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Commentaire rapide sur l’affaire Boisvenu

Beaucoup de gens déchirent leur chemise ce matin parce que le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a affirmé en point de presse que les assassins condamnés devraient avoir droit à une corde dans leur cellule, pour décider eux-mêmes de leur vie.

Trois commentaires rapides:

1) Le sénateur Boisvenu est, depuis toujours, militant d’une justice criminelle beaucoup plus sévère et punitive. Il le dit sur toutes les tribunes, chaque fois qu’il en a l’occasion. Tout le monde le sait. Sans surprise, il est en faveur de peines minimales, de sentences plus sévères, et disposé à « avoir une réflexion » sur la peine de mort, même s’il s’y dit opposé. Outre la forme un peu étonnante de ses propos, je ne trouve pas si étonnant qu’un homme qui a dédié sa vie à la réforme musclée de la justice pénale suggère que l’État devrait permettre aux détenus de se suicider. Venant de Gilles Duceppe, ce serait une bombe. Venant de Pierre-Hugues Boisvenu? Je ne comprends pas tout l’émoi.

2) La proposition de Boisvenu ouvre la porte à une espèce de peine de mort volontaire. Personne n’est condamné à mort, mais l’État n’interviendra pas pour vous empêcher de mettre fin à vos jours si vous êtes condamné à la prison à perpétuité. L’image de la corde est évidemment frappante, mais le résultat serait le même si on donnait aux prisonniers le droit de garder leur ceinture. Il y aurait plusieurs nuances à apporter — notamment sur la distinction entre l’intention de compassion et celle de punition, et le caractère « incitatif » de la proposition du sénateur — mais je pense que les partisans du suicide assisté devraient expliquer en quoi une liberté qu’ils voudraient accorder à certaines personnes « condamnées par la maladie » ne devrait pas aussi être accordée aux gens condamnés à la prison à vie.

3) Les propos de Boisvenu relancent évidemment le débat sur la peine de mort, à laquelle il dit vouloir réfléchir. (Rappel: si vous êtes pour la peine de mort « dans certains cas », vous êtes pour la peine de mort, point.) Je suis personnellement contre la peine de mort. Je crois aussi être contre l’idée de donner une corde aux détenus, même si le caractère superficiellement « libre » de la chose change un peu la donne au plan éthique. (Dans les faits, la suggestion de Boisvenu ressemble fort à de l’incitation.) Mais avant de déchirer ma chemise et de crier à la barbarie et au scandale, je pense qu’il faut se rappeler qu’une majorité de Canadiens (et, apparemment, encore plus de Québécois) appuient la peine de mort. La majorité a-t-elle raison? Pas nécessairement. Certains diraient même que c’est généralement l’inverse. Mais elle est la majorité, et on serait bien mal venu — au plan politique et stratégique — de la présenter comme extra-terrestre ou déconnectée.