Pour un réseau sans médias
Des clics et des claques

Pour un réseau sans médias

Les médias sautent immédiatement sur tout nouveau réseau populaire. Mais est-ce une bonne stratégie?

Dans les dernières semaines, les gestionnaires de communauté s’étaient un peu révoltés par le fait que Facebook avait intentionnellement amoindri la présence des pages d’entreprises aux yeux de leurs abonnés. Ceci dans le but de faire payer ces mêmes entreprises pour leur visibilité. Mais n’est-ce pas une initiative appropriée de la part du réseau de Zuckerberg?

Personne ne demanderait à une tabagie ou un centre d’achats de distribuer des magazines ou des livres gratuitement. Pourtant, on voudrait utiliser cette plateforme gratuite pour une présence expressément vouée à un profit, duquel Facebook serait privé? Si Facebook devient le nouveau centre d’achats du web, il est normal que les entreprises qui veulent y faire commerce doivent payer un loyer.

Et ce ralentissement de la présence sur ce réseau devrait mener à une remise en question des médias et de certaines entreprises, à savoir si leur présence effrénée sur le web est une stratégie bénéfique, à la fois pour le média et pour l’utilisateur à qui l’on impose, sur chaque nouvelle plateforme, une présence corporative remarquable.

Le problème avec les médias, désormais traditionnels ou non, est que la tentative d’une présence remarquée sur tous les réseaux ne relève plus d’une attitude branchée et allumée. Plutôt, cela dépeint une sorte de désespoir agressant similaire à la personne qui s’invite à un party dans lequel tout le monde est trop poli pour indiquer au personnage maladroit qu’il n’est pas le bienvenu, bien qu’on ne lui soit pas carrément hostile.

L’enthousiasme démesuré pour les nouveaux réseaux illustre-t-il une sorte d’absence de calcul mesuré, le fruit d’une panique générale au sein des entreprises médiatiques? Le nouveau consensus est-il que, puisque les médias allaient mourir s’ils n’adoptaient pas Facebook et Twitter, ils mourront s’ils n’adoptent pas rapidement Instagram, Vine, Pinterest et Snapchat, pour n’en nommer que quelques-uns? Pour certains partenariats, c’est tout à fait naturel: la présence de NBC sur YouTube bénéficie autant au site web de vidéos qu’au succès viral de Jimmy Fallon. Mais pour les rares partenariats naturels, issus d’une demande bien réelle (le contenu serait simplement volé s’il n’était pas mis en ligne par les diffuseurs officiels), il y a de nombreux cas où il ne s’agit que de pur parasitisme. 

Dans cette attitude désespérée, il semble y avoir une absence de souci pour la nature spécifique du réseau. Quand on se trouve dans un café, on accepte qu’il y ait de la musique qui joue en sourdine, invasion subtile et convenue de l’industrie musicale. La télévision peut y être présente aussi, comme les magazines généralistes chez le dentiste ou dans une salle d’attente. Certains publicitaires vont probablement se trouver bien brillants de promouvoir des extraits d’un nouveau roman dans un club où les gens ne s’y attendent pas, ou bien de dépasser les limites convenues des affiches publicitaires dans le métro ou sur la route, mais en réalité, pour l’usager, il s’agit d’une invasion qui frôle l’agression.

Pourquoi les médias ne se gardent-ils pas une petite gêne? Pourquoi sont-ils incapables d’imaginer que l’utilisateur puisse vouloir se rendre chez eux sans que ceux-ci ne rappellent constamment leur adresse sur toutes les plateformes où il est possible de s’exprimer? Ce qui fait la popularité d’un réseau, c’est sa capacité à rejoindre des utilisateurs intéressés par une expérience similaire. Or, le seul intérêt visible des entreprises et des médias, c’est de vendre le produit ou d’amener l’utilisateur vers son site pour la survie via le clic. C’en devient tellement évident que c’est probablement rébarbatif pour nombre d’utilisateurs. Une stratégie multi-plateforme finit souvent par ressembler à du bon vieux spam.

Avant d’envahir le nouveau réseau capable de franchir le cap d’une masse critique imposante et possiblement rentable, une entreprise devrait se demander si c’est tout à fait nécessaire. Ou si elle ne peut pas, pour une rare fois, laisser les gens réseauter en paix. Elle n’en mourra pas nécessairement.