Liberty Heights : Passé simple
Cinéma

Liberty Heights : Passé simple

Force est d’admettre que Liberty Heights est l’un des meilleurs films de Barry Levinson: une chronique familiale étonnamment riche, complexe et émouvante qui a presque toutes les qualités (et très peu des défauts) des classiques du  genre.

Entre les grands films à succès qui ont fait sa réputation, comme Good Morning Vietnam, Rain Man et Wag the Dog, Barry Levinson a réalisé des oeuvres plus personnelles, inspirées par son enfance à Baltimore: Diner, Tin Men et Avalon.

Si peu de gens semblaient vraiment attendre le quatrième volet de ces «chroniques de Baltimore», force est d’admettre que Liberty Heights est l’un des meilleurs films de Barry Levinson: une chronique familiale étonnamment riche, complexe et émouvante qui a presque toutes les qualités (et très peu des défauts) des classiques du genre.

La petite histoire veut ironiquement que Levinson ait été amené à écrire ce film (qui est sans doute son plus personnel) après avoir lu ce qu’il perçut comme un commentaire antisémite dans une critique de sa dernière production (le très décevant Sphere). Si l’anecdote est vraie, c’est bien la première fois (comme le faisait remarquer le critique de Variety) qu’un bon film naît d’une mauvaise critique…

Quoi qu’il en soit, une chose est claire: Liberty Heights (le titre désigne un quartier majoritairement juif de Baltimore) offre un portrait prenant des premiers changements sociaux à gronder sous les surfaces tranquilles de l’Amérique des années 50. Le scénario classique mais extrêmement bien construit de Levinson tourne autour de trois membres de la famille Kurtzman: le père (Joe Mantegna), un homme conservateur et respecté, qui cache à sa famille ses véritables sources de revenus (il gère une salle de spectacles qui survit grâce au strip-tease et au jeu); ainsi que ses deux garçons, Ben (Ben Foster), un adolescent qui tombe amoureux d’une jeune fille noire (Rebekah Johnson), au grand dam de leurs parents respectifs; et Van (Adrien Brody), un jeune adulte amoureux d’une beauté WASP (Carolyn Murphy), qui s’avérera aussi troublée qu’inaccessible.

Levinson a eu toutefois la bonne idée de bousculer d’emblée la structure solide de ce scénario démonstratif en créant des personnages vrais, capables de faire dévier le cours du film. Avec le résultat que l’histoire de la famille Kurtzman traversera – en un peu plus de deux heures – une bonne partie de l’histoire des années 50; avec la mort du burlesque, l’arrivée de James Brown et le début des luttes sociales des années 60.

Levinson ne réinvente évidemment pas la roue (d’autres sont passés par là bien avant lui), mais il sait la faire tourner sans lourdeur ni sensiblerie: le scénario et la reconstitution d’époque frappent juste la note de nostalgie voulue; la musique d’Andrea Morricone (le fils d’Ennio) sait être lyrique sans être sirupeuse; et l’ensemble joue sur nos émotions d’une manière assez originale et parfois même surprenante (l’un des derniers plans du film – une superbe voiture d’époque tournant au centre d’une salle de montre déserte – fait naître une émotion réelle mais inexplicable). À la recherche du temps perdu à Baltimore? Bien sûr que non… Mais une chronique sensible et attachante qui distille des moments de grâce aussi profonds qu’étonnants.

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