Ondes de choc

Les vautours

Ah, et puis fuck!

Ça fait trois semaines que je veux écrire sur Télé-Québec et chaque fois, je me retiens, en me disant que ce ne serait pas éthique puisque je fais partie de la grande famille du réseau de télé publique québécois. Je me suis donc contenté de faire quelques allusions en fin de chronique, c’est tout.

Or, cette semaine, je me fous des critiques; je sors l’artillerie lourde et tire dans le tas. Si Julie Snyder n’a pas hésité à réquisitionner une ambulance pour transporter ses poulains d’un aréna à l’autre, et si PKP ne s’est pas gêné pour inviter trois commissaires du CRTC à partager sa table d’honneur, je ne vois pas pourquoi je m’enfargerais dans les fleurs du tapis et mettrais des gants blancs pour défendre un réseau de télé menacé par une bande de vautours bedonnants qui profitent du confort que leur procurent les millions de dollars de subventions qu’ils reçoivent chaque année pour chier sur le système public.

Vous n’êtes pas contents de ma chronique? Écrivez au Conseil de presse. De toute façon, cet organisme n’a aucun pouvoir décisionnel, et il est aussi puissant qu’un chaton mort dégriffé. Vous croyez qu’il fait peur à PKP, le Conseil de presse? Vous croyez qu’il va l’empêcher de publier six pages sur la nouvelle coupe de cheveux d’une ex-gérante de salon de bronzage devenue chanteuse de karaoké professionnelle dans Le Journal de Montréal ou Le Journal de Québec? Absolument pas. La marde va continuer de tomber, comme d’habitude. Et les commissaires du CRTC vont continuer de sourire de toutes leurs dents et d’applaudir à tout rompre les merveilles ô combien merveilleuses de la convergence.

Alors, fuck la délicatesse, fuck la peur des critiques et fuck PKP et ses porteurs de valises. Moi aussi, je converge. Je converge et je signe.

On dit que Télé-Québec (qui coûte 7 $ par année à chaque Québécois) vit de l’argent des contribuables. Et les autres réseaux de télé, ils vivent de quoi, d’après vous? D’amour et d’eau fraîche? Ils sont subventionnés à l’os. Les émissions qu’ils diffusent sont subventionnées à l’os, les entreprises qui produisent ces émissions sont subventionnées à l’os, les diffuseurs profitent de toutes sortes d’entourloupettes fiscales – bref, tout le monde dans le milieu de la télé vit aux crochets de l’État.

Et le milliard de dollars que la Caisse de dépôt a investi dans Quebecor, il vient d’où, vous pensez? De la tirelire de PKP? Il vient de nous tous, de vous, de moi. C’est NOTRE argent. PKP est un assisté social de luxe, c’est tout. Le fric qu’il pompe dans son empire est NOTRE fric. C’est grâce à NOTRE argent s’il peut vendre les beuglements de Wilfred dans ses magasins de disques, ses journaux à potins, ses sites Web, ses huit grands quotidiens urbains, ses 175 hebdos régionaux et ses 170 vidéoclubs.

Le Roi-Soleil des médias québécois profite du pouvoir que lui a conféré NOTRE fric pour renverser une décision prise par le vice-président information et programmes de TVA et crisser un animateur dehors pour la seule et unique raison qu’il n’a pas apprécié une de ses blagues. Et c’est Télé-Québec, un réseau public indépendant de tout impératif commercial, qui se retrouve sur le banc des accusés et qui doit plaider pour sa survie?

Ben ciboire! Elle est bonne, celle-là.

Il faut dire qu’on est au Québec. Ici, c’est le monde à l’envers. Les millionnaires nourris à la petite cuillère par l’État sont considérés comme des génies de l’entrepreneurship par la presse d’affaires, et les voleuses de grand chemin sont saluées comme étant des bâtisseuses hors du commun lorsqu’elles ont le malheur de crever en se faisant remonter le visage.

Le Québec est le royaume des aveugles, et au royaume des aveugles, les Bougon s’en mettent plein les poches.

Et pendant que les gros gras s’engraissent le bide en pigeant à qui mieux mieux dans la caisse, c’est sur le petit à lunettes qu’on frappe.

Vous y comprenez quelque chose, vous? Moi pas.

Je m’excuse pour cette montée de lait, les amis, mais que voulez-vous, j’en ai ras le cul des gens qui prennent une ambulance pour se rendre plus rapidement à la banque.