Depuis les tribulations péquistes du printemps 2011, il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne soit question d’alliances entre les principaux partis souverainistes. La fondation d’Option nationale, par Jean-Martin Aussant, a été perçue — assez justement, sans doute —, comme un nouvel élément de confusion au sein d’un électorat progressiste-souverainiste déjà assez divisé depuis l’apparition de Québec solidaire sur la scène politique. On a assisté depuis, non sans sourire un peu, à une multiplication d’initiatives et d’appellations visant à rassembler les troupes.
Reste que malgré toutes ces tables de concertation toujours plus «nouvelles» et «convergentes», les partis politiques demeurent le principal lieu d’engagement et d’action pour qui veut faire du Québec un pays, et qu’un vote divisé entre trois partis souverainistes ne peut qu’affaiblir l’option elle-même. On peut dire à ce titre qu’Option nationale a fait son lit en faisant de la souveraineté son idée maîtresse tout en demeurant ouvert à une ou des alliances avec des partis prêts à travailler sérieusement à la réalisation de ce projet. On pourrait même dire qu’en quittant le PQ, Aussant a emporté avec lui l’article 1 du PQ — réaliser la souveraineté —, mais qu’il pourrait bien le ramener, voire le partager, si d’aventure on en voulait encore. Ainsi, des alliances électorales seraient toujours possibles pour ON afin de faire élire le plus grand nombre de députés souverainistes possible, une condition essentielle et nécessaire si on souhaite réaliser la souveraineté du Québec.
Pour Québec solidaire, qui tenait son congrès la fin de semaine dernière, les choses sont un peu plus compliquées, et c’est seul que le parti se baladera dans les sentiers accidentés de la question nationale. Impossible pour eux de faire des alliances, et surtout pas avec le PQ. Un tel choix s’explique assez aisément. QS, dans son ADN politique, se trouve en rupture complète avec une certaine bourgeoisie péquiste. Une rupture idéologique profonde enracinée au sein des divers groupes qui ont pris part à la fondation d’abord de l’UFP et ensuite de Québec solidaire. On pense notamment au Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ), au Parti communiste du Québec (PCQ) et au Rassemblement pour l’alternative progressiste (RAP).
Cette rupture idéologique se joue sur une transformation radicale de l’humanité afin d’anéantir toute forme d’inégalités, considérées comme synonymes du mal. La corruption du pouvoir actuel n’est pas qu’un accident contingent parmi tant d’autres qu’il serait possible de corriger par telle ou telle réforme ponctuelle. C’est la civilisation dans sa forme originelle qui est corrompue, comme l’était en quelque sorte l’humanité sortie de l’Éden. Le projet de société de Québec solidaire est ainsi de bout en bout motivé par une promesse de rédemption et ne permet pas de faire de concession sur un aspect particulier de la vie politique comme la souveraineté du Québec. Le nouveau contrat social doit, pour les partisans de QS, se présenter comme une solution finale et totale visant à anéantir le mal de l’inégalité.
On se retrouve ainsi devant une lecture radicalement opposée au projet souverainiste dans sa plus simple expression. Il ne s’agit pas de se demander s’il est souhaitable que le Québec, comme structure étatique, devienne un pays indépendant. Il faudrait d’abord et avant tout remettre en question la structure même de l’État et les rapports des humains en société. La question, qu’on voudrait pourtant simple et sans détour, devient alors: «Voulez-vous que le Québec devienne un pays souverain débarrassé de toutes les inégalités où les humains libres et égaux participent pleinement et intégralement à une vie démocratique débarrassée de tous les maux de l’histoire?»
Québec solidaire ne divise donc pas tant le vote souverainiste: il tente de se l’approprier globalement pour mener un projet tout aussi global. À ce titre, les mots de Françoise David ne laissent aucun doute: «On a fait la preuve, disait-elle, qu’on a des propositions concrètes, fiables et réalisables. On dit aux gens de tourner la page du PQ et de venir chez nous. À ce moment-là, on ne parlera plus de la division du vote souverainiste». Pour eux, l’indépendance n’est pas un objectif qui se suffit à lui-même, à côté duquel pourraient subsister d’autres enjeux comme l’écologie, la pauvreté, le développement durable, etc. Il doit englober la somme de toutes les luttes historiques et les régler une fois pour toutes.
Mais il y a un hic majeur: quand on tente de faire valoir une telle position, on ne divise pas les électeurs. On les trompe. Car si tous les objectifs d’un parti doivent être acceptés intégralement, solidairement et globalement, c’est sans doute la meilleure recette pour n’en réaliser aucun.
