Complètement Martel

Québec, réveille

Je n’étais qu’un enfant.

J’ai souvenir que lors de la soirée électorale où le Bloc québécois a fait une entrée fracassante, il y a avait un grand rassemblement de partisans au Complexe Jacques-Gagnon et mon parrain, qui occupait un poste important dans l’organisation, m’avait demandé d’aller porter un papier à un des responsables de la campagne. J’ignore ce qui y était inscrit, mais quelques minutes plus tard, on annonçait dans l’euphorie totale que Gilles Duceppe était le premier député élu du Bloc.

De façon un peu naïve, j’ai longtemps tenu un discours souverainiste. J’emploie le qualificatif naïf car, même si j’étais en mesure de comprendre les différents enjeux de la souveraineté du Québec, il y avait un énorme bout de chemin personnel que je n’avais pas encore effectué. Vous savez, le moment où on a cette illumination. Où soudainement, on se rend compte qu’il s’agit de la route inévitable à prendre.

Ce ne sont pas la haine, le mépris ou l’amertume qui nous mènent à ce chemin, mais bien l’espoir d’accéder à une société qui serait désormais à l’image de notre identité.

Pour dire vrai, il y a à peine quelques années de ça, j’en étais rendu à un point où je me contrecrissais littéralement de la question de la souveraineté. Quelqu’un à quelque part avait réussi l’impossible: m’endormir à grands coups de désillusions et de désenchantement extrême.

Ironiquement, l’un des principaux responsables de cette anesthésie souverainiste fut le Parti québécois. Faut le faire, quand même. Tsé, quand un vendeur de chars te décourage de t’acheter un pick-up au moment même où tu t’apprêtais à signer ton contrat, c’est assez spécial.

Avec les années, je pense sincèrement être devenu un optimiste. Je pense de moins en moins à me suicider quand j’ai de la peine. Même que ça fait un bon bout de temps que ça ne m’occupe plus l’esprit. Je crois de plus en plus à un monde de solutions.

Et heureusement, car à ce que je sache, le monde a rarement autant déraillé que ça. En fait, le monde part magistralement en couille depuis la nuit des temps, mais il y a des époques où l’humanité décide tout simplement de s’ouvrir les yeux et d’agir en conséquence. À savoir s’il est possible de réparer quoi que ce soit, je l’ignore complètement, mais du moins, une saine adaptation ne relève pas de l’utopie.

Que l’on soit du côté des carrés rouges ou des carrés verts, souverainiste ou fédéraliste, à gauche ou à droite, québécois de souche ou immigrant, hétéro ou homo, PC ou Mac, il est impossible de nier que nous avons présentement le gouvernement que nous avons mérité au cours de la dernière décennie.

La participation aux scrutins est plus faible que celle à une élimination de Star Académie, on pense que regarder Tout le monde en parle fait de nous un citoyen impliqué, bref, autant de passivité a donné une confiance hors de l’ordinaire à nos dirigeants. Évidemment, si on vous volait 50 sous par jour dans votre compte de banque sans même que vous vous en rendiez compte ou que vous manifestiez votre insatisfaction, on se retrouverait avec un beau jackpot à la fin de l’année. Eh bien, ce que nous vivons actuellement est peut-être encore plus vicieux que ça. Une chose est certaine, il y a de la grosse crosse dans l’air et il y a de bonnes chances pour que vous comptiez parmi les crossés.

Cela dit, j’ai espoir lorsque je vois la population s’extirper du divan social sur lequel elle végétait depuis trop longtemps. Nous sommes à un tournant de l’Histoire où il faut mettre fin à notre vie de locataire. Quand le proprio te dicte ta façon de vivre et en est rendu à décider de quoi tu as le droit de parler dans ta cuisine, tu rassembles tes papiers, tu t’achètes une maison et tu adoptes un chien si ça te tente.

Et puis, par un beau matin, tu te surprends à être ému aux larmes alors que tu regardes tes enfants s’amuser. Tu te dis que le monde dans lequel il fait bon vivre, c’est un peu toi qui leur as offert.