que c’est la main du Bon Dieu qui l’a écrite, mais je constate simplement qu’il y a quelque chose dans cette expérience qui fut extrêmement fort. Fort, au point de m’entraîner vers cette espèce de dévouement un peu blindé envers la francophonie. Y a des jours où même moi je ne comprends pas très bien tous ces choix là…"

Si le principal intéressé n’y comprend nada, aussi bien ne pas trop chercher à décortiquer nous non plus. Plutôt apprécier cette oeuvre qui, partie d’une dynamique militante, s’abreuve aujourd’hui du quotidien, transcende la Louisiane et l’Acadie, s’exprime en anglais et en français. Pas surprenant que notre Louisianais favori soit flanqué du guitariste parisien Éric Sauviat et de l’anglo-montréalais Rick Haworth pour bonifier sa musique. "Je travaille sur ce spectacle depuis novembre dernier, explique Zachary. Le puzzle, c’était de pouvoir intégrer l’ampleur de l’atmosphère à une certaine variété. Être capable de passer de l’intime aux moments plus enthousiastes et en faire un tout cohérent." Pareille équation ne peut tout simplement pas mentir.

Le 7, 8 et 9 mars
Au Spectrum

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