S’il faut attendre que tous les souverainistes soient chez QS pour cesser de parler de division des votes, il faudra que tout ce beau monde accepte de marcher dans cette sorte de rêverie solidaire qui consiste à considérer la fondation d’un État comme une forme de rédemption. Les seuls qui doivent voir d’un bon œil une telle possibilité, ce sont les fédéralistes les plus convaincus… car ça ne risque pas d’arriver.
Pourquoi rire de ce que nous avons de meilleur ? Parce que le PQ fait nettement mieux que le PLQ, peut-être ? Ou parce que ce que propose ON est prioritaire ? Perso, je pense qu’ON n’existe que pour forcer QS à préciser le mandat de la constituante. Ils ont raison sur quelque points. Alors moi comme d’autres (Jonathan Durand Folco est le premier à avoir formulé l’idée, je crois), je dis aux solidaires (dont je suis) : ok, une fois QS au pouvoir, nous procédons comme prévu à l’élection d’une assemblée constituante, mais dont le mandat serait précisé : écrire une constitution ~pour le pays du Québec~. Et toc. Cette précision au programme peut tout changer, en répondant au critère à juste titre je crois demandé impérativement par ON. Si Québec solidaire impose un « tout ou rien », c’est dans sa volonté d’inclure tout le peuple (dont certains mandataires élus) à l’écriture de la constitution du pays du Québec. ON n’aurait plus de raisons de ne pas se rallier à nous et, dans tout ce gris, apparaîtrait plus clairement une vraie lueur d’espoir, celle que commence un projet emballant pour le Québec et qu’enfin se dégonflent les vieilles baudruches vidées de substance.
C’est justement ce tout ou rien qui est problématique car il implique . Vous parlez de « gris » mais pour parler de nuances il faut accepter alors le ralliement de ceux ayant une conception de l’État diamétralement opposé à la vôtre. QS doit faire un constat : il n’y aura pas de souveraineté sans la droite. Ça n’en revient presque aux mathématiques. Or, QS est tout sauf rassembleur car il impose à tous ceux qui le suivent de ne voir la finalité d’un état indépendant que dans leurs conceptions, refusant toute nuance ou compromis permettant à d’autres de pouvoir projeter leurs idéaux. QS ne fait pas rêver, ils politisent le rêve…
Et que veut donc la droite ?
C’est de la haute voltige politique ça M. Jodoin ! Ça vous mène droit dans le champs en tout cas.
Si vous faites une bonne synthèse des origines et des objectifs politiques de Québec solidaire, ainsi que de la nature de son discours, en ce qui concerne l’essence et les déterminants de sa proposition de démarche pour l’accession du Québec à l’indépendance, vous errez complètement.
Québec solidaire ne trompe personne et fait une proposition claire aux Québécois. QS en formant le Gouvernement, n’entend pas mener des troupes indépendantistes comme le berger voyant l’étoile le guider vers sa quête. Il propose au contraire une procédure dont il s’exclut lui-même. Il me paraît étonnant que vous ne parliez pas des intentions réelles de QS à ce sujet. C’est écrit en toutes lettres dans son programme. Je résume :
Dans les six mois de son arrivée au pouvoir, Québec solidaire proposera à l’Assemblée nationale d’adopter une loi instituant Une Assemblée constituante élue au suffrage universel, composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes. Le mode de scrutin assurera la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socio-économiques présents au sein de la société québécoise. L’élection de cette Assemblée constituante devra permettre aux candidats et aux candidates de tous moyens et toutes origines d’avoir un accès équitable aux moyens de communication. Les membres de l’Assemblée nationale ne peuvent y être élus, puisque cette participation requiert une disponibilité à temps plein, et se poursuivra sur une période de 12 à 18 mois jusqu’à l’adoption d’une constitution, dont le texte sers soumis à la population par référendum.
Ainsi, les partis politiques, QS compris, n’auront aucun pouvoir décisionnel dans le cadre des débats de la Constituante. Alors, lorsque vous prétendez avec votre » hic majeur » en insinuant que Québec solidaire leurre l’électorat parce qu’il tente de se rallier le vote souverainiste pour mener les Québécois dites-vous un peu niaisement avouons-le, »vers une sorte de rêverie solidaire qui consiste à considérer la fondation d’un État comme une forme de rédemption », convenez-en M. Jodoin vous êtes dans le champs et pas mal loin, au fond du ravin de l’ignorance. Il est étonnant pour un journaliste d’expérience, de vous voir vous soustraire à d’élémentaires recherches sur votre sujet d’article.
