Restos / Bars

Souvenirs d’Indochine : Grand Orient

Souvenirs d’Indochine, installé à l’«extrême occident» de l’avenue du Mont-Royal est l’une des meilleures ambassades de l’Extrême-Orient en ville. Par-dessus le marché, Monsieur Ha, le chef-proprio, mériterait aisément une décoration. Pour nous faire partager la passion de la cuisine de son pays, d’abord – pas n’importe laquelle, celle d’une riche et ancienne tradition culinaire vietnamienne faite de pudeur, de retenue et de délicatesse, véritable cuisine de palais -, et pour son désir de lui injecter un peu de sang  neuf.

Souvenirs d’Indochine, installé à l’«extrême occident» de l’avenue du Mont-Royal est l’une des meilleures ambassades de l’Extrême-Orient en ville. Par-dessus le marché, Monsieur Ha, le chef-proprio, mériterait aisément une décoration. Pour nous faire partager la passion de la cuisine de son pays, d’abord – pas n’importe laquelle, celle d’une riche et ancienne tradition culinaire vietnamienne faite de pudeur, de retenue et de délicatesse, véritable cuisine de palais -, et pour son désir de lui injecter un peu de sang neuf.
Rénové avec tant de finesse qu’on s’en aperçoit à peine, tant l’éclairage est doux et les changements harmonieux, le décor contemporain aux tons ivoire, agrémenté de très belles photos de Christian Lacroix, de quelques tiges de bambou ici et là, apaise sur-le-champ. La terrasse entourée de bouleaux a aussi beaucoup de charme lors de ces nuits d’été humides qui évoquent le voyage en Asie tropicale.
Jamais aussi répandue que maintenant, l’authentique cuisine vietnamienne a tendance à se cantonner dans le style populaire de cuisine de rue. Ce n’est pas une faute: elle reste l’une des plus intéressantes dans le genre. Mais la cuisine raffinée, celle que l’on sert (ou que l’on servait) dans les palaces, reste presque introuvable. C’est qu’elle nécessite un travail qui s’apparente à celui d’un orfèvre: les légumes sont travaillés avec une extrême délicatesse, les viandes et les poissons doivent être traités avec minutie, et les sauces – la structure de base – ne tolèrent aucune confusion. À ce chapitre, Monsieur Ha est un artiste. D’après son menu composé uniquement d’entrées, la marque des connaisseurs, nous dit le chef sans savoir vraiment pourquoi nous lui posons la question, son talent est manifeste et le situe largement au-dessus de celui de ses contemporains.
La preuve? Une assiette rectangulaire contient des tranches ultra-fines d’une variété de plantain vert, au goût frais et presque chlorophyllé aussi bon que le cresson, sur lesquelles on a déposé des tranches de boef cru, à peine cuites par l’action du jus de lime fraîchement pressé, saupoudré de poudre de riz grillé et d’une herbe méconnue (sauf des Vietnamiens), le ngo gai, de longues feuilles dentelées au goût très franc de coriandre. Une salade de calmars grillés, encore fondants, avec ce petit parfum carbonisé, servis sur du cresson croustillant avec des quartiers de pamplemousse et arrosés d’une sauce acide et sucrée. La papaye verte (qu’on retrouve sur tous les menus vietnamiens de la diaspora) se présente ici coupée en fine julienne mais assortie à des languettes de boeuf marinées et grillées. Des raviolis d’une finesse exquise: trois petits balluchons d’une pâte ultra-délicate, remplis de champignons noirs hachés et mêlés à du porc émincé, sont nappés de sauce nuoc-mam et peut-être d’une goutte de vinaigre de riz, si délicatement équilibré. Des tranches de poisson blanc, cru, sont arrosées d’une sauce épicée et herbacée, avec une touche de piment fort, et accompagnées de christophine en julienne – un légume à la forme de poire et au goût de concombre. Sans parler des cailles rôties et servies sur une salade cresson; de l’ananas en cubes, présenté avec des crevettes cuites à la vapeur; de l’excellent saumon mariné au saké ou de la soupe de poisson à la fleur de bananier – des surprises aussi astucieuses que dépaysantes et finement ciselées. Les doigts magiques de Monsieur Ha composent des arôme subtils mais toujours francs, des parfums harmonieux avec des notes tantôt gracieuses, tantôt violentes. Un grand talent. Jusqu’aux desserts qui évitent les pièges de la fadeur et font preuve d’esprit: du tofu cru servi dans un jus au gingembre chaud ou une banane caramélisée au sésame.
Seul bémol au répertoire de cette excellente petite maison, une carte des vins faiblement construite, qui n’offre aucun choix au verre autre que le trivial «vin de la maison»! Cependant, le personnel de salle, fort jeune, se faufile d’une table à l’autre avec doigté et courtoisie, malgré une certaine lenteur qui s’explique certainement par e temps nécessaire pour construire ces plats pointillistes, chacun fait à l’instant. Comptez environ 55 $ à deux pour un menu composé uniquement d’entrées (six), avec les taxes et le service.

Souvenirs d’Indochine
243, avenue du Mont-Royal Ouest
848-0336

Amuse-gueule
Il y a quelques semaines, j’ai parlé d’un livre sur les nouilles écrit par le critique gastronomique australien du Sydney Morning Herald, Terry Durack, ouvrage illustré de photos splendides de Geoff Lung. Voilà que par pur hasard, la maison Marabout vient de traduire en français ce qui est probablement le meilleur ouvrage sur le sujet. Rien d’aussi précis et bien expliqué sur le monde des nouilles orientales que ce petit volume (intitulé tout simplement Nouilles), qui se vend moins cher que l’original anglais. Des recettes chinoises, thaïes, japonaises, birmanes, malaises, des explications sur chaque type de nouilles, des anecdotes pleines d’humour, un must absolu pour les amants de l’Orient!