Les Rencontres internationales… : Le vrai monde
Cinéma

Les Rencontres internationales… : Le vrai monde

Cette année encore, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal réussiront l’impossible en proposant 49 documentaires d’auteurs en quatre jours.

Quand on apprend que les deux premières éditions des Rencontres internationales du documentaire de Montréal ont cumulé entre 3000 et 3500 entrées chaque année, on se dit qu’il s’agit d’un événement intimiste. Quand on sait le nombre de spectateurs qu’attirent la plupart des films non américains, on réalise que ce mini-festival, qui, cette année encore, réussira l’impossible en proposant 49 documentaires d’auteurs en quatre jours, n’est pas plus mal loti, en termes de visibilité, que les films de Nanni Moretti ou de Raoul Ruiz.

Présidée par Jean-Daniel Lafond, la manifestation s’ouvrira avec À l’abri du temps, de Stéphane Drolet, réflexion sur le temps à travers le travail d’un horloger et celui de trois chercheurs; et Nalan Türkeli, une femme des bidonvilles, document sur une mère de famille des quartiers pauvres d’Istanbul qui, en 1994, devint célèbre en publiant un livre écrit la nuit.

Parmi les films vus jusqu’ici, Long Night’s Journey Into Day, de Frances Reid et Deborah Hoffmann, se détache nettement du lot. Ce film bouleversant témoigne des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation sud-africaine. Présidée par Desmond Tutu, cette instance unique dans l’histoire humaine vise à reconstruire un pays détruit par 40 ans de haine, en permettant à tous – Blancs, Noirs, policiers assassins ou terroristes anti-apartheid – de demander le pardon publiquement. Des 7000 candidats à l’amnistie, les réalisatrices en ont retenu quatre, dévoilant peu à peu les enjeux complexes de cette vaste psychothérapie collective. Les parents d’une jeune Américaine, militante anti-apartheid, donnant leur absolution aux meurtriers de leur fille; sept veuves pardonnant au flic responsable de la mort de leurs sept jeunes garçons; un policier avouant son implication dans l’assassinat de quatre militants noirs: les images sont saisissantes, et la dignité et le respect avec lesquels le processus est mené montrent bien à quel point l’humanité est capable du meilleur – une fois que le pire est fait. Reste que 80 % de ceux ayant demandé l’amnistie sont noirs! Dans un pays où la majorité de la population fut déshumanisée pendant quatre décennies, ces chiffres laissent songeur sur la capacité de la minorité, alors au pouvoir, de reconnaître ses torts…

Le Brésil et l’Inde sont à l’honneur. Le Rap du Petit Prince, de Paulo Caldas et Marcelo Luna, montre un Brésil à la dérive, à travers les portraits d’un jeune rappeur et d’un jeune tueur. Gros plans dramatiques, images contrastées et vues aériennes des favelas de Recife: la superbe mise en scène de ce documentaire-choc dresse un portrait assez noir d’un pays aux prises avec la pauvreté, la violence et la corruption. La Terre des âmes errantes, sur la pose d’un câble de fibre optique souterrain traversant le Cambodge; Goulag, carré blanc sur fond blanc, ou l’histoire de l’URSS et de ses prisons; et Un spécialiste, montage de deux heures des 350 que dura le procès d’Adolf Eichmann, chargé de la déportation des victimes des camps nazis, ne sont que trois des films prometteurs d’une programmation touffue et alléchante. On vous en reparle plus en détail la semaine prochaine.

Du 15 au 19 novembre
www.ridm.qc.ca
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