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Chaque achat de livre a son histoire

J’ai vraiment fait un bon coup d’entrer à la librairie Monet. Faut dire que c’est toujours Marsi, mon bédéiste préféré qui m’y entraîne. Il est sûr que dans ce lieu, il trouvera l’album de bande dessinée qu’il désire, le choix est faramineux. Bien sûr, j’en profite pour reluquer le présentoir de romans québécois, prenant plaisir à jauger la diversité et la quantité de titres. J’ai vu sur leurs tablettes certains titres québécois sortis depuis six mois, aussi bien dire le grand luxe pour les auteurs qui, assez souvent, voient leurs ouvrages trôner à peine trois mois. Mais il y a des librairies d’exception, et la librairie Monet en est une à Montréal, au même titre que l’est la librairie Vaugeois à Québec.

Je trouve difficile de mettre les pieds dans une librairie. Un genre de gageure que de feuilleter, lire les quatrièmes, dévorer les extraits de commentaires (les libraires en glisse dans certains volumes) et ne RIEN acheter. Ma promesse de lire, le plus tôt possible, certains auteurs dont leurs titres me sont offerts par la maison d’édition, me retient fermement. Encore plus quand on m’a déjà proposé le titre que je tiens en mes mains et que je n’y ai pas donné suite. Je tournais et retournais le roman Mayonnaise d’Éric Plamondon. Il me faisait envie. J’ai avalé les deux premiers chapitres et j’ai tout de suite été projetée dans l’instant de l’écrivain. C’en était trop de résister, d’un geste brusque et fier, je l’ai arraché à sa pile, brandi sous les yeux de Marsi, claironnant un fier « Je l’achète ! »

Est-ce que mon enthousiasme se lisait dans ma figure, un libraire m’a interpelé me disant que j’avais fait un excellent choix. Il avait aimé le premier titre, Hongrie-Hollywood Express et avait dévoré le deuxième, le déclarant même meilleur que le premier. De plus en plus fière de mon achat, j’arrive au comptoir pour payer, la caissière attrape le livre, et tout en le feuilletant avec convoitise, déclare qu’elle avait adoré le premier et qu’elle brûlait d’entamer ce Mayonnaise. Je lui avoue que ce sera ma première rencontre avec l’auteur. On félicite mon audace de commencer par le deuxième, même si le premier a été en lice au Prix des libraires. Les deux libraires, parce qu’elles sont deux derrière le comptoir, aiment cet auteur et prévoient que Mayonnaise risque de se retrouver une seconde fois parmi la liste des finalistes l’an prochain. Celle qui s’occupe de ma transaction m’assure que c’est ce qu’elle a lu de mieux ces derniers temps et en me remettant mon livre avec un large sourire, elle bénit l’existence d’Éric Plamondon.

Les oreilles m’en bourdonnaient pour l’auteur ! Dans ces moments-là, je pense à ces êtres solitaires que sont les écrivains qui bûchent sur les mots, doutent, effacent, corrigent, écourtent leur nuit, grugent une part de vie sociale pour sortir leur histoire, sans savoir comment elle sera accueillie et même, parfois, si elle le sera. Si je passe le mot, c’est pour eux qui travaillent avec acharnement, un an, deux ans, à tâtons et dans l’ombre. Une corde sensible vibre en moi en pensant à eux.

J’ai quelque peu ralenti mes interventions Chez Venise, à cause de mon déménagement qui fut un branle-bas de combat assez exemplaire. Ce n’est pas une mince affaire d’y revenir, parce que rapidement la vague de la vie m’a submergé, et rapidement je n’ai plus su où tu trouvais la force pour la traverser sans me noyer. Si je retrouve le souffle, si je reprends le rythme de ma respiration, c’est grâce à des visites comme celle que je viens de faire.

Il s’agit de retrouver une routine chez moi pour revenir Chez Venise. Et la routine, je le constate une fois de plus, c’est le lit où repose la discipline.