Je crois que je suis un indépendantiste pur et dur et ce depuis très longtemps(en fait depuis l’élection du Parti Québécois en 1976). A voir, au cours de toutes ces années, la tournure assez tarabiscoté de cette option, je suis passablement septique face à sa survie! Non pas que je n’y crois plus, c’est en quelque sorte quelque chose d’innée pour moi, Je considère que la seule issu logique et intelligente pour le Québec c’est qu’il devienne un Pays point…Mais…et il y en un très gros MAIS, ce n’est certainement pas avec le gouvernement Marois que ça va arriver et meme avec la meilleure volonté des autres partis pronant l’indépendance et refusants l’union de leurs forces.Diviser pour régner, n’est certainement pas le moyen d’accéder au pouvoir. Donc, continuez à vous disputer et à vous déchirer, pendant ce temps, vous favorisez la CAQ et le PLQ . Cessons de nous plaindre des conservateurs et assumons les conséquences de nos indécisions! Nous savons ce qu’il faut faire mais nous ne le faisont pas alors…!
«ok, une fois QS au pouvoir, nous procédons comme prévu à l’élection d’une assemblée constituante, mais dont le mandat serait précisé : écrire une constitution ~pour le pays du Québec~.»
On en débattra sûrement un jour à nouveau en congrès, mais un tel changement enlèverait selon moi tout l’aspect mobilisateur et démocratique du projet de constituante. Bref, sa raison d’être.
« un tel changement enlèverait selon moi tout l’aspect mobilisateur et démocratique du projet de constituante. Bref, sa raison d’être. »
Vraiment ? Alors que QS se dit, quelque part dans son programme du moins, résolument souverainiste / indépendantistes ? C’est écrit, allez voir ! Donc, la raison d’être du projet solidaire, dans son ensemble, est ~aussi~ de construire un pays. Que diriez-vous qu’un parti annonce qu’il veut un bateau mais que le chantier qu’il lance, ~de par sa structure même~, accouche aléatoirement d’un avion, d’un pont ou d’un manège de petits chevaux ? En fait, avec une constitution, il ne s’agirait pas, dans cette métaphore, du bateau lui-même, mais d’un plan du bateau. Si le plan, la constitution est approuvée par référendum, alors le Québec deviendra un pays. Et sinon, on aura du moins un gouvernement solidaire qui apportera déjà un relativement grand changement à la situation, ne croyez-vous pas ?
Alors que si le projet de constituante accouche d’autre chose que ce qui est dans le programme, aléatoirement, c’est là qu’il y a un sérieux problème de raison-d’être, non ?
Si le projet de constitution est rejeté par référendum, ce ne sera que partie remise, assurément. Du moins aurons-nous tenté l’expérience et sûrement appris… pour tenter de faire mieux la prochaine fois.
«Alors que si le projet de constituante accouche d’autre chose que ce qui est dans le programme»
Ça arrive même pour des référendums! Il arrive que le résultat ne soit pas celui espéré par ceux qui l’ont organisé. C’est ça la démocratie. La constituante actuelle regrouperait des représentantEs de toutes tendances, mais QS y défendrait sa position sur l’indépendance, comme le PQ avait féfendu l’indépendance durant les référendums. Le résultat n’est pas plus garanti avec des référendums – on l’a vu – qu’avec une constituante. Mais celle-ci a l’avantage de pouvoir faire discuter à fond les enjeux.
Entendons-nous, M. Darwin, il est déjà prévu que la constitution soit soumise à un référendum. L’amendement visant à lancer l’écriture de la constitution ~d’un pays~ plutôt que celle d’une constitution tout court — qui pourrait être celle d’une province, la Colombie-Britannique a la sienne — est une bonne idée selon moi puisqu’il garantirait de donner la chance à tous les Québécois et toutes les Québécoises de se prononcer sur le projet de pays et non sur on ne sait quoi.
C’est cette absence de garantie que les indépendantistes reprochent à QS. Je crois que cet amendement serait vraiment gagnant. ON en principe se rallierait. Les déçus du PQ viendraient en masse. Des caquistes indécis craqueraient. Même des gens qui ne votent pas d’habitude seraient titillés par cet emballant projet de constitution ~d’un pays~.
Que de mots et paroles inutiles pour une option qui n’a aucune, AUCUNE chance d’être adoptée par les mêmes Québécois qui l’ont REFUSÉE à deux (2) reprises et pour deux partis politiques qui ont « réussi » à faire élire un total de deux (2) députés!
Québec solidaire est un parti ouvert et intelligent, les bonnes idées y font leur chemin. Et le Québec se réveille et se lève. C’est un match parfait — tandis que même les plus abrutis sont en train de se rendre compte que le PQ et le PLQ sont les deux côtés de la même rondelle… La droite est divisée en trois équipes : la « propre », la sale et la prétendument de gauche. QS est bien positionné, se fait connaître et entendre, ON lui fait une passe discrète (bon, plus ou moins discrète) et le filet social est en plein au centre de la question. S’ils collaborent en dépassant les prétendues idées de droite et de gauche, ça enverra un signal fort à la population. Ils pourraient bien être propulsés, connaître une vague comme il y en a qui suivent les beaux mouvements, et toucher au but.
