Bagne / Pierre-Paul Savoie : « On ne sort pas de là indemnes »
Scène

Bagne / Pierre-Paul Savoie : « On ne sort pas de là indemnes »

Bagne, c’est une pièce vieille de 22 ans. Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall sont entrés dans l’histoire comme peu de chorégraphes québécois en sont capables avec une œuvre circassienne, émotivement chargée aussi. Autopsie d’un classique réactualisé.

Pierre-Paul Savoie (Crédit: Rolline Laporte)
Pierre-Paul Savoie (Crédit: Rolline Laporte)

Pierre-Paul Savoie c’est aussi l’homme derrière Danse Lhasa Danse, vibrant hommage posthume commandé par Coup de cœur francophone. Un homme de danse posé, inspiré, sensible comme bien peu. C’est aussi lui qui portait Bagne sur ces épaules au début des années 1990 et aux côtés de son complice Jeff Hall. Deux décennies plus tard, il passe le flambeau à une nouvelle génération d’interprètes : Lael Stellick et Milan Panet-Gigon. Des danseurs finement choisis, mais qui n’avaient jamais vu la version originale. « Un des prérequis c’est la capacité de faire équipe, d’être ouvert à l’autre personne parce que c’est un duo. Il faut qu’ils soient à la fois capables de bouger et d’interpréter théâtralement. Même s’il n’y a pas de texte, ce sont vraiment des personnages. […] C’est comme un film muet qui est raconté par le corps. »

L’autre défi est physique. Athlétiques et spectaculaires, les mouvements de Bagne requièrent rigueur et endurance. « La cage est le troisième partenaire. C’est pas un langage codé de danse, en fait. On utilise beaucoup des mots comme suspension ou accrochage, des termes que l’on n’utilise pas en danse habituellement. C’est la scénographie permet ça. »

Ce décor de deux étages est signé Bernard Lagacé et rappelle celle d’une prison austère, comme on en voit de plus en plus en téléjournal. « Avant 2000 on n’avait pas tellement ces images-là, mais depuis il y a eu Guantanamo, Abou Ghraib en Irak, y’a eu toutes sortes de scandales par rapport aux traitements des humains et la torture. En arrière-plan, y’a cette tension-là, ça pourrait se passer là. Les gens le voient, ça donne tout un contexte historique et politique par rapport à ce qu’on voit dans l’actualité. »

Les mains de Jeff Hall sur le corps de Pierre-Paul Savoie, Bagne en 1994 (Crédit: Tony Hauser)
Les mains de Jeff Hall sur le corps de Pierre-Paul Savoie, Bagne en 1994 (Crédit: Tony Hauser)

 

Ce qu’il reste de nous

Cette « recréation » est presque un cas d’études sur la préservation du patrimoine chorégraphique. Contrairement à la musique et ses partitions ou aux théâtres et ses textes, la danse ne dispose pas de grand-chose pour laisser une trace. Tout ce qui restait de Bagne, c’était une vidéo filmée de loin. Le seul outil dont Monsieur Savoie disposait pour un exercice d’auto-analyse. « Y’a des sections qui sont parties, y’a des sections qui sont revenues, y’en a d’autres qui ont changé de place, y’en a qui se sont rallongées, y’en a qui se sont raccourcies. Je pense que c’est comme un diamant qu’on taillait pour une troisième fois. C’est la mieux réussie je crois. »

Les interprètes Carole Courtois et Sarah Williams dans la version féminine de Bagne (Crédit: Rolline Laporte)
Les interprètes Carole Courtois et Sarah Williams dans la version féminine de Bagne (Crédit: Rolline Laporte)

 

Créée en 1992, la pièce a aussi fait l’objet d’une version 2.0 il y a 15 ans. Une adaptation pour deux femmes qui avait été présentée à Montréal et New York. La mouture #3, toutefois, fait table rase sur le plan de la musique et accueille Bernard Falaise (collaborateur de Cantat et Mouawad sur Chœurs) pour ajouter de nouvelles couleurs. Les éclairages ont aussi été modifiés. « La lumière de Marc Parent, c’est vraiment un haut fait d’armes. En plus d’être puissant émotivement, c’est puissant visuellement et musicalement. Tout est fort, tout s’entremêle très bien. »

En tournée: les 8 et 9 décembre 2015 au Grand Théâtre de Québec, le 14 janvier 2016 au Théâtre de la Ville (Longueuil), le 16 janvier 2016 au Théâtre de la Rubrique (Saguenay) et le 30 avril 2016 à Montmagny