Catherine Bolduc : Exorcisme artistique
Pour conjurer le mauvais sort, Catherine Bolduc joue avec des images catastrophiques. Sous sa main, la mort et le désastre deviennent séduisants.
En dix ans, principalement grâce à ses installations spectaculaires, Catherine Bolduc s’est démarquée, figurant aujourd’hui parmi nos artistes les plus intéressantes. Plusieurs se souviendront de son Jeu chinois (à l’UQAM en 2005). C’était une sorte de caverne magique disco composée de miroirs, de pailles colorées et de lumière stroboscopique. Mais Bolduc réalise aussi des dessins tout aussi fantastiques. Ces jours-ci, vous avez l’occasion de voir l’étendue de son talent en ce domaine: Le Voyage d’une fabulatrice, composé de dessins parfois de très grand format, permet de plonger dans le féerique et le fantomatique.
Je vous en ai déjà parlé. En art contemporain, nous n’en avons pas fini avec le fantastique et le merveilleux, avec le conte pour enfants, le roman d’inspiration gothique… L’expo de Tricia Middleton, qui vient de s’achever au Musée d’art contemporain, et celle d’Ed Pien l’été dernier, chez Pierre-François Ouellette, étaient tout à fait dans cet esprit.
Pourquoi ce retour insistant, presque agaçant, des contes de fées, des récits de nos enfances en art contemporain, mais aussi en littérature et au cinéma (Le Seigneur des anneaux, Harry Potter…)? Comme l’a montré le psychanalyste Bruno Bettelheim, ces récits donnent aux enfants des explications rassurantes par rapport au monde des adultes. Mais aux adultes, ces oeuvres offrent quoi? Une régression pour rasséréner? Chez Bolduc, il y a plus. Dans ses dessins, les volcans explosant semblent former des concrétions de pierres serties et la lave se transforme en chevelures fantomatiques et soyeuses. Bolduc embrasse le désastre et en fait une précieuse esthétique.
Dans notre époque tiraillée entre la culture du réconfort et celle de la peur (récupérée et utilisée par les gouvernements et les médias), quelle attitude avoir? Dans ce monde de l’après-11 septembre, de l’après-Katrina, de l’après-tsunami de 2004, où planent toujours des menaces de catastrophes terroristes et écologiques, une des solutions serait la récupération de ces angoisses et la constitution d’une esthétique post-apocalyptique? Au 19e siècle déjà, les romantiques avaient fait usage des ruines, des fantômes, des monstres (Frankenstein) pour conjurer les échos des morts de Pompéi et d’Herculanum (villes exhumées à la fin du 18e siècle), pour se libérer de l’idée que toute civilisation meurt, pour dialoguer avec les souvenirs angoissants des guillotinés de la Révolution française et des soldats sacrifiés durant les guerres napoléoniennes… Bolduc nous redit ce besoin d’exorcisme.
À voir si vous aimez /
Tricia Middleton et Ed Pien