Dogma : Fourre-tout
Cinéma

Dogma : Fourre-tout

Après un premier film fauché, adolescent et sympa (Clerks), un deuxième film boursouflé, puéril et raté (Mallrats) et un troisième en forme de repentir, étonnamment mûr et réussi (Chasing Amy), l’imprévisible Kevin Smith réalise, avec Dogma, son ouvre la plus ambitieuse et la plus inclassable à ce jour: une comédie satirique sur Dieu, l’avortement, le capitalisme sauvage et la fin du monde, qui tente de mêler un humour adolescent, une esthétique de bande dessinée et une véritable profession de foi, dans une fable truffée de dialogues brillants, d’effets spéciaux kitsch et de cameos prestigieux, perdus dans un film à l’esthétique trash, monté à la va-comme-je-te-pousse. Le résultat est – c’est le moins que l’on puisse dire – aussi inégal qu’éparpillé…

L’idée de départ est pourtant assez marrante: deux anges déchus (Ben Affleck et Matt Damon), condamnés à passer l’éternité au Wisconsin, découvrent une faille dans le dogme qui leur permettrait de réintégrer le Paradis. Comme la réussite de leur plan prouverait la faillibilité du Tout-Puissant, et entraînerait du même coup la fin de notre monde, Dieu dépêche sur Terre un émissaire (Alan Rickman) qui doit convaincre une militante pro-choix (Linda Fiorentino) d’empêcher les deux anges de concrétiser leur plan. En route, elle recevra l’aide du treizième apôtre du Christ (Chris Rock, qui tombe littéralement du ciel!), d’une déesse reconvertie dans le strip-tease (Salma Hayek), et de deux glandeurs-philosophes (Jason Mewes et Kevin Smith, reprenant pour une quatrième fois leurs rôles d’Obi-Wan et Yoda de l’univers de Smith). Ensemble, ils tenteront de venir à bout d’un démon cornu (Jason Lee), qui joue de la mitraillette, d’un monstre excrémentiel littéralement sorti d’un bol de toilette, et d’un cardinal vendeur-du-temple (George Carlin), qui verra soudainement débarquer dans son église l’Être suprême (Alanis Morissette!).
Cette description – longue, mais encore trop brève pour vraiment rendre compte des virages tortueux qu’emprunte ce drôle de film – suggère une ouvre beaucoup plus amusante que ne l’est finalement Dogma. Pourquoi?

Tout simplement parce que la prémisse juteuse et les dialogues brillants du film de Smith se perdent rapidement dans les dédales d’un scénario bordélique, où le meilleur (les échanges entres les anges déchus) côtoie le pire (l’attaque du monstre excrémentiel); où les changements de ton (de la farce puérile à la violence gratuite, en passant par le sermon spielbergien) laissent parfois un drôle de goût; et où la surabondance répétitive d’échanges ultra-rapides (vous avez intérêt à maîtriser parfaitement l’anglais) fait que leur brillance lasse rapidement, alors que le filmage des scènes purement visuelles est à la fois surchargé et d’une pauvreté affligeante, en particulier lors de la séquence finale (cahoteuse et interminable) qui est un véritable test d’endurance.

Parfois drôle et inspiré, mais presque toujours lourd et brouillon, Dogma est un film étrange, qui séduit plus par sa verve et son intelligence que par ce qu’il accomplit véritablement. Surdoué mais maladroit, et finalement terriblement adolescent, Dogma est en fait à l’image de ses deux héros, anges déchus en quête de rédemption: un film malin mais infernal, qui se perd sur une route pavée de bonnes intentions.

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