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Des Mutants qui méritent une reprise au plus vite!

Quel bonheur d'être à ce point galvanisé par une soirée au théâtre! Avec Les Mutants, leur 7e production, les membres du Théâtre de la Banquette arrière ont fait vibrer en moi un nombre étonnant de cordes. Suite d'«exercices pour écoliers endurcis», la représentation est portée par huit personnages qui ne sont ni des adultes ni des enfants, quelque chose entre les deux, quatre femmes et quatre hommes dans une posture désagréable, de celles qui tiraillent. Ça vous fait penser à quelque chose?

Obéissant aux consignes d'un maître, Sylvain Bélanger, nul autre que leur metteur en scène, Amélie Bonenfant, Sophie Cadieux, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Éric Paulhus et Simon Rousseau réalisent un tour de force: relier l'intime et le collectif, leurs histoires personnelles et les nôtres, les idéaux des années 60 et l'effritement de ces mêmes idéaux dans les années qui ont suivies, le passé et l'avenir. Nos révolutions ont toujours été tranquilles, c'est bien connu. Malgré notre devise nationale, nous avons la mémoire courte, c'est bien connu. Nous avons un penchant pour les commissions, les réformes, les rapports et les enquêtes… qui ne débouchent sur rien, c'est bien connu. Le spectacle de la Banquette arrière est là pour brasser tout ça, tenter de remédier à toute cette inertie.

Avec leurs propres mots, mais aussi ceux de Jean-Charles Harvey, Dany Laferrière, Leonard Cohen, Paul-Émile Borduas, Hubert Aquin, Olivier Kemeid, Télésphore-Damien Bouchard et même Boom Desjardins (oui, oui!), les membres de ce chœur battant expriment leurs convictions et leurs déceptions, leur soif de grandeur et leurs désirs inassouvis. Tout y passe. Le rapport à la langue anglaise. La difficulté de faire coïncider ce que l'on pense et notre gagne-pain. Les blessures et les béatitudes de l'enfance. Le rêve d'un pays. Le vedettariat. Les politiciens-poltrons. C'est absolument poignant. On chante. On court. On danse. On se caresse. On se frappe. On reçoit même la visite d'un conférencier. Mardi soir c'était Owen Rose, un architecte et environnementaliste originaire de Vancouver qui vit à Montréal depuis plusieurs années, un homme qui est non seulement habité par des convictions mais qui les mets en application chaque jour de sa vie.

Jamais le ton ne devient sentencieux, moralisateur, prêchi-prêcha. Pas un seul instant. Comme quoi il est possible, au théâtre, de mettre les idées de l'avant, de s'engager, sans sacrifier l'émotion et sans transformer la scène en une tribune univoque. Je ne suis pas prêt d'oublier ces Mutants, présentés dans la salle 2 de l'Espace Go jusqu'au 22 janvier, à guichet fermé. Je nous souhaite une reprise au plus vite… Photo Bruno Guérin.