Voix publique

Sauver les meubles

Les élections partielles sont essentiellement des microclimats politiques. Elles annoncent parfois l’avenir, mais le font très rarement.

Bref, tenter d’y voir ce qui se passera à la prochaine élection générale est aussi fiable que de vouloir lire l’avenir dans les feuilles de thé.

Il en va ainsi pour le comté de Bonaventure, ex-royaume de Nathalie Normandeau et forteresse libérale notoire.

C’est donc sans surprise si, lors de la partielle du 5 décembre, ce comté soit demeuré libéral. Et ce, malgré le lourd parfum de scandale que porte le gouvernement Charest depuis des années.

Quant au PQ, ses appuis ont monté de 8%. Et ce, malgré sa chute libre dans les sondages et une crise de leadership qui n’en finit plus.

Mais attention. Si François Legault avait présenté dans Bonaventure son premier candidat caquiste, parions que le PQ en aurait souffert passablement plus encore que le PLQ.

C’est que la tendance est lourde. Depuis plus d’un an déjà – donc, bien avant sa naissance officielle -, la Coalition Avenir Québec (CAQ) gruge nettement plus d’appuis aux péquistes qu’aux libéraux.

Un parti sans coussin ni ceinture de sécurité

Sans compter qu’aux élections générales, le PLQ peut toujours compter sur un coussin protecteur confortable. Une courtoisie du vote anglophone et allophone. Ce qui, scandale ou pas, lui garantit d’avance plusieurs comtés.

Le Parti québécois, par contre, ne possède ni coussin, ni même la moindre petite ceinture de sécurité pour le protéger du danger réel de disparition qui le guette pour la première fois depuis sa fondation.

Le PQ saigne sur sa droite au bénéfice de la CAQ. Et il saigne sur sa gauche au profit de Québec solidaire (QS). Or, au lieu de bâtir des alliances avec ce dernier, Pauline Marois s’entête à lui mener une guerre d’usure aussi stérile que mal avisée.

Car on a beau répéter que les votes pour QS retourneraient au PQ si le contexte lui était plus favorable, dans les faits, rien ne prouve une telle affirmation.

Mais surtout, le PQ saigne de l’intérieur. Il perd des souverainistes déçus de son discours timide sur son option. Certains passent à Option nationale, le nouveau parti de l’ex-député péquiste Jean-Martin Aussant. D’autres préfèrent QS. D’autres encore ne veulent plus rien savoir.

Puis, il y a tous ceux qui, sans se livrer à de grands questionnements idéologiques, sont persuadés qu’avec Mme Marois, le PQ se condamne à l’abattoir. Point.

Avec tout ce beau monde et toutes catégories confondues, ça commence à faire pas mal d’électeurs qui, dans les circonstances actuelles, tournent le dos au PQ. Ou songent à le faire.

Chez les analystes, plusieurs voient la souveraineté comme étant devenu son principal handicap. Voire même la cause de son agonie appréhendée.

Pourtant, selon les mêmes sondages, sous Gilles Duceppe, les péquistes clencheraient la CAQ. Du moins, en ce moment.

Comme quoi lorsqu’un électorat déçu se détourne de sa classe politique, la personnalité des chefs, réelle ou imaginée, peut devenir un facteur nettement plus déterminant que les «idées».

Le père Noël arrive tôt… pour certains

À défaut de projets politiques enlevants, on se magasine l’illusion de la nouveauté. Même une nouveauté factice portée par d’ex-politiciens recyclés en sauveurs synthétiques. François Legault en est une des illustrations les plus frappantes des dernières décennies.

De son côté, Mme Marois fait le pari que l’hémorragie est stoppée. Un pari risqué, même téméraire.

Car son parti est blessé. Profondément. D’autant plus que la CAQ se positionne comme la nouvelle alternative au PLQ. Bref, le père Noël arrive tôt cette année pour le milieu des affaires et Stephen Harper.

À défaut de retournements majeurs, le PQ glisse lentement dans une phase potentiellement terminale. À moins qu’il ne réussisse, in extremis, à sauver quelques meubles. Du moins, suffisamment pour éviter de finir dans le cimetière des vieux partis. Malgré qu’il ne soit encore que dans sa jeune quarantaine.

Or, l’extrême détermination de Mme Marois à braver la tempête envers et contre tous ressemble de plus en plus à de l’entêtement et de la dénégation.

Le patient va pourtant mal. Et le temps court. Une élection générale viendra en 2012, c’est certain.

Et elle viendra avant que la commission Charbonneau n’ait la chance de se pointer le bout du nez sur les écrans de télévision. Comptez sur Jean Charest pour s’en assurer.

Ce qui, pour les péquistes, soulève une question existentielle.

D’ici les prochains mois, à peine, sur qui et sur quoi pourront-ils vraiment compter pour sauver leurs propres meubles?