Restos / Bars

Auberge Edelweiss : Fine fleur

A l’heure des nourritures terrestres, l’Auberge Edelweiss, établie au-delà de la petite ville de Val-David, mérite d’être découverte. Vous montez une colline au milieu d’une forêt de pins, et, tout en haut, enfermé dans un silence paisible, vous trouvez un chalet de bois, planté là, dans le vert. Déjà, sans la cuisine, l’Edelweiss serait une étape de charme. Mais si vous vous y rendez pour vous reposer quelques jours, vous avez aussi le droit d’y être gourmet! Pas une affaire commune dans la région; les Laurentides ne semblent en effet ne connaître que la pizza, les souvlakis et les brochettes. Les bonnes tables sont rares, la moyenne de vie de tous les restaurants n’étant que de vingt-six mois.

De la jolie terrasse du balcon, décorée comme si elle se trouvait dans les Alpes autrichiennes plutôt que dans une clairière cachée au milieu de la forêt laurentienne, vous avez une vue spectaculaire sur les… arbres. Ne soyez donc pas étonné par l’ambiance paisible, pas plus que par la voracité des moustiques qui, au crépuscule, vous forceront à vous réfugier à l’intérieur de cette bonbonnière sylvestre. Ce qui, du reste, n’est pas plus mal…

En cuisine, le chef belge Olivier Sadones s’emploie à rendre votre séjour agréable, par des mets vifs et soignés qui font quelques clins d’oil à son pays d’origine, mais se tournent résolument vers une cuisine de chasse: gibiers, viandes et volailles ont une belle part sur la carte qui se décline en menu dégustation, comportant d’interminables services (autour de 50 $), ou en table d’hôte de cinq plats (autour de 30 $). Sans être innovatrice, et malgré quelques points faibles côté sauces, cette cuisine vigoureuse traduit la minutie du patron et accorde une place privilégiée aux produits de la région. Pour mettre en bouche, on vous sert quelques moules cuites dans une préparation au vin blanc, et sur lesquelles on a ajouté de la tomate en dés. La soupe de chou rouge et de navets qui suit a une saveur champêtre, bien crémeuse et assaisonnée. On continue avec une salade tiède d’agneau et d’oufs de caille, nappée d’une vinaigrette à l’érable, dont le sucré convient assez bien à la viande mais pas à mon palais, peu sensible au sucré-salé. Cela dit, la viande fond en bouche et garde un agréable parfum de braise. Enfoui sous un panaché de laitues diverses, le mélange de viande et d’oufs est une entrée robuste et, malgré la douceur de la vinaigrette, plutôt appétissante. Le baluchon de grenouilles à la fleur d’ail est d’une vraie finesse, croustillant et exquisement parfumé. En plat, on ne sait trop quoi choisir entre une carbonade de boeuf, un suprême de faisan, un éventail de bison et autres spécialités. Finalement, je jette mon dévolu sur le cochonnet servi avec une sauce aux airelles, à la fois aigre et sucrée. La combinaison classique de fruits rouges et de caramel brûlé de la sauce est idéale pour le porc, offrant un contraste saisissant avec le gras de la viande. Si le veau de Charlevoix, lui, est bel et bien succulent, et sa cuisson, parfaitement maîtrisée, le mariage avec la sauce au roquefort et à la moutarde par contre manque d’un peu d’astuce.

Autant dans la présentation des plats que dans le service admirablement bien rythmé, on sent qu’ici tout est fignolé avec rigueur. On conclut malheureusement sans imagination, sur une mousse au chocolat ou un trio de petits gâteaux qui vous font gentiment retomber en enfance. On retire de ce repas les joies de la nature et les raffinements de la vie du château de Blanche-Neige.

Le choix de vins est restreint dans toutes les appellations sauf pour le Bordelais dont on offre quelques très bonnes bouteilles (certaines très chères). Cependant, le choix général est recherché et présente un bon rapport qualité-prix, un autre point fort pour cette maison très bien tenue où l’on sent à la fois l’enthousiasme et le sérieux. Comptez 65$ avant le vin pour deux tables d’hôte, taxes et service compris.
Auberge Edelweiss
3050, chemin Doncaster, Val-David
819-322-7800

Amuse-gueule:
A tout hasard, voici d’autres excellentes tables de la région:
– L’Eau à la Bouche, Sainte-Adèle, 229-2991
– La Biche au bois, Mont-Rolland, 229-8064
– La Clé des champs, Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, 229-2857
– L’Auberge des cèdres, Saint-Hippolyte, 563-2083
– Le Bistro à Champlain, Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, 228-4988
Dans le sillon du Festival des Arts Gourmands de Sainte-Adèle – qui s’est avéré davantage un festival de littérature gourmande -, j’ai retenu un admirable polar. La Part des anges est le premier d’une série de quatre romans (Livre de poche 7322) d’Hubert Montheillet – qui était sur place -, une fable grinçante, qui m’a fait hurler de rire (parfois jaune), sur la critique gastronomique, le cognac et la sexualité. On y rencontre un critique gastronomique impitoyable qui meurt empoisonné après un grand repas et… une formidable érection. Je ne vous révèle pas la fin! A lire absolument.