Les Muses orphelines : Maman très chère
Cinéma

Les Muses orphelines : Maman très chère

Elles ne sont plus abandonnées, les muses de Michel Marc Bouchard. Depuis la création de sa pièce, en 1988, l’auteur a vu plusieurs versions de l’histoire des quatre orphelins de la famille Tanguay.

Elles ne sont plus abandonnées, les muses de Michel Marc Bouchard. Depuis la création de sa pièce, en 1988, l’auteur a vu plusieurs versions de l’histoire des quatre orphelins de la famille Tanguay. Sa pièce a été jouée avec succès à travers le Québec et sur les scènes du Canada, des États-Unis, de France, d’Italie… Au cinéma, Les Muses orphelines ont inspiré une libre adaptation au cinéaste Bernar Hébert avec La Résurrection; et maintenant, une réalisation plus fidèle à l’oeuvre dramatique signée Robert Favreau.

Après avoir fait l’ouverture du Festival international de l’Abitibi-Témiscamingue, le film arrive à Montréal précédé d’une bonne réputation (grâce surtout au Téléjournal, diffusé en direct du Théâtre du Cuivre, à Rouyn. La SRC a probablement offert la plus grosse plogue à un film, de toute l’histoire du cinéma québécois!). Dans les faits, le film de Favreau est assez conventionnel et sage. Le réalisateur n’exploite pas suffisamment (dans les images, les cadres ou le montage) le côté baroque et lyrique de la pièce. On ne retrouve pas, en deux mots, les excès du langage scénique de Bouchard.

Quatre membres d’une famille dysfonctionnelle abandonnée dans un bled du Lac-Saint-Jean, après que la mère se fut amourachée d’un don Juan espagnol (à une époque où la paella n’était pas au menu à Alma), se réunissent pour le retour improbable de la Mamma. Avec les souvenirs, surgissent les vieilles blessures. Ces retrouvailles ne seront pas des plus joyeuses. Mais elles sont émouvantes. Car la famille Tanguay, aussi "fuckée" soit-elle, parle seulement le langage du coeur.

En accord avec le dramaturge, Favreau s’est approprié l’histoire de Bouchard en compagnie du scénariste Gilles Desjardins. L’action se déroule à notre époque plutôt qu’1965. Des dialogues ont été changés, des personnages, ajoutés (comme ce gardien de barrage, interprété par Patrick Labbé), et la distribution d’origine, entièrement renouvelée. Marina Orsini est une excellente comédienne, qui crève l’écran, mais elle ne m’a pas convaincu dans le rôle de Catherine, vieille fille austère, sèche et manipulatrice. Sur un écran, Orsini dégage surtout de la douceur et de l’empathie, deux qualités qui ne collent pas au personnage de Catherine. Céline Bonnier et Stéphane Demers s’avèrent plus justes dans les rôles de Martine et Luc Tanguay.

Toutefois, la révélation de ces Muses orphelines demeure Fanny Mallette, une jeune diplômée de l’École nationale de théâtre (en 1998) qui livre ici son premier grand rôle au cinéma. En incarnant Isabelle Tanguay, une femme-enfant et personnage-pivot de l’oeuvre, la jeune comédienne avait une grande responsabilité et devait relever le défi de faire oublier la performance de Pascale Desrochers (extraordinaire dans la production mise en scène par René Richard Cyr). Et elle atteint parfaitement son objectif. Finalement, si Robert Favreau ne révolutionne pas son art, il a le mérite d’exposer avec sensibilité le drame de la famille Tanguay et la source de leurs blessures. À la fin, au moment de la vérité et de la séparation, ces Muses orphelines restent tout aussi bouleversantes à l’écran que sur la scène.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités