Leda : Désir de transparence
La photographe de mode Leda a pris possession du parc Émilie-Gamelin avec un projet personnel intitulé Privacy. Que se passe-t-il donc chez mon voisin?
Dans Privacy, Leda nous présente des images prises de la rue et qui montrent ce qui se passe à l’intérieur de diverses maisons: un homme bat sa fille dans le garage alors que sa femme met tranquillement la table au premier étage; un couple s’adonne à des pratiques SM alors que le voisin d’en bas étudie… De quoi parlent ces photos mises en scène (vous comprendrez bien vite qu’il ne s’agit pas de situations prises sur le vif)? De la perte d’intimité dans nos sociétés? De notre désir de voyeurisme? De la solitude moderne des individus dans une époque de communications?
Le cliché veut que nous vivions dans une société où la limite entre espace public et espace privé s’est désagrégée. Il est vrai que des scandales comme l’écoute, en Angleterre, du téléphone de 4000 personnes par le journal News of the World donnent froid dans le dos et nous permettent d’imaginer encore pire de la part de nos États (avec des lois comme le Patriot Act). Mais c’est avoir une mémoire bien courte que de croire qu’autrefois, la sphère privée était moins surveillée ou autosurveillée (par une intériorisation de valeurs dominantes et répressives)…
L’Église et l’État avaient leur manière d’entrer dans les maisons. Pour reprendre les mots de Pierre Elliott Trudeau alors qu’il était ministre de la Justice, ce n’est que bien récemment que l’État s’est retiré de la chambre à coucher… Nous pourrions aussi remettre en question la prétendue augmentation de la solitude de nos contemporains, ou l’augmentation du désir de voyeurisme ou d’exhibitionnisme dans notre société. La question est bien plus complexe et moins unidirectionnelle que cela.
Voilà donc une expo qui joue sur un terrain très glissant et dont le dispositif n’est malheureusement pas tout à fait nouveau. Bien des artistes ont travaillé sur des sujets ou des atmosphères similaires: au Québec, il y a les frères Sanchez, en France, Alain Declercq (dans un projet présenté au Mois de la photo à Montréal en 2001), en Allemagne, Michael Wolf (dans un projet intitulé The Transparent City). Il est cependant intéressant d’avoir présenté ce type d’images… dans un espace public. Elles auront la vertu de faire réfléchir un grand nombre d’individus à quelques idées arrêtées sur notre monde actuel.
À voir si vous aimez /
Les frères Sanchez