Paul Nakis : gentleman restaurateur
Restos / Bars

Paul Nakis : gentleman restaurateur

Il suit depuis ses 14 ans l’évolution de la restauration à Montréal, se bâtissant au fur et à mesure un petit empire culinaire. À 82 ans, Paul Nakis continue de visiter quotidiennement ses restaurants et de discuter des décisions d’affaires avec sa fille, qui a repris le flambeau. Parce que les restos, chez les Nakis, c’est une histoire de famille…

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Cheveux peignés en arrière, rasé de près, costume pourpre avec pochette et cravate assorties: Paul Nakis est le propriétaire du Da Giovanni depuis 35 ans, mais aussi de Chez Parée, du Pub Winston Churchill et de deux Bâton rouge, et possède depuis 2012 la moitié des parts de Schwartz’s. C’est au Da Giovanni, rue Sainte-Catherine, que le gentleman tiré à quatre épingles nous rejoint.

Paul Nakis suit une routine: «Mon premier arrêt est à Schwartz, à 7h30. J’y passe une heure avec le gérant, puis je viens au Da Giovanni prendre mon déjeuner. Je vais ensuite travailler à mon bureau qui est juste au-dessus du restaurant.» Il fait presque partie des meubles ici; il connaît le prénom de chaque employé et a même son paquet de céréales dans la cuisine, pour le matin.

«Je viens au restaurant sept jours sur sept. C’est ma vie. Et j’ai une passion pour les affaires, explique-t-il. J’ai toujours su que je voulais travailler dans la restauration; j’ai commencé en aidant mon père quand je n’avais pas d’école… C’est dans mon sang!» Né dans une famille d’immigrés, d’un père grec et d’une mère écossaise, Paul Nakis vole vite de ses propres ailes, et dès 14 ans, il s’occupe du Paul’s Sandwich Shop.

_dsc0108Réseau familial

En 1953, il détient avec ses frères le O-Select, dans l’est de Montréal. «Mon père nous aidait pour les investissements, et les banques aussi; à cette époque, c’était plus facile d’avoir des prêts. Je ne sais plus combien de restaurants on a eus en tout… Au moins une vingtaine.» Dans les années 1950, les trois jeunes frères Nakis sont des «bons partis» en vogue.

Deux des frères sont aujourd’hui décédés, mais la restauration reste dans la famille: le petit-fils de Paul est intéressé par le commerce, sa petite-fille s’implique déjà dans les affaires des restos, une belle-sœur et une nièce travaillent au Da Giovanni, tandis qu’une autre nièce a lancé une chaîne de restaurants à Washington. «La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre! rit l’octogénaire. Ils sont tous aussi passionnés…» Comme sa fille Chris Ann, 59 ans, qui assure sa relève. À deux, ils parlent business avant de parler famille.

Si «elle est responsable de tout», son père n’a pas pour autant quitté les affaires: «Avant, c’est moi qui faisais les menus. Aujourd’hui, non, mais on me demande encore mon avis…» Paul Nakis s’occupe aussi du développement de la fameuse sauce tomate Da Giovanni, qui sera bientôt vendue dans les IGA. Et il y a du nouveau dans l’air… «Je suis en train de travailler sur quelque chose, mais je ne peux pas encore en parler! Quand il y a une opportunité de racheter une place qui a une bonne réputation, on y va…»

En près de 70 ans de carrière, Paul Nakis a eu le temps de voir le paysage de la restauration montréalaise évoluer. Parmi les changements notoires, il relève qu’aujourd’hui la plupart des restos comptent 75 à 100 couverts maximum, alors qu’avant les établissements étaient beaucoup plus grands – comme en témoigne le Da Giovanni avec ses 250 places.

_dsc0120«Être prêt à travailler très fort»

De nos jours, les petits restos sont plus populaires, plus faciles à gérer, pense Paul. «Et ils sont spécialisés. C’est mieux d’avoir un menu avec moins de choix, mais d’être meilleur dans ce qu’on fait.» Autre changement, la fin de la «mafia grecque»: «Il y a 25 ans, les Grecs détenaient presque tous les restos à Montréal, alors qu’aujourd’hui, de plus en plus de Québécois se lancent en affaires.» Mais il trouve que Montréal compte trop de restaurants, et que les propriétaires sont de plus en plus taxés – «c’était plus facile de faire du profit avant!»

Pour comparer, Paul visite régulièrement les restaurants de la ville. «Je mange très rarement chez moi…», confie celui qui a plutôt un faible pour le Rib’N Reef et Moishes’ – même si rien ne vaut les spaghettis à la sauce tomate du Da Giovanni. Ses conseils pour les jeunes restaurateurs: «Il faut être prêt à travailler très fort, et être vraiment passionné. C’est un commerce qui demande beaucoup d’attention. Si on sert 500 personnes dans une journée, il faut plaire à 500 palais… Et chaque palais est différent.»

S’il suit l’évolution du monde de la restauration, Paul Nakis résiste au changement dans la technologie. «Pour ça, je suis 50 ans en arrière!» Quand on rentre dans son bureau, on a l’impression de plonger dans Mad Men: pas d’ordinateur, des cahiers reliés de cuir, un petit poste qui diffuse du jazz… Il a bien un cellulaire, mais qui lui sert juste à appeler en cas d’urgence, pas à être contacté.

Et il a beau adorer être dans les affaires, il sait aussi décrocher. Vendredi dernier, il a fini de travailler vers midi, alors il est parti sur un coup de tête passer la fin de semaine à New York. Hôtel réservé, bonne musique dans la voiture et balades dans la Grosse Pomme. Où, bien sûr, il est allé découvrir des restaurants…

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