Voix publique

Les conservateurs sont morts de rire

OK. On respire par le nez. On ferme les yeux, on prend une GRANDE respiration et on compte jusqu’à trois. On se prépare à intérioriser la chose. Allez, dites-le doucement: les conservateurs sont là pour rester.

Bon. Est-ce que ça va comme ça? Est-ce que ça passe? Non? Eh, bien. Que voulez-vous? Faudra s’habituer.

Bien sûr, l’analyse politique ou les projections ne sont aucunement une science exacte. Robert Bourassa aimait dire que six mois, c’est une éternité en politique, que les élections partielles ne sont que cela et que la personnalité des candidats y joue beaucoup plus que dans une élection générale. Soit.

Sauf qu’il existe ce qui commence à ressembler à des tendances lourdes. Les planètes continuent de s’aligner. Stéphane Dion semble incapable de tirer profit des politiques impopulaires de Stephen Harper. Et avec Jean Charest à Québec, c’est la marque de commerce libérale elle-même qui continue d’en prendre pour son rhume.

Avec un PQ sans référendum et le recul actuel de la souveraineté, le Bloc de Gilles Duceppe s’use de plus en plus les fesses et le cerveau sur les banquettes à Ottawa à défendre les "intérêts du Québec" de manière pépère comme le ferait n’importe quel député nationaliste-fédéraliste.

UN MAL DE BLOC

S’il est vrai que Stéphane Dion vit dorénavant sur du temps emprunté, que les poignards libéraux s’aiguisent bruyamment et qu’ils s’enfonceront vite s’il perd la prochaine générale, Gilles Duceppe en aura aussi mangé toute une dans les trois comtés. Même dans Saint-Hyacinthe-Bagot, le Bloc a vu la majorité fracassante d’Yvan Loubier fondre comme neige au soleil.

Dans le passé, je n’ai jamais été des analystes qui voient la disparition du Bloc à la moindre difficulté. Mais force est de constater que le Bloc se trouve aujourd’hui face à un effritement de ses appuis. Saigné à sa droite par les conservateurs et possiblement à sa gauche par le NPD dans certains comtés, avec le Grand Soir qui ne vient pas et ne viendra pas de sitôt, le temps serait-il venu de rapatrier les bloquistes à Québec? Attendez-vous à ce que la question se pose discrètement dans le mouvement souverainiste.

Gilles Duceppe est piégé. Ou il appuie le discours du Trône de Harper en octobre, lui permet de se maintenir, ce qui affaiblira encore plus le chef bloquiste dans son propre caucus fatigué de faire la génuflexion devant les conservateurs. Ou il vote contre, provoque une élection et risque de perdre d’autres comtés.

Harper est mort de rire.

Quant à la victoire de Thomas Mulcair, elle forme certes un micro-climat pour le moment. Mais si le NPD présente quelques candidats d’envergure à la générale dans des comtés bien ciblés, la saignée du vote bloquiste et libéral vers le NPD dans Outremont pourrait s’y reproduire ou du moins, y diviser le vote.

Avec des bloquistes privés du rêve de la souveraineté et des libéraux désespérant de leur chef, combien seront tentés d’encourager une certaine social-démocratie au NPD, absente ou moribonde dans les autres partis?

LA BULLE DE STEPHANE

Mais il y a une seule chose qui pourrait freiner les ardeurs de Harper: si Stéphane Dion réussit dans les prochains jours à sortir de sa fameuse bulle!

C’est tout de même inouï de voir la rapidité avec laquelle il a dilapidé le capital de sympathie qu’il avait au lendemain de son élection comme chef libéral. Même au Québec, le vilain père de la Loi sur la clarté avait réussi pendant sa campagne au leadership à s’établir comme un contrepoids idéologique à l’ultra-conservatisme de Harper en parlant d’environnement et de justice sociale.

Et puis, pouff! Plus rien. Cumulant les erreurs de jugement – dont le fait de s’être entouré de trop de ses anciens adversaires de la course qui ne lui veulent pas vraiment du bien – le chef libéral s’est retiré dans sa bulle. Il semble croire que tout le monde au PLC est gentil, bon, solidaire, de grands Canadiens patriotiques et, surtout, qu’ils n’ont qu’à s’aimer d’amour fraternel pour reprendre le pouvoir. La candeur politique de Stéphane Dion est parfois sidérante.

Mais le PLC est un parti de pouvoir, un parti dur, où l’"amour" prend le bord dès que le chef ne livre pas la marchandise.

Si Dion ne sort pas de sa bulle pour faire un méga-ménage autour de lui, offrir une alternative claire et crédible, tout en se rappelant enfin qu’il vient du Québec, Harper viendra chercher sa majorité au Québec tout en renforçant son axe de collaboration avec Mario Dumont et l’ADQ.

Même Jean Charest a compris que s’il voulait survivre aux prochains mois, il devait au moins passer l’aspirateur autour de lui pour se débarrasser du bois mort qui hérissait ses propres troupes.

Stéphane Dion aura-t-il la lucidité nécessaire pour faire de même?