BloguesNormand Baillargeon

Je me souviens de Lennon

Le 8 décembre, dans quelques jours, il y aura 32 ans que John Lennon a été bêtement assassiné par un cinglé.

Ce soir-là, le 8 décembre 1980, je m’en souviens comme si c’était hier, la téléphone n’a pas dérougi dans l’appartement d’étudiant que j’occupais.

— «Normand: Lennon est mort. Il a été abattu par un fan.»

— «C’est une blague?»

— «Non, non. Ouvre ta télé, tu vas voir».

J’ai ouvert la télé et  j’ai vu. C’était donc vrai: Lennon était mort.

Bien des gens de ma génération sont comme moi et se souviennent très bien de ce soir-là.

J’ai été marcher dans Montréal en repensant à Lennon, à toutes ces heures de bonheur à écouter sa musique, avec ses trois compères ou en solo. Je lui devais (et aux trois autres) d’avoir appris à gratouiller, puis à pianoter, ce que je fais d’ailleurs encore. J’avais appris l’anglais avec eux et découvert Lewis Carroll, la pataphysique et des tas d’autres choses.

En 1980, Lennon était reclus depuis quelques années  déjà et on se demandait quand il reviendrait. Il venait de le faire, avec un album dont il me semblait —  et dont il me semble encore —  qu’il est loin d’être ce qu’il aura fait de mieux. Qu’importe: en décembre 1980, on se pourléchait  à l’idée d’une tournée pour 1981.

Il n’y en aurait pas, il n’y en aurait jamais plus.

Le Lennon de la carrière solo, post-Beatles, donc, que tout le monde ou presque connaît, est celui d’Imagine, de Give Peace a Chance, du militantisme, du Flower Power et du féminisme de ces années-là — 1969-1975, en gros.

L’album que je préfère pour ma part est un peu moins connu et hors de ces sentiers. Il est paru en 1970 et s’intitule Plastic Ono Band et je pense que c’est une grande oeuvre. En espérant que mes collègues du culturel ne m’en voudront pas d’empiéter sur leurs plates-bandes, voici ce qu’on y trouve qui me semble remarquable.

L‘album comporte 11 pièces, déclinées comme ceci:

  1. Mother
  2. Hold On
  3. I Found Out
  4. Working Class Hero
  5. Isolation
  6. Remember
  7. Love
  8. Well Well Well
  9. Look At Me
  10. God
  11. My Mummy’s Dead
Lennon, à cette époque, a entrepris une thérapie du genre new age appelée Cri Primal mise au point par Arthur Janov et selon laquelle, en gros,  des traumatismes et douleurs remontant à l’enfance sont en quelque sorte exorcisés par des cris . Je m’abstiendrai de tout commentaire sur la valeur de cette thérapie. Mais il est indéniable que cette expérience a fortement marqué l’écriture de l’album.
Le traumatisme majeur de Lennon est d’avoir été abandonné par sa mère qui est morte tragiquement au moment où elle et lui renouaient des liens. Et  après que des cloches (de sa naissance et de la mort de sa mère, sans doute…) se font entendre, l’album s’ouvre sur Mother, un cri, un hurlement de douleur:
Mother, you had me, but I never had you
I wanted you, you didn’t want me
et il se termine sur une courte chanson où Lennon, ayant retrouvé sa voix, chante, frèle, fragile, accompagné de sa seule guitare, ce qu’il a appris:
My mummy’s dead
I can’t get it through my head
Though it’s been so many years
My mummy’s dead
I can’t explain
So much pain
I could never show it
My mummy’s dead
(My Mummy’s Dead)
Entre ces deux chansons, un parcours qui est celui des expériences d’une vie, depuis le militantisme (Working Class Hero), l’amour (Love) jusqu’à l’épreuve parfois douloureuse du souvenir (Remember).
Juste avant My Mummy’s Dead, Lennon nous offre le résultat de sa confrontation avec toutes ces (ses) fausses idoles dans God, la chanson qui contient une de ses lignes les plus superbes: God is a concept/ by which we measure /our pain. Dieu comme étalon de notre souffrance…
Je vous laisse avec les paroles de cette chanson:

God is a concept
By which we measure
Our pain
I’ll say it again
God is a concept
By which we measure
Our pain

I don’t believe in magic
I don’t believe in I-ching
I don’t believe in Bible
I don’t believe in tarot
I don’t believe in Hitler
I don’t believe in Jesus
I don’t believe in Kennedy
I don’t believe in Buddha
I don’t believe in Mantra
I don’t believe in Gita
I don’t believe in Yoga
I don’t believe in kings
I don’t believe in Elvis
I don’t believe in Zimmerman
I don’t believe in Beatles
I just believe in me
Yoko and me
And that’s reality

The dream is over
What can I say?
The dream is over
Yesterday
I was the Dreamweaver
But now I’m reborn
I was the Walrus
But now I’m John
And so dear friends
You’ll just have to carry on
The dream is over