Restos / Bars

Lesvos : Spleen olympien

Malgré une évidente bonne volonté et quelques réussites, le Lesvos a encore beaucoup de chemin à faire pour séduire les amateurs de cuisine hellène.

La contagion des pseudo-hellènes tirant finalement à sa fin, les patrons de ce mignon petit resto baptisé Lesvos aimeraient redéfinir l’éthique culinaire grecque et partir à la conquête du Plateau. Mais, pour y arriver, il faut plus que de bonnes intentions; ça prend de l’huile d’olive, de la vraie, de l’extra-vierge, celle qui transformera toute grillade en chef-d’oeuvre. Surtout que le nom du resto est emprunté à l’île de Lesbos, où poussent plus de… onze millions d’oliviers!
Dans une pimpante salle exiguë et dépouillée, on s’installe pour un événement majeur. Le décor en bleu et blanc, bien sûr, avec ses lumières de Noël (bon!), confère à l’endroit une ambiance de vacances à la mer Égée, à la manière des tavernes pour touristes du Plàka. Première impression: le Lesvos est authentique!
Malheureusement, les choses tournent plutôt mal dès qu’on apporte une assiette d’huile (végétale) et de vinaigre balsamique pour accompagner le pain – fort bon du reste. Quel intérêt? S’il vous plaît! Les Grecs ONT DÉCOUVERT l’huile d’olive! Tremper son pain dans l’huile ordinaire, c’est tellement gauche – et sûrement pas grec. Nous devons donc manger notre assiette de mezedes en nous passant du goût de l’olive, ce qui est presque criminel dans un resto méditerranéen. Composée de légumes grillés – des aubergines, des courgettes, des poivrons jaunes et rouges cuits et fondants à point – et de quatre purées – le tzatziki (concombre, ail et yaourt), le skordalia (des pommes de terre et du pain détrempé parfumé à l’ail et au jus de citron), le taramosalata (des oeufs de carpe séchés et citronnés réduits en purée), et enfin le htipiti, ma préférée (des poivrons rouges mélangés à du fromage feta et un peu de persil), l’assiette pour deux (facturée 24,50 $) suffirait en tout cas à vous dégorger la plomberie tellement ça dégouline d’huile, malheureusement sans goût. Il faut savoir que les Grecs ne cuisinent pas (toujours) avec de l’extra-vierge, mais qu’ils arrosent tout (et plus spécialement le poisson) de jus de citron e d’une huile bien verte au parfum d’artichaut et d’herbes fraîchement coupées.
Au Lesvos, les poissons sont cuits sur la braise avec assurance: la chair moite, l’oeil voilé, la peau bien cramée et savoureuse. Une seule bête suffit à rassasier deux personnes qui savent naviguer entre les os et autour de la tête (goûtez les joues surtout), l’art de découper un poisson sans faire de dégât n’étant pas du ressort de tout le monde. Nous choisissons un loup de mer, appelé par erreur «bar rayé», à la chair un peu maigre, et dont le vague parfum de vase aurait été sublimé par le goût de l’olive – une idée fixe, je sais. La cuisson, toutefois, est parfaite, et l’assiette s’accompagne de riz aux légumes et d’une platée d’exquises fèves de Lima, cuites au four avec de la tomate et une pointe de curry. Je termine les fèves, je boude ce poisson tristement fagoté. C’est ainsi.
Le baklava, dont la principale qualité – quand il est bien fait – est d’être à la fois trop craquant, trop sucré et trop sirupeux, est, dans la version de Lesvos, une piteuse et semi-érectile pâte molle, complètement mouillée, qu’on a l’audace de garnir d’une douzaine de fruits coupés. Un dessert agressant.
Conclusion: le Lesvos a du chemin à faire s’il veut attirer des clients, qu’ils soient disciples de Sappho ou fervents d’antiquité. La bonne volonté n’est pas suffisante (ni le système d’aération d’ailleurs, qui nous laisse avec la désagréable impression d’avoir couché dans une friteuse) pour nous faire oublier ces erreurs majeures, en dépit d’une addition raisonnable. Peut-être eut-il fallu en mettre un peu moins, mais faire un peu mieux! Et le service serait plus sympa s’il n’essayait pas de frimer. Comptez 75 $ à deux, taxes et service compris, avec deux petits verres de rouge. C’est payer un peu cher ce voyage en mer.
Lesvos
1227A, avenue du Mont-Royal Est
523-4222

Amuse-gueule
La cuisine marocaine est la plus sophistiquée de toute l’Afrique, et l’une des grandes cuisines du monde. Son terroir, son histoire, l’ifluence des marchands d’épices, autant que celles des colons français, ont façonné son garde-manger. Peu connue ici – parce qu’elle est avant tout de tradition féminine et familiale, comme l’écrivait l’anthropologue Fatéma Hal (Les Saveurs et les Gestes, Hachette) -, cette cuisine se trouve rarement à son meilleur dans les restos d’Amérique du Nord. À compter du 4 avril prochain, et pendant quinze jours, les cuisiniers, les chefs et les danseuses du ventre de l’Hôtel Golf Palmeraie Palace de Marrakech seront les invités de l’Hôtel du Parc (288-6666), pour une petite quinzaine culinaire au cours de laquelle il nous sera permis de découvrir certains plats raffinés. Pour en avoir eu un échantillon sur place la semaine dernière, je peux tout de suite affirmer que cela devrait être un intense moment de gourmandise.