Je connais malheureusement des membres de QS ce qui ajoute grandement au ridicule de ce parti. Membres avoués et fiers d’organisation communistes tel la 4eme Internationale, ils respirent l’intransigeance politique de QS et la plupart des régimes communistes historiques. Certains diront que QS a un jupon socialiste/communiste qui dépasse. Moi je vois la robe rouge fièrement portée. Nous avons à juste titre éliminé la possibilité que l’extrême droite réintègre le paysage politique canadien. Pourquoi le Québec tourne-t-il un sourire romantique bienveillant lorsque l’extrême gauche vient insidieusement parasiter nos institutions politiques?
C’est dommage que tant de gens, même des gens intelligents et qui se veulent bien informés, ont tendance à poser des jugements hâtifs à partir de préjugés en les répétant sans réfléchir.
Comme celui qui veut que les politiciens « affairistes » gèrent mieux les finances que les autres (alors que les faits démontrent le contraire: Charest a dirigé le gouvernement qui a le plus endetté le Québec de notre histoire. Au Canada, Harper a pulvérisé l’ancien record détenu par…Mulroney. Et aux États-Unis, les présidents qui ont laissé les plus gros déficits sont, dans l’ordre: 1- Bush junior, 2- Ronald Reagan, 3- papa Bush).
Et le préjugé qui veut que tous ceux qui rêvent d’un monde meilleur soient nécessairement des « utopistes » (au sens péjoratif). Si vous étiez venu comme observateur au Congrès, vous auriez pu constater que le préjugé que vous reprenez est justement un préjugé.
Les militants ne croient pas détenir LA Vérité et personne ne croit qu’un gouvernement solidaire va résoudre tous les problèmes et pour l’éternité. Ce serait une vision messianique tellement à l’opposé de celle des solidaires.
Le programme est en fait une vision qui se veut une alternative au néo-libéralisme qu’on applique depuis 30 ans. Un peu comme le projet de société que proposait le PQ des années 70 (actualisé évidemment).
Et cette vision rejoint tellement la vision d’une grande masse des Québécois qu’à la dernière élection:
– Aussant a écrit une plate-forme directement inspirée du programme de Québec Solidaire
– Le PQ a fait une campagne agressive en empruntant plusieurs des idées de QS pour se présenter comme le « seul parti de gauche pouvant prendre le pouvoir »
– Même la CAQ n’a pas hésité à virer de 180 degrés sur de nombreux points de son programme d’origine pour se donner une « teinte » vaguement sociale-démocrate (participation majoritaire de l’État dans les mines, moratoire sur les gaz de schiste, abolition de la taxe-santé, etc.)
(Évidemment, depuis l’élection les deux derniers ont repris leur politique néo-libérale et ON a pris une certaine distance d’avec le progressisme)
P.S. Si vous voulez de l’utopie, je vous invite à revoir les campagnes électorales de Charest en 2003 (il était, entre autres, question de régler le problème du temps d’attente dans le service de santé, avec des effets visibles « dès les premières heures après l’élection ») et celle de Marois à l’automne dernier.
A côté, Québec Solidaire ne promet pas « mer et mondes », mais une meilleure société.
Morale: Il faut se méfier des idées toute faite qu’on répète sans réfléchir depuis des décennies.
@ Simon Jodoin: Décidément, votre style n’a d’égal que votre manque de nuance et votre cynisme.
1) Concernant votre manque de nuance, M. Fred Mir a très bien mis en lumière les défauts de votre analyse.
2) Pour ce qui est du cynisme qui vous anime (ou vous paralyse politiquement), le défaitisme crasse du commentaire de François ci-haut en est une brillante illustration.
J’en profite pour remercier tous les gens ici présents (Fred Mir, Darwin et P. Lagacé) d’avoir fait ce que je m’en venais faire en premier lieu, c’est à dire rétablir les faits et les éclairer de telle sorte qu’il soit encore permis d’espérer un avenir meilleur.
Solidairement vôtre,
Pier-Yves
P.S. @ Claude CC: Vous savez, un vieux sage du nom d’Aristote a dit un jour que la vertu était un juste milieu qui ne se résume pas à une moyenne arithmétique, mais est lui-même un extrême en cela qu’il s’éloigne absolument du vice. Si c’est de cela que vous accusez QS, alors soit, je comprend que, comme M. Jodoin, quelque parti qui sorte de la marge et refuse le compromis comme QS ne saurait vous satisfaire. Il y a des bons et des mauvais côtés à être un »libéral alternatif d’extrême centre. »